
Sortie le 3 septembre 2025
L’Evangile de la Révolution raconte l’histoire tragique du rêve révolutionnaire en Amérique latine à travers la participation des chrétiens à ces luttes.
Après la révolution cubaine de 1959, les peuples d’Amérique latine se sont soulevés contre les oligarchies au pouvoir, l’Eglise catholique se tenant à l’écart des mouvements sociaux quand elle ne soutenait pas ouvertement les dictatures militaires. Pour faire triompher la justice, des millions de chrétiens se sont engagés au cours des années 1960/70, au nom de leur foi, dans la résistance à ces régimes. Le mouvement venu de la base et soutenu par de nombreux prêtres, désigné sous le terme de « théologie de la libération », a été sévèrement réprimé. Pour les Etats-Unis, il représentait un danger « plus grand encore que le parti communiste ». Plus de 200 membres du clergé, ainsi que des milliers de laïcs, membres des communautés ecclésiales de base, ont été assassinés. Parmi ces victimes, on se souvient d’Oscar Romero, archevêque du Salvador, assassiné en 1980.
François-Xavier Drouet a filmé dans quatre pays, le Brésil, le Mexique, le Salvador et le Nicaragua. Il a conçu son film comme « un carnet de voyage dans le temps et l’espace », avec des allers et retours entre présent et passé. Le film mêle archives et témoignages de religieux, acteurs de cette histoire, qu’il a rencontrés dans ces quatre pays. Le récit est conduit par une voix off à la première personne, la sienne. Son regard est celui d’un agnostique empreint de ce qu’Enzo Traverso appelle « la mélancolie de gauche » : « Une attention portée à la mémoire des vaincus, non par nostalgie ou par résignation, mais comme un chemin vers les espérances du passé inachevées, en attente d’être réactivées. »
A propos des archives montées dans le film, le réalisateur écrit : « Ces images portent l’empreinte brûlante d’un temps où cette aspiration révolutionnaire venue d’Amérique latine bouleversait le monde. Il fallait faire résonner au présent leur écho puissant, en les articulant aux récits de mes personnages. […] L’espérance dont leur parole est porteuse montre que ce vieux rêve, fixé sur ces archives en pellicule, bouge encore ».
Sont évoqués au cours du film de grandes figures disparues : Helder Camara, archevêque de Recife, Ernesto Cardenal, prêtre nicaraguayen, interdit de célébrer la messe par le pape Jean-Paul II, ou Oscar Romero. Le film est porté par les paroles fortes de survivants : Frei Betto, moine dominicain brésilien, ami proche de Lula, Roger Ponseele, prêtre au Salvador, Leonardo Boff, ex-franciscain brésilien, dernier « père-fondateur » vivant de la théologie de la libération, Júlio Lancelloti, prêtre brésilien encore harcelé par l’extrême-droite et régulièrement menacé de mort, Joel Padrón González, prêtre mexicain, accusé d’être le sous-commandant Marcos lors du soulèvement zapatiste de 1994, María López Vigil, ex-religieuse cubaine, théologienne et journaliste au Nicaragua. Tous rappellent avec force ce qu’a été leur engagement qui demeure vivant.
L’articulation entre archives et témoignages est particulièrement réussie dans ce film qui, loin d’être un mausolée à la mémoire de la théologie de la libération, éclairera pour les plus jeunes des spectateurs tout un pan oublié de l’histoire de l’Amérique latine, et rappellera aux plus âgés d’entre eux, l’espoir et la ferveur révolutionnaire de ces années de lutte portés par les chansons de Victor Jara, Violeta Parra ou Daniel Viglietti. Le talent de François-Xavier Drouet est d’avoir su faire revivre cette espérance au présent.
Réalisation : François-Xavier Drouet
Production et distribution : L’Atelier documentaire
Durée : 115 min