1999 – RAPPORT ANNUEL – Février 1999

EDITO

Yves Jouffa nous a quittés. Nous l’avions vu au congrès du centenaire. Il avait tenu à être là, assumant courageusement sa maladie, acceptant le regard de ses amis dont il savait bien qu’il serait chaleureux. Une formidable ovation le salua. Nous lui disions non seulement notre affection, notre solidarité dans l’épreuve, mais aussi notre reconnaissance pour le président qu’il sut être pendant sept ans.

Lorsqu’il succéda à Henri Noguères, en 1984, il disait ses objectifs dans un beau discours dont il faut relever quelques mots : « Je veux que nous lancions une grande campagne pour l’octroi du droit de vote aux immigrés, au moins dans les scrutins municipaux pour rappeler une promesse de la gauche… aujourd’hui l’impératif c’est de coexister dans la différence… le premier des droits de l’homme est celui de pouvoir manger à sa faim… pensez à la puissance de l’informatique, à ses possibilités immenses, mais aussi à ses périls immenses … Pensez aussi aux problèmes posés par la science nouvelle qu’est la biogénétique et que les défenseurs des droits de l’homme doivent suivre de près …. ».

Ce sont nos combats et nos réflexions d’aujourd’hui qui sont là, déjà prévues par celui qui voulait que nous sachions rester des « gardiens de la tradition » mais aussi être des « prophètes de l’utopie ».

Yves Jouffa voulait que notre association sache être « la bonne mémoire et la mauvaise conscience de la gauche » au pouvoir. Il nous conduisit dans le combat pour la défense des droits des étrangers. Il fut révolté par les réformes de cette loi sur la nationalité qui lui avait permis d’être un enfant de la République. Il ne suivit pas les sentiers battus : c’est sous sa présidence que, après des débats difficiles, nous affirmâmes que c’était être laïc que de dire que le port d’un insigne religieux quel qu’il soit n’était pas un motif d’exclusion de l’école pour peu que l’ensemble des enseignements soient suivis.

C’est toute la vie d’Yves Jouffa qui témoigne d’un engagement incessant au service de la défense des droits de l’homme, de la République et du progrès social. Avocat engagé, il n’oublia jamais que c’était d’abord des hommes qu’il défendait. Il fut frappé dans sa jeunesse, lui l’enfant de la communale, le brillant étudiant de la faculté de droit, le tout jeune avocat, par l’infâme statut des juifs. Interné au camp de Drancy, résistant, son témoignage au procès de Klaus Barbie fut si bouleversant que Maurice Papon, de façon infâme, tenta à son procès, de salir ce juste. Vainement bien sûr, mais il en souffrit.

Au siège de la rue Jean Dolent qu’il avait tant tenu à restaurer après avoir rétabli les finances de la Ligue, nous avons, avec sa famille et ses amis, dit notre chagrin. La Ligue des droits de l’homme conservera la mémoire de ce citoyen exemplaire.

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