Migrant-e-s : un mauvais calcul pour un sombre dessein…

Par Malik Salemkour, président de la LDH

On connaissait la  figure du migrant-e objet de tous les fantasmes. Ne fait-il pas partie de ces hordes sauvages prêtes à déferler sur les pays européens pour venir profiter des avantages sociaux qui leur sont  généreusement octroyés ? Autant de contre-vérités qui depuis des années alimentent le discours des partis d’extrême droite et nourrissent la xénophobie.
Cet été, nous avons découvert la figure du migrant-e objet de problème mathématique. Dans un manuel scolaire à l’adresse des terminales ES et L, les éditions Nathan ont proposé un exercice  libellé ainsi « Des migrants fuyant la guerre atteignent une île en méditerranée. La première semaine  il en arrive 100. Puis chaque semaine, le nombre de nouveaux arrivants augmente de 10%. Calculez par combien est multipliée une quantité lorsqu’elle augmente de 10%… ». Suivaient plusieurs autres questions, censées favoriser la transdisciplinarité et l’ouverture à d’autres thématiques.
Après que les réseaux sociaux eurent dénoncé  l’exercice qui s’accompagnait d’une photo où l’on voyait hommes, femmes et enfants entassés dans un canot pneumatique, les éditions Nathan se sont  excusées  pour finalement  retirer le livre de la vente et le remplacer par une version corrigée. Devons-nous nous attendre à ce que d’autres disciplines  s’ouvrent à ce genre de problématiques ?

 

Finalement, cette bévue des éditions Nathan illustre la conjoncture politique dans laquelle l’indécence avec laquelle l’Etat lui-même traite les migrant-e-s tient lieu de ligne directrice. Il fait chaud, nous sommes en pleine canicule, les migrant-e-s ont besoin de points d’eau  pour boire et se doucher ? Pas question, répond le préfet du Pas-de-Calais qui va jusqu’à faire appel de la décision du tribunal administratif de Lille lui enjoignant de respecter les obligations de l’Etat en matière de mesures d’aide humanitaires. Une fois la décision confirmée par le Conseil d’Etat, le même préfet en fait, par la suite, une interprétation restrictive en limitant l’accès aux points d’eau aux personnes malades. D’un côté le président de la République tient donc des propos plein d’humanité sur la nécessité d’aider les migrant-e-s, mais sur le terrain les politiques mises en place relèvent avant tout de la répression. Une telle distorsion entre le discours et la réalité est insupportable.

 

Significatives aussi, les condamnations de Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni à de la prison avec sursis. Alors même que les pouvoirs publics refusent de  garantir aux personnes migrantes leurs droits fondamentaux, le harcèlement judiciaire et policier qui frappe les associations et toutes celles et tous ceux qui tentent de venir en aide aux personnes migrantes, atteste d’une inquiétante dégradation de l’Etat de droit. La LDH continuera de se battre aux côtés de celles et ceux que l’article L. 622-4 du Ceseda transforme en délinquant-e de la solidarité. Mettre fin au délit de solidarité est aujourd’hui une urgence, comme le demande la CNCDH dans un avis émis en mai 2017.

 

Par ailleurs, comme  la lutte contre le terrorisme permet à ce gouvernement comme au précédent toutes sortes de dérives, la nouvelle loi anti-terroriste permettra une extension des contrôles d’identité qui pourront être effectués sans feu vert de la Justice, sur un territoire qui, par le miracle d’une redéfinition des « zones frontalières », regroupera les deux tiers de la population française. Et comment seront choisies les personnes qui feront l’objet de ces contrôles ? C’est très simple, le ministre de l’Intérieur  a donné la réponse « celles dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs ». Autrement dit, nous allons vers une multiplication des contrôles au faciès qui s’annonce et sous couvert de la lutte anti-terroriste, c’est bien l’immigration irrégulière qui est visée.

 

Où l’on voit qu’un mauvais calcul est emblématique d’un sombre dessein. Car la rationalité de la politique du gouvernement ou du Président nous échappe. De quoi ont-ils peur ? Du fameux « appel d’air » qui va faire venir en France, 100 000 personnes, soit une augmentation de la population résidente de 0,15 % ? Et finalement, c’est bien ce que l’on craignait : le président Macron ne connaît rien aux raisons des migrations et le ministre de l’Intérieur est son prophète en matière de négation des droits.

 

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