Créteil en France

Par Pierre Tartakowsky, président de la LDH

L’agression de Créteil vaut qu’on s’y arrête. Du fait de sa dimension crapuleuse, bien évidemment ; la combinaison du cambriolage et du viol la qualifie au rang d’un effroyable cauchemar. Du fait aussi de sa dimension antisémite, aussi pathétique qu’incontestable. Les agresseurs se sont laissé guider par l’aveuglante clarté de « vérités » aussi rassises que stupides. L’assignation à résidence – « les juifs » ont de l’argent – a de fait fonctionné comme ressort, théorie et justification du passage à l’acte. Ainsi vérifie-t-on, dans la douleur, la puissance du préjugé et d’une culture antisémite dont il est le concentré toxique. La période, de ce point de vue, est inquiétante ; la remontée de l’antisémitisme est le révélateur d’une France qui voit se durcir les haines de l’autre, quelles qu’en soient la couleur, l’origine, la religion, le genre, l’allure. Et cela forme un tout, fait système, en quelque sorte. Il est à cet égard significatif que la courbe des agressions antimusulmanes épouse celle de la montée de l’antisémitisme. La haine divise, mais elle ne se divise pas.

Il est regrettable que les manifestations d’émotion qui ont suivi l’agression n’aient pas toutes été – litote – au diapason des valeurs républicaines. Peut-on s’accommoder par exemple des amalgames faits entre les événements de Créteil, avec l’existence de Daesh en particulier, le terrorisme et les musulmans ? Peut-on se satisfaire que le ministre de l’Intérieur, rendu sur place, ait pris la parole alors que des drapeaux de la sinistre LDJ s’agitaient au vent ? Poser la question…

Sans doute les pouvoirs publics sont-ils attentifs à éviter le piège d’une concurrence victimaire ? Sans doute. Mais ils n’y parviennent guère. On mesure ici le manque cruel d’un engagement symbolique et politique fort au plus haut degré de l’Etat, ce qu’avaient, en leur temps, demandé ensemble La LDH, la Licra, le Mrap et SOS Racisme au président de la République. En vain. Dans ce contexte déficitaire, changer de tête à la direction de la délégation interministérielle chargée de la Lutte contre le racisme et l’antisémitisme relève au mieux du cosmétique. De la même façon, décréter cette lutte cause nationale ne se traduira que par quelques campagnes d’affichage public.

Au regard des cinquante millions d’euros que le gouvernement d’Angela Merkel a mis sur la table pour combattre chez lui les mêmes maux, cela apparaît comme pathétique.

La LDH, bien évidemment, poursuivra sa lutte contre le racisme, contre l’antisémitisme et contre les discriminations. Fidèle a sa nature universaliste, elle refuse la tentation de construire, en opposition à la stupidité raciste, une sorte de symétrie inversée qui se targuerait de ses colères, mais alimenterait un cycle de plus disant victimaire aussi stérile que dangereux. C’est au contraire dans la perspective d’une égalité pleine, entière effective, qu’il nous faut rassembler et nos efforts et nos propositions.

Au vu du contexte agité et préoccupant que nous connaissons, cet objectif n’a as fini de nous mobiliser.

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