La réforme du droit d’asile au prisme du genre

Par Lola Chevalier, coordinatrice de la commission femmes de la Fasti

Les femmes peuvent être persécutées pour les mêmes motifs que les hommes mais également en tant que femmes (mariage forcé, mutilation sexuelle, violences conjugales, crime d’honneur). Par ailleurs, les actes de persécutions dirigées contre elles peuvent prendre des formes sexo-spécifiques (viols punitifs, violences sexuelles). Alors que les femmes représentent plus d’un tiers des demandeurs d’asile aborder la question de l’asile au prisme du genre est nécessaire pour permettre un meilleur examen de leur demande. Les dispositions prévues dans le projet de réforme de l’asile ne nous semblent pas répondre à cette nécessité.

Une approche restrictive de la notion de genre

Le projet de réforme de l’asile, qui répond à l’obligation de transposer plusieurs directives européennes, intègre pour la première fois la notion de genre dans la législation française. Sont ainsi répertoriés comme actes de persécutions les violences et les actes dirigés contre des personnes en raison de leur genre. Par ailleurs, il est également demandé aux instances en charge de l’asile de « prendre en comptes les aspects liés au genre aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ». Cette approche est déjà mise en œuvre dans la pratique. En effet, depuis les années 2000 plusieurs groupes sociaux ont été reconnus au fil des jurisprudences de la CNDA : femmes entendant se soustraire à un mariage forcé, à une mutilation sexuelle, à un crime d’honneur ou à une situation de traite des êtres humains.

Nous pensons que cette approche est restrictive et réductrice. Les aspects liés au genre ne doivent pas être pris en compte uniquement dans le cadre du motif d’appartenance à un groupe social mais également dans les autres motifs de persécution (race, religion, origine, opinion politique) pour prendre en compte l’imbrication des motifs de persécutions. En effet, les femmes peuvent être persécutées en raison de leur genre mais également pour leurs opinions politiques (lutte pour les droits des femmes, refus de se soumettre à des pratiques contraires aux droits des femmes), religieuses (refus de porter le voile) ou encore en raison de leur origine (violence sexuelle comme arme de guerre ou contrôle de la reproduction). L’opinion politique doit être entendue au sens large et doit pouvoir s’appliquer à des opinions sur les rôles sociaux attribués aux femmes et aux hommes ou à un comportement non-conforme.

Le certificat de non-excision : une exigence discriminatoire et suspicieuse

L’autre mesure introduite par le projet de loi concerne la possibilité pour l’Ofpra de demander la production régulière d’un certificat médical de non-excision pour les fillettes protégées contre un risque de mutilations génitales. Lors de l’instruction de la demande d’asile pour risque d’excision un certificat attestant l’absence d’excision de l’enfant est à produire. Or, la persistance de ce contrôle médical, après obtention d’une protection, qui  vise à vérifier si les conditions pour lesquelles l’enfant avait bénéficié de la protection sont toujours réunies conditionne le maintient de la protection (quelle que soit la protection accordée) et pose de nombreuses questions. D’une part, sur les conséquences d’un tel contrôle répétitif sur le développement de l’enfant mais également du point de vue sociétal où il apparaît comme un contrôle discriminatoire et stigmatisant car il ne vise qu’une catégorie des personnes protégées. Par ailleurs, il traduit une défiance à l’encontre des parents voire soupçonne a priori de maltraitance les parents dont les enfants ont obtenus une protection en raison d’une crainte d’excision. Il existe déjà des dispositifs de prévention et de détection dans le droit commun et des sanctions pénales en cas d’excision. Nous ne pensons pas qu’il soit du ressort de l’Ofpra de contrôler la non-excision par le biais d’un certificat médical.

De manière générale ce projet de loi est guidé par une suspicion générale à l’égard des demandeur-euse-s d’asile et par l’impératif de réduction des délais et des coûts. La Fasti dénonce cette vision suspicieuse et comptable de l’asile et rappelle la nécessité de replacer le besoin de protection et les droits des demandeur-euse-s d’asile au centre des enjeux.            

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