2000 – RAPPORT ANNUEL – 18 janvier – L’affaire Khalfaoui et ses conséquences

Conférence de presse présidée par Henri Leclerc, en présence des avocats de Faouzi Khalfaoui, Maîtres Véronica de Soete et Basile Ader, de sa sœur Faïza Khalfaoui et d’un représentant du Comité de soutien au Dr Khalfaoui.

Lettre adressée à Madame la ministre de la Justice le 5 janvier 2000 :

Madame la Ministre,

La Ligue des droits de l’homme souhaite vous saisir du dossier de Monsieur Khalfaoui Faouzi, ressortissant tunisien pour lequel la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu un arrêt favorable le 14 décembre 1999, constatant la violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Dans cette affaire, Monsieur Khalfaoui avait été déchu de son pourvoi en cassation car, ayant été condamné par la Cour d’appel de Besançon à une peine d’emprisonnement de plus de 6 mois, il ne s’était pas constitué prisonnier préalablement à l’examen de son pourvoi, conformément à l’article 583 du code de procédure pénale.

En effet, Monsieur Khalfaoui, qui avait été autorisé à regagner son pays d’origine, ne pouvait se déplacer au moment de l’audiencement de son pourvoi au mois de septembre 1996 car il était atteint d’une tuberculose pulmonaire bacilliforme. En raison de son état de santé, l’intéressé avait sollicité une dispense qui a été rejetée par la Cour d’appel de Besançon par arrêt du 19 septembre 1996.

La Cour européenne des droits de l’Homme a estimé, concernant la déchéance du pourvoi, « le respect de la présomption d’innocence, combiné avec l’effet suspensif du pourvoi, s’oppose à l’obligation pour un accusé libre de se constituer prisonnier quelle que soit la durée, même brève de son incarcération ». En outre, concernant la demande de dispense de mise en état, la juridiction européenne a relevé que Monsieur Khalfaoui avait fait usage de la seule voie de droit disponible pour tenter d’éviter à avoir à se constituer prisonnier, et que le fait qu’après le rejet de sa demande par la même Cour d’appel que celle qui l’avait jugé et condamné, il ne s’est pas mis en état n’implique aucune renonciation de sa part, la déchéance étant automatique. La Cour européenne a alors conclu que l’intéressé avait subi une entrave excessive à son droit d’accès à un tribunal, et donc à son droit à un procès équitable.

Le dispositif existant en droit interne se trouve ainsi en contradiction avec les dispositions de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Je vous remercie de l’attention portée à la présente afin que, dans ce dossier, le gouvernement français applique l’arrêt de la Cour européenne, permettant à Monsieur Khalfaoui de voir son pourvoi examiné par la Cour de cassation.

Vous avez annoncé qu’au cours du prochain débat lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale sur la loi portant réforme du Code de procédure pénale serait proposée une modification des textes qui sont à l’origine de la condamnation de la France.

Il m’apparaît que deux modifications complémentaires pourraient être proposées, l’une permettant à la Cour de cassation d’examiner à nouveau les pourvois des personnes ayant été déclarées déchues en application des textes actuels, l’autre permettant qu’en toute circonstance la Cour de cassation puisse ordonner un nouvel examen des affaires dans lesquelles la France a été condamnée en raison du caractère inéquitable d’une procédure ayant aboutie à une condamnation pénale.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

Henri Leclerc, Président de la LDH

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