2000 – RAPPORT ANNUEL – ENAR – Réseau européen contre le racisme

En juillet 1999 s’est constitué le Conseil d’administration du Comité français du Réseau européen contre le racisme – ENAR (European Network against racism), dont la LDH fait partie, aux côtés du MRAP, la FTCR , la CIEMI, la FNAFA (Fédération nationale des associations franco-africaines), le GAF (Groupe d’appui France du Forum des migrants de l’Union européenne), la Ligue de l’enseignement, la FAEFTI (Fédération des associations d’enseignement et de formation des travailleurs immigrés), Femmes de la Terre, le GISTI, AIDE Fédération, la CIMADE Ile de France (Comité Inter mouvement auprès des évacués).

Les 10 et 11 octobre 2000, la LDH participe à Strasbourg au Forum des ONG « Le racisme, ça suffit ! », précédant la Conférence européenne contre le racisme.

INTRODUCTION DU RAPPORT DU FORUM DES ONG  

Nous, les quelques 250 représentants d’organisations non gouvernementales réunis à Strasbourg les 10 et 11 octobre 2000, avons examiné la question du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance, y compris de l’antisémitisme et de l’islamophobie, et de toutes les formes d’intolérance religieuse en Europe.

Nous avons, au cours de ces deux journées, réaffirmé notre détermination et notre engagement à combattre toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse, qu’elles soient institutionnalisées, découlent de doctrines et de pratiques basées sur une soi-disant « supériorité raciale » ou exclusivité raciale, ou sur l’une des autres formes variées que peuvent prendre ces phénomènes.

Nous déplorons la réapparition du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance, y compris de l’antisémitisme et de l’islamophobie, et de toutes les formes d’intolérance religieuse, ainsi que d’un climat persistant d’intolérance et d’actes de violence. Les efforts consentis par la communauté internationale pour combattre ces phénomènes sont inadaptés et doivent être renforcés.

Nous sommes en particulier consternés par le succès remporté récemment en Europe par des partis politiques qui diffusent et encouragent une idéologie raciste et xénophobe.

Nous pensons qu’il convient, lorsqu’on examine les diverses formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, y compris d’antisémitisme et d’islamophobie, et de toutes les formes d’intolérance religieuse, et les manières d’y remédier, d’avoir présents à l’esprit l’histoire de l’Europe et en particulier la traite des esclaves, le colonialisme et l’Holocauste.

Nous regrettons vivement les propos dégradants et les pratiques discriminatoires qui, dans toute l’Europe et les autres régions du monde, accompagnent les actes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, y compris d’antisémitisme et d’islamophobie, et de toutes les formes d’intolérance religieuse.

Nous sommes aussi inquiets du développement et de la persistance d’un nationalisme et d’un ethnocentrisme agressifs qui réapparaissent en tant qu’expressions de la xénophobie, et qui prospèrent notamment dans de nombreux pays d’Europe centrale et orientale et de l’ancienne Union soviétique. Ces phénomènes ont engendré ces dernières années des épisodes graves et massifs de violations des droits de l’Homme, de haine, de discrimination et de persécutions à l’égard de groupes spécifiques tels que les personnes originaires du Caucase en Russie, voire même dans certains cas une « purification ethnique » comme celle qui a été perpétrée en ex-Yougoslavie. Nous avertissons les gouvernements que le fait d’ignorer de tels phénomènes peut provoquer de nouveaux événements tragiques.

Nous sommes très préoccupés par la discrimination institutionnalisée à l’égard des « ressortissants de pays tiers » en Europe. Nous condamnons tout spécialement les lois et les politiques instituant ou perpétuant une discrimination sur la base de la nationalité, et prions instamment les gouvernements d’entreprendre une sérieuse révision de toute loi ou politique de ce genre.

Nous sommes gravement préoccupés par le fait que la montée du racisme et de la xénophobie (parfois violents) à l’égard des migrants et des réfugiés est attisée par des politiques restrictives en matière d’immigration ; par l’interprétation de plus en plus étroite par les gouvernements de leurs obligations en matière de protection des réfugiés ; par le fait que les migrants de toutes les catégories doivent par conséquent recourir à des moyens d’entrée clandestins ; par la criminalisation qui en résulte pour les migrants dits « en situation irrégulière » ; par la stigmatisation des réfugiés qualifiés de « prétendus demandeurs d’asile » et par l’utilisation des migrants et des réfugiés comme boucs émissaires accusés d’être les causes de la criminalité et du chômage.

Nous avons reconnu, par la création d’un Groupe de travail sur l’immigration et l’asile, l’importance du débat actuel en Europe sur la migration et de son impact négatif sur les droits des migrants et la protection des réfugiés. Nous constatons par contre, à notre grande déception, que la Conférence européenne officielle n’a prévu aucun groupe de ce genre pour examiner ces graves problèmes et leur rapport avec la xénophobie.

Nous exhortons la Conférence européenne à prendre en considération la question des droits des migrants et de la protection des réfugiés comme l’un des thèmes transversaux abordés dans chacun des groupes de travail déjà prévus, et de veiller à ce que les Conclusions générales de la Conférence recommandent énergiquement qu’un Groupe de travail sur la migration et la protection des réfugiés soit inscrit au programme de la Conférence mondiale.

Nous souhaitons, dans le contexte de l’ordre du jour de la Conférence mondiale, attirer l’attention sur la discrimination fondée sur l’occupation et la descendance, telle qu’elle est pratiquée à l’égard des Dalits de l’Asie du Sud, des Burakumin au Japon ainsi que dans certaines régions de l’Afrique occidentale. Cette discrimination consiste en une série complexe de violations des droits de l’Homme commises contre une partie non négligeable de l’humanité. Nous appelons la Conférence mondiale à accorder une attention explicite et systématique à cette « forme déguisée d’apartheid ».

Tout aussi préoccupantes sont les formes actuelles de la mondialisation et les politiques des institutions internationales de la finance et du commerce, qui entraînent une dégradation de la situation économique et sociale de nombreux pays, poussent les gouvernements à adopter des mesures en violation de leurs obligations dérivées des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, aggravent l’exclusion sociale des groupes les plus en danger et les plus marginalisés[1], et qui sont susceptibles d’alimenter les tensions et les manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse.

Tous les donateurs multilatéraux doivent activement aborder la question de la discrimination institutionnalisée au sein de la gestion de leurs programmes d’aide et prendre les mesures qui s’imposent pour garantir l’octroi d’une aide sous des formes adaptées et non discriminatoires, y compris les aides d’urgence.

Nous condamnons le rôle que jouent les États d’Europe dans le maintien ou l’instauration de conditions exécrables dans les pays d’origine des migrants et des réfugiés, et exigeons qu’ils mettent un terme à cette complicité active ou passive. 

Nous sommes convaincus que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse, constituent une menace pour les sociétés démocratiques et leurs valeurs fondamentales. Nous estimons que l’instauration de la démocratie et du pluralisme dans toute l’Europe et des les autres régions du monde exige de l’ensemble des États des efforts renouvelés en vue d’éradiquer  le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse.

Inversement, nous rappelons aux gouvernements que la lutte contre le racisme et ses différentes manifestations ne peut aboutir que si elle s’inscrit dans le cadre plus vaste du respect, de la protection et de la réalisation de tous les droits de l’Homme, qui sont universels, indivisibles, en relation mutuelle et interdépendants, qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou économiques, sociaux et culturels ; ce sont les droits économiques, sociaux et culturels des personnes et des groupes qui sont le plus souvent violés quand la discrimination se fonde sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse.

Nous croyons que des organisations intergouvernementales telles que les Nations unies, l’OSCE, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le racisme et la discrimination. L’adoption de nouveaux instruments tels que le Protocole n°12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (égalité et non-discrimination), et la Directive 2000/43/CE « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique », adoptée en juin dernier par le Conseil de l’Union européenne, sont des mesures qui vont dans le bon sens. Aucun instrument n’a toutefois de valeur s’il n’est pas dûment mis en œuvre à tous les niveaux et, en particulier, au niveau national. Les organes concernés des Nations unies et de l’Europe, en particulier la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes et le Haut Commissaire pour les minorités nationales de l’OSCE, contribuent utilement à lutter, dans toute l’Europe, contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, et toutes les formes d’intolérance religieuse. Il conviendrait toutefois de les doter de ressources plus adéquates si les États ont véritablement la volonté de renforcer leur efficacité.

Les recommandations […] ont été examinées et élaborées dans le cadre de cinq groupes de travail distincts et sont présentées sous les titres suivants, après une série de remarques et de recommandations générales :

  • Protection juridique aux niveaux national, régional et international pour lutter contre le racisme et la discrimination qui lui est associée ;
  • Politiques et pratiques de lutte contre le racisme et la discrimination qui y est associée aux niveaux local et national ;
  • Éducation et sensibilisation à la lutte contre le racisme, la discrimination qui lui est associée et l’extrémisme aux niveaux local, national et international ;
  • Information, communication et médias ;
  • Immigration et asile.


[1] Ces groupes comprennent des membres de minorités raciales, ethniques, nationales, religieuses et linguistiques, les populations autochtones, les réfugiés et les demandeurs d’asile, les migrants, les autres non-ressortissants, les sans-papiers et les personnes d’origine étrangère.

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