Le 29 janvier 2020, d’Islam Alloush, ancien porte-parole de Jaysh Al Islam (« L’armée de l’Islam »), avait été arrêté puis mis en examen par le Pôle crimes contre l’humanité du tribunal de grande instance de Paris pour crimes de guerre, tortures et disparitions forcées, et complicité de ces crimes. Cette arrestation marquait le début de la première information judiciaire portant sur les crimes commis en Syrie par le groupe rebelle islamiste. Principalement actif dans la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas, Jaysh Al Islam a été régulièrement accusé de commettre des crimes internationaux contre les populations civiles ayant vécu sous son joug à partir de 2011 et jusqu’en 2018.
Le groupe est également soupçonné d’avoir enlevé, détenu et torturé l’avocate des droits humains Razan Zaitouneh, le co-fondateur des comités locaux de coordination (LCC) Wael Hamada, et leurs collègues, Samira Al-Khalil, activiste politique et Nazem Al Hammadi, avocat des droits humains. Ils et elles ont été kidnappé-e-s en décembre 2013 alors qu’ils se trouvaient dans les bureaux conjoints de Violations Documentation Center (VDC) et Local Development Small Projects (LDSPS) à Douma.
Le 26 juin 2019, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) et la LDH avaient déposé une plainte visant Jaysh Al Islam, pour les crimes commis par le groupe. Nos organisations accompagnent les familles de Razan, Wael, Samira et Nazem, mais aussi une vingtaine d’autres victimes et leurs familles dans leur quête de justice.
Dans un arrêt rendu le 4 avril 2022, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a rejeté l’ensemble des nullités invoquées par la défense de Majdi Nema, qui soulevait l’incompétence de la justice française pour crimes de guerre, torture et disparitions forcées.
En juillet 2023, les juges d’instruction du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris, en charge du dossier, ont ordonné la mise en accusation de Majdi Nema devant la Cour d’assises de Paris. La défense a fait appel de cette décision.
Le 20 novembre 2023, la Chambre de l’instruction a confirmé l’existence de charges suffisantes à l’encontre de Majdi Nema s’agissant de son implication dans les crimes de conscription de mineurs et de participation à une entente ou à un groupement formé en vue de la préparation de crimes de guerre.
Cependant, sans remettre en cause la responsabilité de Jaysh al-Islam dans la commission de ces crimes, les juges ont écarté les trois autres infractions pour lesquelles Majdi Nema était mis en accusation, à savoir la complicité de disparitions forcées d’une part, et d’attaques délibérées contre les populations civiles, d’atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité physique et d’enlèvements et de séquestrations constitutifs de crimes de guerre d’autre part.
Le procès s’est tenu du 29 avril au 28 mai 2025 devant la Cour d’assises de Paris. L’intéressé était donc jugé pour complicité de conscription de mineurs constitutive de crimes de guerre et pour participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes de guerre.
La Cour d’assises de Paris a déclaré Majdi Nema coupable du crime de guerre de conscription de mineurs âgés de 15 à 18 ans, ainsi que du délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes de guerre, à savoir des atteintes volontaires à la vie, des atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique, la conscription ou l’enrôlement de mineurs, des enlèvements et séquestrations – y compris ceux des quatre défenseurs des droits humains Razan Zaitouneh, Wael Hamada, Samira Al-Khalil et Nazem Al Hammadi – ainsi que des traitements humiliants et dégradants, et des condamnations et exécutions sommaires.
Majdi Nema a été condamné à dix ans de réclusion criminelle. Il a fait appel de cette décision.
La LDH salue ce jugement, historique à plusieurs égards. D’une part, c’est la première fois que les juridictions françaises rendent une décision sur le fondement de la compétence universelle pour des crimes commis en Syrie, permettant de lutter contre l’impunité de tels crimes qui plus est lorsque la Cour pénale internationale ne peut être saisie. D’autre part, c’est la première condamnation, en France, pour des faits de complicité de conscription de mineurs constitutive de crime de guerre et de participation à un groupement formé en vue de la préparation des crimes de guerre.
La LDH continuera de se mobiliser, avec ses partenaires, pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux.
