Lettre conjointe à François Fillon en vue visite de sa visite à Damas le 19 février

Lettre commune

Amnesty France, CIJ, FIDH, HRW, LDH, OMCT, REMDH s’adressent à François Fillon en vue de sa visite à Damas le 19 février prochain pour attirer son attention sur la situation des droits de l’Homme en Syrie. Monsieur le Premier Ministre,

Dans quelques jours vous vous rendrez à Damas où vous rencontrerez les autorités syriennes et tout
particulièrement le Président Bachar Al Assad. Dans le cadre des entretiens que vous aurez avec lui,
les organisations de défense des droits de l’Homme signataires de cette lettre vous appellent à
accorder une attention particulière à la question fondamentale de la situation des droits de l’Homme en
Syrie.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Amnesty International (AI), la
Commission internationale des juristes (CIJ), Human Rights Watch (HRW), la Ligue des droits de
l’Homme (LDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Réseau euro-méditerranéen des
droits de l’Homme (REMDH) demeurent vivement préoccupés par les violations récurrentes des droits
de l’Homme et les atteintes graves aux libertés fondamentales enregistrées ces derniers mois encore
en Syrie. Nos organisations s’inquiètent particulièrement de la répression féroce subie par la société
civile indépendante, de la généralisation de la pratique des interdictions de voyage à l’étranger pour les
défenseurs des droits de l’Homme, et de la mainmise du pouvoir sur l’appareil judiciaire, qui bloquent
aujourd’hui toute perspective de justice et d’avancement sur la voie de l’état de droit pour la population
syrienne.

M. Mohannad Al Hassani, avocat et défenseur des droits de l’Homme, président de l’Organisation
syrienne des droits de l’Homme (Sawasiya), est en détention provisoire depuis le 28 juillet 2009, et fait
l’objet de poursuites judiciaires devant la Cour pénale de Damas après que les charges aient été
confirmées à son encontre par un juge d’instruction à la fin du mois de juillet 2009. Il est accusé
d’“affaiblir le sentiment national” et de “répandre de fausses informations susceptibles d’affaiblir le moral
de la nation et de nuire à la réputation de l’Etat à l’étranger” pour avoir documenté des violations
commises par la Cour de sécurité d’Etat, un tribunal qui existe en dehors du système judiciaire
ordinaire Il encourt jusqu’à 15 années de réclusion. Le 8 février 2010, la Cour d’appel a confirmé la
mise en accusation de M. Al Hassani devant la Cour criminelle de Damas, qui devrait être jugé d’ici fin
février 2010.

En outre, le 10 novembre 2009, M. Al Hassani a été radié à vie par le Conseil de discipline du Barreau
de Damas. Il est notamment accusé d’être le président d’une organisation de défense des droits de
l’Homme non officiellement enregistrée et de ne pas avoir obtenu l’accord du Barreau pour conduire
des activités de défense des droits de l’Homme. M. Al Hassani a été sanctionné pour “avoir laissé
l’organisation mener des activités d’une façon qui nuit à la Syrie” et pour “avoir publié des informations
fausses et exagérées qui affaiblissent l’Etat et sa réputation à l’extérieur”. M. Al Hassani a fait appel de
cette décision le 10 décembre 2009.
Les conditions de détention de M. Al Hassani sont déplorables. En effet, il est incarcéré dans l’aile sept
de la prison d’Adra, réservée aux détenus condamnés pour des infractions aux moeurs, où il subit de
nombreux actes de représailles. Notamment, depuis sa détention à Adras, il est le seul à dormir à
même le sol dans une cellule hébergeant 70 détenus, l’accès à la bibliothèque lui est refusé, il lui est
interdit d’écrire et son temps de visite est inférieur à celui normalement octroyé aux détenus. M. Al
Hassani fait de plus l’objet d’une procédure disciplinaire initiée par l’administration pénitentiaire qui lui
reproche d’avoir voulu s’inscrire à des cours de langue française dispensés dans la prison.

M. Haytham Al Maleh, défenseur des droits de l’Homme de renom et avocat de M. Al Hassani, a quant
à lui été arrêté le 14 octobre 2009, quelques jours seulement avant la signature programmée de
l’Accord d’association entre l’Union européenne et la Syrie. M. Al Maleh est poursuivi devant un
Tribunal militaire, et accusé d’“outrage au chef de l’Etat”, “outrage à l’administration publique”, et de
“diffusion de fausses informations susceptibles d’affaiblir le moral de la nation”. Il encourt une peine de
trois à quinze ans d’emprisonnement. Le procès contre cet avocat devrait également intervenir d’ici la
fin de ce mois.

Ce type d’accusations est régulièrement utilisé par le pouvoir judiciaire en Syrie à l’encontre des
militants d’opposition et des défenseurs des droits de l’Homme. Nos organisations ont à de
nombreuses reprises dénoncé l’instrumentalisation de la justice syrienne qui vise à faire taire toute voix
dissidente.

Nos organisations vous demandent d’intervenir auprès du Président Bachar al-Assad pour que M.
Muhannad Al Hassani et M. Haytham Al Maleh, ainsi que les membres du Conseil national de la
Déclaration de Damas – toujours détenus et dont la France, assurant alors la Présidence de l’Union
européenne, avait dénoncé la condamnation – et M. Anwar al-Bunni, avocat condamné à cinq ans de
prison en 2007, dernier signataire de la Déclaration de Beyrouth-Damas à être détenu à ce jour, soient
libérés de façon immédiate et inconditionnelle. Enfin, nos organisations vous demandent d’intervenir
auprès des autorités syriennes pour qu’elles mettent un terme à la pratique des interdictions de quitter
le territoire à l’égard des défenseurs des droits de l’Homme et de leur famille.

Confiants de l’attention que vous voudrez bien porter à notre requête, nous vous prions d’agréer,
Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre haute considération.

Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH

Stephan Oberreit, Directeur général, Amnesty International France

Said Benarbia, Conseiller juridique pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, CIJ

Jean-Marie Fardeau, Directeur du bureau de Paris, HRW

Jean-Pierre Dubois, président de la LDH

Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT

Kamel Jendoubi, président du REMDH

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