Vente de matériel de surveillance à l’Egypte : le parquet de Paris ouvre une information judiciaire

Communiqué commun de la FIDH, la LDH et le CIHRS

 

En réponse à la demande d’ouverture d’enquête de la FIDH et de la LDH, soutenue par le Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), le Pôle crimes contre l’humanité du Parquet de Paris vient de décider d’ouvrir une information judiciaire pour la vente de matériel de surveillance par une entreprise française à l’Égypte. En faisant la lumière sur le contrat passé entre le régime autoritaire d’Al Sisi et l’entreprise Nexa Technologies (ex Amesys) et ses conséquences, l’enquête pourrait conduire à une mise en examen pour complicité de tortures et disparitions forcées. Un signal puissant à destination des entreprises de surveillance et d’armement, et des autorités françaises.

Le 9 novembre 2017, la FIDH et la LDH, avec le soutien du CIHRS, organisation membre de la FIDH, déposaient une dénonciation de faits relatifs à la participation de l’entreprise française Nexa Technologies (ancienne Amesys) aux opérations de répression menées en Égypte par le régime Al Sissi, via la vente de matériel de surveillance. Cette dénonciation faisait suite aux révélations apportées le 5 juillet 2017 par le journaliste de Télérama Olivier Tesquet, et à une première plainte déposée en 2011 par nos organisations, pour la vente par Amesys de matériel de surveillance à la Libye de Mouhamar Kadhafi.

En ouvrant une information judiciaire, le Parquet de Paris reconnaît la gravité des faits allégués, permettant aux associations de se constituer parties civiles et ouvrant la possibilité à des victimes égyptiennes de se constituer partie civile et venir témoigner en France. En 2013, des victimes libyennes du régime Kadhafi, accompagnées par la FIDH et la LDH, étaient venues témoigner devant la justice française dans la première affaire Amesys. Depuis mai 2017, la société est en effet placée sous le statut de témoin assisté pour complicité d’actes de tortures commis en Libye entre 2007 et 2011.

« Malgré une première enquête, la vente de matériel de surveillance permettant à des régimes autoritaires de renforcer leur arsenal répressif a continué comme si de rien n’était, avec désinvolture et cynisme. Business as usual ! Avec la complicité des organes publics chargés de surveiller et contrôler l’exportation de biens à double usage, en réalité peu scrupuleuses des conséquences délétères de ces ventes en terme de violations des droits humains» déplore ainsi Michel Tubiana, avocat et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme.

Cette nouvelle enquête devrait notamment permettre de mettre à jour la nature du contrat passé entre Nexa Technologies et le régime Al Sissi, ses modalités d’exécution, et ses conséquences sur les défenseurs des droits de l’Homme et les militants de la société civile égyptienne. Le pays compte aujourd’hui des dizaines de milliers de prisonniers politiques, couramment exposés à la torture, des conditions inhumaines de détention, l’absence de procès équitable.

« Il y a actuellement plus de 40 000 prisonniers politiques en détention en Egypte. Les manifestants pacifiques qui avaient fait souffler un vent d’espoir et de liberté à la place Tahrir croupissent désormais en prison ! Et des entreprises prospèrent alors même que les aspirations à une meilleure vie du peuple égyptien sont fortement réprimées » regrette Bahey Eldin Hassan, directeur du Cairo Institute for Human Rights Studies.

« En vendant du matériel de surveillance et des armes en Égypte et au Moyen Orient, les entreprises françaises réalisent des ventes records. Ce que les autorités ne veulent pas voir, puisqu’elles tolèrent voire encouragent ces ventes, c’est que ces régimes font évidemment usage de leurs achats ! En Égypte, ce matériel sert au régime pour traquer, emprisonner, et torturer des opposants osant réclamer davantage de libertés et le respect de l’Etat de droit. Ce commerce mortifère et criminel doit cesser, et la justice est là pour le rappeler » note Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la FIDH.

 

Paris,  le 22 décembre 2017

 

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