Tribune collective – pétition signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH
Comme un funambule sur un fil, continuer à avancer coûte que coûte alors qu’autour tous les éléments poussent à la chute.
Cette métaphore, on pourrait l’utiliser dans le sport, pour parler de la compétition, d’un match de rugby sous une pluie battante, ou d’une partie de tennis contre le favori, local de l’étape. Mais aujourd’hui, sur ce fil, c’est un tout autre enjeu pour certains sportifs et surtout sportives. Depuis le 18 février 2025, c’est leur droit à pratiquer leur discipline en compétition qui est en équilibre.
Votée à cette date par le Sénat, une proposition de loi discriminante, interdisant le port de « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse », lors « des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives délégataires, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées », est en voie d’être examinée par l’Assemblée Nationale. Il est urgent de se mobiliser pour éveiller les consciences et empêcher qu’elle y soit adoptée. Cette proposition de loi présentée comme « visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport », va, dans les faits, exclure de la pratique sportive une partie de la population en raison de leur appartenance religieuse. Alors que notre Ministre de l’Intérieur s’exclame avec véhémence « Vive le sport, et donc à bas le voile bien sûr », il n’y a plus de doute possible concernant la cible principale de ce texte : il s’agit bien des femmes musulmanes portant le voile.
Aujourd’hui, la laïcité, principe fondateur de la République Française, est détournée pour discriminer une partie de la population. Reprenons la définition officielle* : « La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. »
En quoi le port d’un signe religieux sur un terrain de sport peut-il contribuer à perturber l’ordre public ? Porter le voile n’est pas une atteinte à la laïcité c’est bien au contraire l’exercice de ce droit, de cette liberté d’avoir une opinion. « Les filles qui portent le voile ne sont pas là pour revendiquer quoi que ce soit, elles sont là pour jouer, progresser, aider leur équipe à gagner, et vivre pleinement leur passion, comme tout le monde », témoigne ainsi l’une des joueuses de l’AC Bobigny 93, club de rugby en première division féminine depuis 15 ans.
Déjà lors des Jeux olympiques de Paris 2024, la France, en contradiction avec le Comité International Olympique et l’ONU, avait été la seule délégation à interdire le
port du voile pour ses athlètes. Aujourd’hui, le monde du sport français se retrouve de nouveau sur le devant de la scène politique pour des raisons similaires. Au- delà
des engagements partisans, quand nos réalités quotidiennes sont déformées à des fins politiques, nous avons le devoir de ne pas rester muets et attentistes !
Nous croyons en l’objet du sport, nous croyons en ses vertus fédératrices et émancipatrices pour chacun et chacune peu importe son genre, ses origines, sa religion ou son orientation sexuelle. Nous expérimentons tous les jours sa capacité à nous rassembler dans les réussites comme dans les échecs, et ce, malgré nos différences.
Nous avons une vision du sport qui prône l’ouverture d’esprit en offrant un environnement de respect mutuel, garantissant la liberté de conscience de chacun.
La diversité dans et par le sport a toujours été une richesse et une forte illustration du vivre ensemble : chaque personne peut s’épanouir en étant elle-même. « Je crois
que notre manière de fonctionner montre qu’il est possible de concilier liberté individuelle et travail collectif. Le sport, en tant que modèle social, devrait refléter cet
esprit d’inclusion. La société, dans son ensemble, pourrait largement s’inspirer de ces valeurs pour avancer vers un monde plus respectueux et tolérant », approfondit
notamment l’un des membres de l’AC Bobigny 93 Rugby.
Le sport doit rester accessible à toutes et à tous. Et les personnes qui en parlent le mieux sont les premières visées par cette potentielle nouvelle législation : « Si cette loi passe, je ne pourrai plus faire de rugby. Si cette loi passe, cela isolera beaucoup de femmes qui veulent être libres en faisant du sport tout en pratiquant leur religion », déclare également une joueuse de l’AC Bobigny 93 Rugby.
Quand une proposition de loi est en totale contradiction avec la vision du sport que nous défendons, n’hésitons pas à nous y opposer. Car ne faire qu’un, c’est aussi avoir la force et le courage d’affronter celles et ceux qui veulent nous diviser.
Liste des personnalités signataires
*Définition extraite du site gouvernemental info.gouv.fr, rubrique [Laïcité]
https://www.info.gouv.fr/organisation/laicitegouvfr/qu-est-ce-que- la-laicite
Sources :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0993_proposition-loi