Le droit de retrait en droit du travail

Définition

En droit du travail, le droit de retrait est la possibilité donnée à un salarié de se retirer d’une situation de travail lorsqu’il y a des motifs raisonnables de penser qu’elle présente pour sa vie ou sa santé un danger grave et imminent.

Il s’agit d’un droit individuel qui s’applique au cas par cas, selon chaque situation, salarié par salarié, entreprise par entreprise. Cependant, plusieurs salariés, dans la même situation peuvent exercer ce droit en même temps.

Conditions à remplir

  • Le motif raisonnable

Le droit de retrait ne peut avoir lieu que si le travailleur a un motif raisonnable, qui existe. Il peut s’agir d’un travailleur qui :

  • dans le cadre de son travail, a des raisons sérieuses de penser qu’il se trouve face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  • constate que les systèmes de protection sur son lieu de travail sont défectueux.

Ce danger est apprécié au cas par cas et son appréciation tient compte de l’expérience et des compétences du salarié.

En illustration :

La Cour de Cassation admet le droit de retrait si le matériel est défectueux, si les durées légales de travail ne sont pas respectées (Cass. soc. 2 mars 2010, P. n°08-45.086) ou encore, que l’agresseur d’un agent de transports publics est toujours en liberté (Cass. soc.1er mars 1995, P. n°91-43.406).

Cependant, si un travailleur se fait agresser mais que l’agresseur est immédiatement arrêté, le droit de retrait de ses collègues après l’agression ne sera pas justifié car le danger a disparu (Cass. soc. 27 sept. 2017, P. n°16-22.224).

  • L’absence de mise en danger d’autrui

L’article L. 4132-1 du code du travail précise :

« Le droit de retrait est exercé de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.»

Ainsi, le salarié doit être attentif à ne pas exposer une autre personne à un danger grave et imminent en arrêtant son activité sur le fondement de son droit de retrait.

Rappel : Le droit de retrait est une faculté du salarié. Ce droit peut être utilisé, mais l’employeur ne peut pas contraindre le salarié à l’utiliser.

Conséquences de l’exercice du droit de retrait par le salarié

  • Si le retrait est justifié

L’existence d’un danger grave et imminent est avérée. L’employeur ne pourra pas sanctionner l’employé, ni effectuer de retenue sur son salaire pour avoir exercé son droit de retrait (article L4131-3 du Code du travail).

  • Si le retrait n’est pas justifié

Lorsque le salarié a fait un usage abusif de son droit de retrait, c’est-à-dire qu’il ne justifie pas d’un danger grave et imminent (conditions de travail qui ne menacent pas la vie ou la santé, situation dangereuse terminée au moment de l’exercice du droit de retrait…), plusieurs sanctions sont envisageables :

  • l’employeur peut retenir sur le salaire du travailleur les heures durant lesquelles il a suspendu son travail, et ce même si le travailleur est resté à disposition de son employeur ;
  • le travailleur peut être mis à pied, recevoir un avertissement ou dans les cas les plus graves, être licencié.

Attention : la décision de l’employeur ne peut être contestée que devant le Conseil des Prud’hommes.

Rôle du représentant du personnel au comité social et économique et l’inspection du travail

Lorsque le représentant du personnel au CSE constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, il en alerte immédiatement l’employeur et consigne son avis par écrit dans le registre spécial dans lequel il indique les postes de travail concernés, les salariés individuellement concernés et la nature et la cause du danger.

L’exercice du droit d’alerte par les membres du CSE doit conduire immédiatement à une enquête de l’employeur qui doit permettre de faire cesser toute situation présentant un danger grave et imminent.

Si aucun accord n’est trouvé entre l’employeur et le CSE sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspection du travail doit être saisie immédiatement par l’employeur.

La saisine de l’inspection du travail n’incombe pas au CSE.

L’inspection du travail peut enclencher soit une procédure de mise en demeure afin que l’employeur prenne toutes les mesures utiles pour y remédier, soit une procédure de référé. L’inspecteur du travail va alors saisir le juge judiciaire qui statue en urgence pour ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque. Le juge des référés peut également ordonner la fermeture temporaire d’un atelier ou chantier. Une astreinte peut enfin être délivrée.

Coronavirus et exercice du droit de retrait

Rappel : en 2009 lors de l’épidémie de grippe A (H1N1), une circulaire précisait que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie grippale. Elle précisait aussi que dès l’instant où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales, visant à protéger la santé et la sécurité de ses salariés, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, l’exercice du droit de retrait n’est pas justifié.

Cela a de nouveau été rappelé dans le présent cas de l’épidémie du Coronavirus. Ainsi, les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies dès l’instant où l’employeur met en œuvre les recommandations du gouvernement qui sont disponibles et téléchargeables sur le site https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus

Autres questions pratiques

  • Peut-on exercer le droit de retrait à plusieurs ?

La situation de danger peut concerner une seule personne ou un groupe de travailleurs. Dès lors, le droit de retrait peut tout à fait être exercé collectivement.

Dans un tel cas, chaque salarié informe individuellement son employeur qu’il se retire de la situation de travail dangereuse, ce qui suppose que chacun ait un motif raisonnable de penser qu’il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

En aucun cas, le droit de retrait ne doit pas être utilisé par les salariés pour faire valoir des revendications professionnelles (augmentation des salaires, de l’effectif, amélioration des conditions de travail, etc.), relevant pour leur part du droit de grève.

Pour rappel, le droit de grève s’entend d’un arrêt collectif de travail en vue de l’amélioration des conditions de travail, alors que le droit de retrait pourra être utilisé par un ou plusieurs salariés tant que leur employeur n’aura pas pris les mesures nécessaires pour supprimer le danger et par exemple, n’aura pas mis en conformité ses machines ou bien n’aura pas renforcé son personnel de sécurité.

 

  • Quelles sont les formalités à remplir ?

Le droit de retrait n’est entouré d’aucune formalité particulière.

Le salarié doit prévenir son employeur de l’existence d’un danger mais il n’a pas besoin de l’autorisation de son employeur pour exercer son droit de retrait.

Il doit simplement le prévenir, notamment si le danger est susceptible d’affecter les autres employés.

  • Quelles sont les obligations de l’employeur ?

S’il existe une situation de danger, il incombe à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser le danger. Il doit également veiller à ce que ses salariés puissent quitter les lieux et arrêter leur activité en toute sécurité (article L4132-5 du code du travail).

Textes en annexe

  • Pour les salariés du secteur privé

L’article L. 4131-1 du code du travail dispose :

« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

  • Pour les fonctionnaires

L’article 5-6 du décret du 28 mai 1982 modifié par le décret n°2011-774 du 28 juin 2011 dispose :

« I.- L’agent alerte immédiatement l’autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’autorité administrative ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

II. – Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.

III. – La faculté ouverte au présent article doit s’exercer de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

IV. – La détermination des missions de sécurité des biens et des personnes qui sont incompatibles avec l’exercice du droit de retrait individuel défini ci-dessus en tant que celui-ci compromettrait l’exécution même des missions propres de ce service, notamment dans les domaines de la douane, de la police, de l’administration pénitentiaire et de la sécurité civile, est effectuée par voie d’arrêté interministériel du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du travail et du ministre dont relève le domaine, pris après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel compétent et de la commission centrale d’hygiène et de sécurité du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat. »

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