Le délit d’outrage à chefs d’Etat étrangers : une entrave à la liberté d’expression

A la requête de trois chefs d’Etat M. Deby, M. Bongo et M. Sassou NGuesso, les auteurs du livre Noir silence sont cités devant le Tribunal correctionnel de Paris pour y répondre du délit d’outrage à chefs d’Etat étrangers.

Initiée par des responsables politiques qui ignorent, parfois de manière gravissime, les droits les plus élémentaires, cette procédure constitue une atteinte à la liberté d’expression.

Fondé sur l’article 36 de la loi sur la presse, l’outrage à chef d’Etat étranger interdit aux auteurs de rapporter la preuve de leurs affirmations. C’est-à-dire que, quelle que soit la véracité des faits imputés aux trois chefs d’Etat en cause, le délit est constitué du simple fait que ceux-ci se considèrent outragés.

Bien entendu, c’est afin d’éviter ce débat sur la réalité des faits qui leur sont reprochés par les auteurs de ce livre que M. Deby, Bongo et Sassou NGuesso ont choisi le terrain juridique de l’outrage à chef d’Etat plutôt que de saisir le tribunal d’une procédure de diffamation au cours de laquelle la preuve de leurs agissements aurait pu être apportée.

Par évidence, les dispositions de l’article 36 de la loi du 24 juillet 1881 comme les autres dispositions qui autorisent les mêmes poursuites en cas d’outrage au Président de la République (heureusement non employées depuis longtemps) constituent une entrave à la liberté d’expression, en tant que telle prohibée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

La LDH appelle au respect plein et entier de la liberté d’expression. Elle rappelle que les chefs d’Etat doivent répondre de leurs actes et qu’ils ne peuvent bénéficier d’une impunité qui, en l’espèce, leur permettrait d’obtenir la condamnation de ceux qui ont dénoncé leurs procédés. Rien ne peut justifier, dans une société démocratique, que la Justice soit appelée ainsi à cautionner M. Deby, Bongo et Sassou NGuesso.

Il est urgent que les dispositions de la loi de 1881 soient, sur ce point, modifiées, qu’elles concernent les chefs d’Etat étrangers ou le Président de la République française.

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