Sur les placements d’enfants en France

4. Dans le cas où une séparation s’avère néanmoins nécessaire, notamment en application de l’article 19 de la CIDE, la Commission demande que soient recherchées des solutions alternatives diversifiées qui permettent de sortir de la logique binaire dénoncée par le rapport Nave-Cathala (placement ou AEMO), en s’appuyant sur les expériences novatrices déjà menées.

Elle réclame :

– que la loi concernant la non séparation des fratries en cas de placement (loi du 30 décembre 1996) soit rigoureusement appliquée ;

– que le lieu de placement des enfants soit le plus proche possible du domicile de leurs parents (art. 135 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions) et que soient prises en compte leurs difficultés éventuelles de déplacement pour maintenir les liens avec leurs enfants (difficultés financières ou autres) ;

– que soit respectée la place des parents à tous les stades de la procédure ;

– que soient interdits les placements à la naissance, sauf nécessité impérieuse et dûment motivée et jamais effectués selon la procédure d’urgence (la naissance n’étant pas un fait imprévisible qui ne permettrait pas d’entendre les parents) ;

– que les placements à la naissance qui auront néanmoins été ordonnés fassent l’objet d’un réexamen dans les 15 jours puis dans les 3 mois ;

– que les placements en urgence effectués sans audition préalable ni des parents ni des enfants soient limités strictement aux cas d’urgence avérée, fondée sur des faits précis.

5. La Commission attire l’attention sur le risque de comportements destructeurs qui consistent à changer un enfant de famille d’accueil dès qu’un attachement trop fort se manifeste. Cet attachement est nécessaire au développement et à l’épanouissement de l’enfant et doit pouvoir se vivre sans concurrence avec la famille d’origine à laquelle l’enfant est également attaché, à condition qu’il soit élevé dans le respect de sa famille d’origine – et non dans le mépris à son égard – et dans la compréhension claire de la place de chacun.

6. La Commission recommande :

– qu’un travail soit systématiquement mené avec la famille d’origine de façon à la rétablir dans ses droits fondamentaux et/ou à renforcer les capacités parentales qui lui ont fait défaut (conformément aux missions de l’aide sociale à l’enfance) ;

– que les lieux de placement institutionnels soient régulièrement contrôlés et évalués ;

– que les procédures d’agrément des assistantes maternelles prennent en compte sérieusement l’ensemble de la famille d’accueil et que ces agréments soient renouvelés périodiquement après évaluation rigoureuse de la qualité de l’accueil offert ;

– que la formation des assistantes maternelles comporte obligatoirement une phase initiale qui se situe en amont de l’arrivée d’un enfant dans leur foyer ;

– que les juges des enfants aient l’obligation de réexaminer tous les ans la situation des enfants pour lesquels ils ont pris des décisions de placement, ainsi que celle de leur famille ;

– qu’à cette occasion, un bilan du travail fait avec l’enfant et avec sa famille d’origine soit précisément dressé.

Ces différentes évaluations devront se faire en associant l’État, les départements, les acteurs professionnels (magistrats, travailleurs sociaux, avocats), les associations et les usagers de l’aide sociale à l’enfance (enfants et parents).

7. La Commission insiste sur l’obligation de respecter la loi en ce qui concerne l’audition des enfants, conformément à l’article 12 de la CIDE : chaque enfant, en âge de s’exprimer, doit être entendu par le juge ; en cas de placement, il doit pouvoir s’exprimer régulièrement sur sa propre situation et sur son degré de satisfaction concernant la solution de placement retenue pour lui.

8. La Commission réclame enfin que des moyens financiers soient dégagés. Il est indispensable en particulier :

– de dispenser aux travailleurs sociaux et aux juges des enfants, ainsi qu’aux avocats, une formation qui leur permette de mieux comprendre les familles qu’ils rencontrent, dont une majorité vit des situations de pauvreté ;

– de leur garantir les moyens d’un travail en concertation, dans le respect de l’enfant, de ses parents et des acteurs impliqués autour d’eux, y compris des travailleuses familiales et des assistantes maternelles ;

– de créer des postes supplémentaires de travailleurs sociaux, et dans les tribunaux et cours d’appel actuellement surchargés, des postes supplémentaires de juges des enfants, et d’une façon générale de magistrats spécialisés ; ces créations doivent s’accompagner d’une réforme de la carte judiciaire pour veiller à une meilleure répartition des moyens, et d’une volonté de déjudiciarisation de l’assistance éducative.

Paris, le 6 juillet 2001

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