La LDH agit contre la circulaire du ministre de l’Intérieur, qui ne se contente pas d’abroger la circulaire Valls et de restreindre à outrance les conditions de l’admission exceptionnelle au séjour mais entend également ajouter à la loi.
Par une circulaire en date du 23 janvier 2025, le ministre de l’Intérieur a adressé des instructions précises aux préfets concernant les modalités d’examen des demandes de titres de séjour déposées par les ressortissants étrangers établis en France :
« L’admission exceptionnelle au séjour (AES) des étrangers en situation irrégulière doit répondre à des conditions strictes définies par la loi. L’AES n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour. Visant des étrangers en situation irrégulière, elle doit demeurer une voie exceptionnelle ».
Cette circulaire demande aux préfets d’être plus stricts dans l’application des conditions de régularisation et abroge ainsi la « circulaire Valls » en vigueur depuis le 28 novembre 2012 qui visait une « juste prise en compte de certaines réalités humaines ».
La circulaire du 23 janvier 2025 renforce le caractère exceptionnel de l’AES et impose en outre explicitement aux préfectures, pour les demandes de titre de séjour déposées au titre de l’article L. 423-23 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) relatif aux étrangers justifiant de liens personnels et familiaux en France, dans une note de bas de page, de n’accorder ces titres qu’en présence de « circonstances exceptionnelles caractérisées » ou de « considérations strictement humanitaires », conditions qui ne figurent pourtant nullement dans le texte même de l’article L. 423-23 du Ceseda. Le ministre de l’Intérieur croit ainsi pouvoir officialiser une pratique préfectorale déjà en cours et parfaitement illégale consistant à examiner les demandes présentées sur le fondement de cet article comme étant de l’AES, soumise au pouvoir discrétionnaire des préfets.
La LDH, le Gisti, la Cimade, l’ADDE, Utopia 56 et le Syndicat des avocats de France (Saf) ont décidé d’introduire un recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre cette circulaire en ce qu’elle mentionne des conditions supplémentaires à celles mentionnées dans le texte de l’article L. 423-23 du Ceseda.
Malheureusement, abusant toujours de cette pratique désormais courante d’interprétation neutralisante lui évitant de censurer les actes gouvernementaux, la haute juridiction administrative a fait dire au texte contesté autre chose que ce qui est écrit en retenant qu’ «Au regard de l’objet de la circulaire limité à l’admission exceptionnelle au séjour et à l’économie générale du point 1 de la circulaire décrite au point précédent, le ministre n’a pas entendu ajouter des critères à ceux fixés par le législateur pour le titre de séjour mentionné à l’article L. 423-23 du Ceseda, mais inviter les préfets à privilégier l’examen des demandes de régularisation sur ce fondement pour les étrangers justifiant de liens personnels et familiaux en France et de n’examiner la demande sur le fondement de l’admission exceptionnelle au séjour prévue à l’article L. 435-1 du même code que si les conditions posées par l’article L. 423-23 de ce code ne sont pas remplies et en cas de circonstances exceptionnelles caractérisées ou en vertu de considérations strictement humanitaires ».
Décision d’autant plus incompréhensible que le Conseil d’Etat indique pourtant bien que ladite circulaire rappelle aux préfets qu’il convient de prendre en compte les évolutions législatives régissant l’obtention d’un titre de séjour et en dresse la liste dans une note de bas de page, en mentionnant les « étrangers justifiant de liens personnels et familiaux en France (L. 423-23) pour lesquels des circonstances exceptionnelles caractérisées devront être présentées ou des considérations strictement humanitaires. »
Le Conseil d’Etat a donc rejeté notre recours interassociatif par décision du 21 novembre 2025.
