Les exceptions au droit commun dans les Outre-mer : une petite histoire

Par Thierry Bavarday, coresponsable du groupe de travail “Outre-mer”

 

L’article 1 de la Constitution de 1958 dispose : « La France est une République Une et Indivisible ». Une fois ce principe affirmé, le régime de dérogations et d’exceptions qui s’applique en Outre-mer interpelle tous les défenseurs des droits de l’Homme.

Ces dérogations ultra-marines ont toujours existé d’un point de vue historique. Bien que l’esclavage fut aboli en 1848 dans les « quatre vieilles colonies », les dérogations au droit « métropolitain » persistent dans de nombreux domaines. Il a fallu attendre les lois de départementalisation de 1946 pour tendre vers une assimilation des départements d’outre-mer aux Départements métropolitains.

Cette aspiration à cette assimilation législative se justifiait par une revendication très forte des droits sociaux et économiques. Les articles 72 et 73 de la Constitution définissaient dès lors deux régimes pour l’outre-mer : un régime d’identité législative et un régime de spécialité législative. Le Conseil constitutionnel s’est toujours prononcé pour une assimilation législative pour les DOM et un régime de spécialité législative pour les anciens territoires d’outre-mer. Cette position stricte du Conseil n’était pas sans soulever des paradoxes : dans le cas du droit des peuples autochtones, par exemple en Guyane, ou dans l’application du droit des étrangers en outre-mer.

Le « discours de Madiana » du Président J. Chirac ouvrant la possibilité d’instituer des statuts à la carte pour l’outre-mer, a permis à une revendication locale et à un droit à la différence de s’exprimer. Si ces demandes ont été traduites sur le plan juridique par l’avènement de nouvelles collectivités d’outre-mer prévues par la Constitution en ses articles 73 et 74 : la Collectivité d’Outre-Mer (Com) de Saint-Martin, la Com de Saint-Barthélémy, la Com de la Martinique depuis peu. Mais on peut légitimement se demander si cette réponse juridique est suffisante.

Comment comprendre les paradoxes exprimés par les populations locales qui demandent, d’un côté, davantage d’État, une plus grande assimilation législative comme ce fut le cas de la crise de 2009 dans les Dom et, d’un autre côté, une revendication forte d’une reconnaissance des spécificités locales tout en voulant rester au sein de la République française ? Une approche socio-politique paraît la plus pertinente pour y répondre.

Le projet de rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) sur l’effectivité des droits outre-mer est une bonne occasion de faire l’état des lieux et de s’interroger sur la pertinence de régimes dérogatoires. Même si le rapport complet sortira en 2018, les premiers avis sont au cœur de cette problématique : la France peine à respecter les conventions internationales quand elles lui imposent de déroger au droit commun, comme dans le cas des peuples autochtones et quand il s’agit de réintégrer les droits économiques et sociaux dans le droit commun, les gouvernements successifs y vont à reculons.

De ce point de vue, l’outre-mer peut être considéré comme un laboratoire du droit public mais aussi des contradictions de notre république.

 

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