LETTRE COMMUNE[1] ADRESSEE AU PREMIER MINISTRE LE 5 JUIN 2000 :
Monsieur le Premier Ministre,
Les associations ci-dessus désignées souhaitent attirer votre attention sur les quelques observations et propositions qu’elles vous soumettent. Elles font suite à la réunion du 5 mai, organisée par le Conseil général de Seine-Saint-Denis, et se réfèrent aux engagements pris par la France, lorsqu’elle a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), à la reconnaissance – dans toutes les circonstances – de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 CIDE) et du fait que la détention ne doit être qu’une mesure de dernier ressort, aussi brève que possible (art. 37 CIDE).
Faut-il rappeler que les mineurs isolés ne bénéficient pas de la capacité juridique, qu’on ne peut donc pas leur opposer un refus d’admission sur le territoire. Dans ces conditions, nous avons le devoir de procéder à une prise en charge immédiate, seule capable d’assurer leur protection.
Ceci peut se faire dans le cadre des dispositions et lois existantes.
La situation actuelle ne peut perdurer. Nous proposons, dès lors qu’un jeune se présente comme mineur, que tout soit mis en œuvre pour que ce jeune ne puisse quitter l’aéroport avec un laissez-passer du ministère de l’Intérieur, puis devenir inconnu de toute autorité compétente (pour Roissy seulement, 713 sur 843 arrivés à l’aéroport en 1999 sont dans cette situation), et devenir dans ce cas victime désignée de réseaux criminels.
1- Le Procureur doit être immédiatement saisi, afin qu’il désigne le juge des enfants – seul habilité à prendre une mesure de placement d’assistance éducative pour le confier à l’ASE – et le juge des tutelles – afin d’organiser sa représentation (ces deux mesures permettant ultérieurement l’obtention de la nationalité française, pour éviter qu’un jeune qui s’est bien adapté soit reconduit à la frontière dès ses 18 ans révolus).
2- Des dispositions doivent être prises afin que l’ASE soit en mesure d’offrir un accueil adapté à ces mineurs, ce qui implique des équipes professionnelles capables de répondre à des jeunes qui arrivent, le plus souvent, sans aucune connaissance de notre langue et qu’il faudra orienter vers un placement qui leur permette une scolarité, une formation et un suivi médical et psychologique adaptés.Nous sommes conscients qu’il faudra que l’État garant dégage les moyens financiers, juridiques et administratifs nécessaires, afin de permettre une prise en charge adaptée, opérationnelle et cohérente sur l’ensemble du territoire.
Dans cette perspective, que nous souhaitons très proche, nous sommes prêts à contribuer, avec les autres associations concernées et les institutions, à l’élaboration du cahier des charges concernant les lieux d’accueil de ces enfants dans le cadre du dispositif légal actuel de protection de l’enfance.
[1] AMJF, CIMADE, CNAEMO, COFRADE, GISTI, LDH, MRAP, Syndicat de la Magistrature, SNPES-PJJ.