Pas de visa pour les Haïtiens

L’administration française ignore l’état du pays et se moque de la souveraineté des autorités. De nombreuses associations s’adressent
aux autorités françaises et haïtiennesLettre adressée en Haïti à :

• Monsieur Paul Denis, ministre de la justice et de la sécurité publique ; madame Marie Micelle Rey, ministre des affaires étrangères ; monsieur Edwin Paraison, ministre des Haïtiens vivant à l’étranger ; monsieur Jean-Wilfrid Bertrand, directeur des archives nationales d’Haïti

Lettre adressée en France à :

• Monsieur Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ; monsieur Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères ; madame Marie Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales : monsieur Nicolas Desforges, préfet de Guadeloupe ; monsieur Daniel Ferey, préfet de Guyane ; monsieur Jean-Pierre Guegan, consul-adjoint de France en Haïti ; monsieur Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti ; monsieur Ange Mancini, préfet de Martinique,

Le tremblement de terre qu’a vécu Haïti le 12 janvier 2010 a été qualifié par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), comme « la catastrophe la pire que les Nations-Unies aient dû vivre jusqu’ici ». Le bilan officiel fait état de 300 000 morts et autant de blessés. Près de 250 000 bâtiments ont été détruits ou endommagés dont le ministère de la justice et de la sécurité publique et quatre bureaux d’état civil ; de nombreuses personnes ont perdu leur documentation sous les décombres et n’ont aucun moyen d’établir le décès de leurs proches disparus lors du séisme.

Le séisme a entraîné une multiplication par cinq des demandes de visas pour la France, ce qui illustre clairement la nécessité vitale pour certains Haïtiens de trouver ailleurs des conditions de vie décentes. Pourtant, obtenir un visa est kafkaïen et s’avère le plus souvent impossible.

Entre les limites anciennes et aggravées par le séisme du système d’état civil haïtien et les suspicions exagérées de l’ambassade de France, c’est le citoyen haïtien fragilisé qui est rendu responsable d’une situation dont il est la première victime.

C’est pourquoi nous condamnons les exigences excessives de l’ambassade de France en Haïti en matière d’état civil, le faible cas qu’elle fait des institutions haïtiennes et les pratiques parfois discriminatoires, voire illégales, qu’elle met en œuvre, et notamment :

• l’exigence cumulée d’un acte de naissance établi dans les deux années suivant la naissance et d’un extrait d’archives établi après le 1er février 2008 ;

• la non-reconnaissance de la valeur juridique des jugements supplétifs de déclaration tardive de naissance prononcés par le juge haïtien ;

• le soupçon de faux qui pèse sur tous les actes d’état civil, même ceux délivrés par les archives nationales d’Haïti et légalisés par les consulats d’Haïti en France ;

• l’exigence pour les demandes de visa de court séjour en faveur de mineurs d’« un certificat de baptême ou de présentation au temple », en plus de l’acte de naissance.

Nous condamnons également ces mêmes pratiques opposées par de nombreuses préfectures, notamment dans les départements d’Amérique, aux démarches administratives des exilés haïtiens. [1]

Nos organisations exigent des autorités françaises une remise en forme des listes de documents d’état civil haïtiens requis pour qu’elles soient conformes à l’exigence d’égalité de traitement des personnes. Elles demandent que cessent les abus de pouvoir des services consulaires et préfectoraux qui s’exercent au mépris de la souveraineté des autorités haïtiennes (officiers d’état civil, magistrats, archives nationales et consulats d’Haïti en France) et sont notoirement disproportionnées au regard de la situation du pays.

Nos organisations s’adressent aux autorités haïtiennes pour qu’elles engagent une vraie réforme du système de l’état civil afin qu’il soit gratuit, accessible à tous et fiable, notamment en luttant contre les erreurs matérielles dans l’orthographe des noms et prénoms.

Sans cette double démarche, le citoyen haïtien restera la double victime d’une administration publique haïtienne défaillante et d’une administration française zélée jusqu’à l’absurde.

13 septembre 2010

Signataires


Organisations haïtiennes

• GARR, Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés, Haïti ; JILAP, Commission Episcopale Nationale Justice et Paix, Haïti ; POHDH, Plateforme des organisations haïtiennes de droits humains, Haïti

Organisations françaises ou franco-haïtiennes

• AIDE, Guyane ; AMITI, Association des militants haïtiens pour l’intégration totale des immigrés ; Anafé, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers ; ASFMF, Association de soutien aux familles des malades et de formation ; Association des étudiants haïtiens ; Collectif contre la xénophobie, Guadeloupe ; Collectif Haïti de France ; Collectif haïtien de Guyane ; Collectif MOM, Migrants outre-mer (ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers/AIDES/ CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement/ Cimade : service œcuménique d’entraide/ Collectif Haïti de France/ Comede : comité médical pour les exilés/ Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés/ Elena : les avocats pour le droit d’asile/ Ligue des droits de l’homme/ Médecins du monde/ Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple/ Secours Catholique/ Caritas France) ; Fédération des associations de Guadeloupe ; PAFHA, Plateforme des Associations Franco-Haïtiennes ; RESF, Réseau Education sans Frontières : Soutien Sans Frontière ; Tet Kole, Guadeloupe

[1] Pour des preuves de ces diverses affirmations voir la rubrique consacrée à l’état civil haïtien du site du collectif Mom.http://www.migrantsoutremer.org/Haiti-l-arbitraire-de-

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