2000 – RAPPORT ANNUEL – Appel pour un moratoire sur les refus de titre de séjour

Appel pour un moratoire sur les refus de titre de séjour fondés sur les accords franco-algériens et l’application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, appel inter-associatif [1] (décembre):

L’octroi de titres de séjour aux Algériens est régi par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses avenants du 22 décembre 1985 et du 28 septembre 1994. Ces textes provoquent une discrimination vis-à-vis des Algériens par rapport aux autres étrangers.

Du fait de ces accords, les Algériens ne peuvent bénéficier des titres de séjour créés par la loi du 11 mai 1998, c’est-à-dire les cartes de séjour « vie privée et familiale », « profession artistique et culturelle », « scientifique » et « retraité ». Les conjoints de français et les parents d’enfants français se voient systématiquement demander un visa de long séjour.

L’obligation de retourner en Algérie pour y attendre un visa de long séjour est d’autant plus dramatique que le délai d’obtention d’un tel visa est très long, et que le plus souvent, les personnes concernées sont venues en France à la suite de menaces pesant sur elles, menaces qui sont toujours présentes, et ont renoncé à leur emploi et à leur logement au pays.

Cette obligation constitue une atteinte disproportionnée à leur vie privée au regard des motifs du refus, atteinte également non conforme à la CEDH.

Aucun recours ne peut être formulé du fait que certains dossiers ne peuvent même pas être déposés. La Commission du titre de séjour n’en est pas saisie au prétexte qu’ils ne relèvent pas de la loi du 11 mai 1998.

Les Algériens présents en France depuis dix ans ne peuvent déposer une demande avant quinze ans de présence.

Les Algériens malades devant se soigner en France reçoivent des autorisations provisoires de séjour de trois mois n’autorisant pas à travailler alors que la loi prévoit pour tous une carte valable un an autorisant son titulaire à exercer un emploi.

L’article 12bis de la loi du 11 mai 1998 constitue la transcription dans le droit français de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Cette convention interdit les discriminations fondées sur l’origine nationale. Elle ne s’applique pas aux Algériens et donc le droit français est discriminatoire vis-à-vis de ces derniers puisque le droit de vivre en famille est apprécié selon la nationalité.

M. le ministre de l’Intérieur ainsi que M. le ministre des Affaires étrangères ont affirmé que des négociations sont en cours pour modifier ces accords. Selon M. Jean-Pierre Chevènement, l’accord sera revu « afin de tenir compte des avancées contenues dans la loi Reseda » (Le Monde, 17 juin 2000).

Or, des refus de titre de séjour sont toujours fondés sur les accords franco-algériens.

En attendant la modification des accords, un titre de séjour avec droit au travail pourrait leur permettre de subvenir aux besoins de leur famille, conclure un bail, ouvrir un compte bancaire, rendre visite à leurs parents au pays, et leur épargnerait encore bien d’autres conséquences de la situation de sans-papiers dans leur vie quotidienne, dont le risque d’exposition à des mesures d’éloignement du territoire français n’est pas la moindre.

Pourquoi continuer d’appliquer un texte dont on attend une conséquente modification, pourquoi laisser sans papiers des personnes qui auraient droit à un titre de séjour si elles n’étaient victimes d’une situation dont tout le monde reconnaît le caractère discriminatoire et non conforme à la CEDH ?

Nous demandons :

  • un moratoire sur les refus de titre de séjour fondés sur les accords franco-algériens
  • l’application de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales
  • un titre de séjour autorisant les Algériens à travailler jusqu’à la publication d’un nouvel accord ou d’une décision d’application du droit commun donnant le droit à un titre de séjour dans le cadre de la loi du 11 mai 1998.


[1] Liste des signataires

– Associations nationales : ASFAD, Association franco-chilienne Cordillera, Collectif de solidarité et d’entraide des Algériens en France, Cultures croisées, Droits Devant !, FASTI, GISTI, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Pour !, Solidarité Algérie, RAJFIRE.
– Associations départementales et locales : A.S.T.I. Colombes, Alternatifs 93, Association culturelle et sportive de Saint Denis, Cimade 93, Collectif de soutien aux Algériens de Pantin, Collectif de soutien aux sans-papiers de Pantin, Collectif des sans-papiers et collectif de soutien du 92 Sud, Comité de défense des droits des sans-papiers de Lille, Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers, Ensemble Vivre et Travailler, Femmes médiatrices interculturelles de Pantin, MRAP Comité local de Pantin, Résister (Marseille).
– Partis politiques : FFS (Front des forces socialistes – Algérie), Lutte ouvrière, PCF Fédération de la Seine Saint Denis, PCF Pantin,
– Syndicats : CGT Union départementale 93.
– Élus : Boudjenah Yasmine, députée européenne (GUE) ; Braouezec Patrick, maire de Saint-Denis ; Guégout Catherine, adjointe au maire de Paris XXe (PCF), ;Isabet Jacques, maire de Pantin ; Léger Guy, adjoint au maire de Pantin ; Patruno Sabino, conseiller municipal de Pantin ; Perez Rafaël, 1er adjoint au maire de Pantin 

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