8 juillet 2020 – Tribune collective signée par Malik Salemkour “Nouveaux droits pour les jeunes précaires : « Il y a urgence ! »” et publiée sur La-Croix.com

Tribune collective signée par Malik Salemkour, président de la LDH

La crise sanitaire a rendu particulièrement visible l’ampleur de la pauvreté des jeunes, qui touche en France plus d’un jeune sur cinq. La crise sociale qui s’annonce, avec la contraction de l’emploi, de l’intérim, des petits boulots, va accroître encore ces situations de pauvreté, en creusant inévitablement les inégalités d’accès à l’emploi. Ce sont des centaines de milliers de jeunes, diplômés ou pas ou peu qualifiés, qui, ne pouvant s’appuyer sur le soutien familial, vont se trouver sans ressources et sans filet de sécurité.

La société solidaire qu’appelle de ses vœux le président de la République ne peut laisser ainsi une part importante de ses jeunes sur le bord de la route. Il en va de notre responsabilité collective. Il nous faut aujourd’hui tirer les leçons de 30 ans de politiques de lutte contre la pauvreté des jeunes, partielles et segmentées, qui mettent des jeunes dans des cases, et définir enfin, pour tous, un droit à l’insertion, c’est-à-dire un droit à un accompagnement de qualité couplé à la garantie d’un revenu décent. 

Tout citoyen de 18 à 25 ans doit pouvoir, s’il le souhaite, être accompagné dans son parcours. Nous mesurons l’ampleur d’une telle ambition. Elle impose de mobiliser tous les acteurs qui accompagnent aujourd’hui les jeunes dans le cadre de politiques sectorielles (acteurs de l’insertion sociale et professionnelle, acteurs de l’hébergement, structures de l’insertion par l’activité économique, acteurs du handicap…) et de leur donner les moyens d’amplifier leurs efforts. A la diversité des situations doit en effet répondre une pluralité d’acteurs et de modalités d’action, pour garantir à la fois la qualité de l’accueil et l’adaptation aux profils et aux besoins des jeunes. Tous les jeunes en difficulté d’insertion pourront faire valoir ce droit à l’accompagnement, à commencer bien sûr par les plus exclus, dans une démarche active pour les repérer et les mobiliser, avec une attention particulière pour les jeunes en errance, les jeunes en situation de handicap, les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance ou encore les jeunes des zones urbaines sensibles et des zones rurales isolées. Plus que jamais, le non-recours serait un aveu d’échec. 

A ce droit à l’accompagnement doit répondre un droit à une allocation équivalente au montant du RSA, sous condition de ressources. Tout citoyen de 18 à 25 ans, s’il répond aux critères de ressources et s’il a fait valoir son droit à l’accompagnement, aura droit à cette allocation. Il est temps de mettre fin à cette discrimination qui exclut les moins de 25 ans du droit inscrit dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946, pour toutes les personnes en difficulté d’accès à l’emploi, d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. 

Il convient enfin de promettre à ces jeunes qu’ils ne seront jamais abandonnés sans solution. Le droit à l’accompagnement, comme le droit au soutien monétaire de la collectivité, doit donc s’exercer sans limite de durée, jusqu’à ce que les jeunes accompagnés soient autonomes. 

La crise sociale qui s’installe et qui va toucher particulièrement les jeunes rend nécessaire une réponse forte de la Nation. Au-delà de leur coût et des effets d’aubaine qu’elles offrent aux employeurs, les recettes classiques qui, pour favoriser l’emploi des jeunes, passent par l’abaissement du coût du travail, ne traitent qu’une partie du problème, faute d’accompagnement pour les personnes qui ont besoin de temps et de soutien pour tracer leur chemin. Il faut aller plus loin et reconnaître enfin les devoirs de la société envers les jeunes les moins favorisés, en faisant progresser leurs droits. C’est à ce prix qu’on leur construira un avenir : le nôtre.

Signataires : Christophe Devys, Président du Collectif Alerte ; Laurent Berger, Secrétaire Général de la CFDT ; Claire Hédon, Présidente d’ATD Quart monde ; Antoine Dulin, Président de la commission insertion des jeunes du COJ ; Louis Gallois, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité ; Nicolas Truelle, Directeur général des Apprentis d’Auteuil ; Christophe Robert, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Véronique Fayet, Présidente du Secours Catholique-Caritas France ; Julien Lesince, Co-responsable du Forum Français de la Jeunesse (FFJ) ; Patrick Doutreligne, Président de l’Uniopss ; Guy Janvier, Président d’EAPN France ; Bernard Devert, Président d’Habitat et Humanisme ; Jean-François Maruszyczak, Directeur Général Emmaus France ; Claude Garcera, Président de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ) ; Laurent El Ghozi, Président de la FNASAT – Gens du voyage ; Alain Rochon, Président d’APF France handicap ; Michèle Pasteur, Directrice générale de l’agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) ; Orlane François, Présidente de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) ; Malik Salemkour, Président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Isabelle Richard, Présidente de la Fédération de l’entraide protestante (FEP) ; Laurent Escure, Secrétaire Général de l’Unsa ; Cyril Chabanier, Président de la CFTC ; Tom Chevalier, Chercheur au CNRS ; Camille Peugny, Professeur de sociologie (UVSQ) ; Guillaume Allègre, Économiste à l’OFCE ; Nicolas Farvaque, chercheur et consultant (ORSEU Recherche & études) ; François Sarfati, Professeur de sociologie (Université d’Evry-Paris Saclay) ; Radia Bakkouch, Présidente de Coexister ; François Salomé, Président de la Jeunesse ouvrière chrétienne ; Bruno Palier, Directeur de Recherche du CNRS, Sciences Po ; Paul Israel, Président du CCSC (Comité Chrétien de solidarité avec les chômeurs) ; Salomé Gavairon, Présidente de l’Union Nationale des Etudiants en Droit, Gestion, AES, Sciences Economiques, Politique et Sociales (UNEDESEP) ; Lyes Louffok, Membre du Conseil national de la protection de l’enfance ; Hugues Vidor, Président de l’Udes ; Marie-Laure de Guardia, Présidente du Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (GEPSo) ; Jean-Pierre Rosenczveig, Magistrat honoraire, ancien Président du Tribunal pour enfants de Bobigny, membre du Conseil national de la protection de l’enfance ; Denis L’Hour, Directeur général de Citoyens & justice ; Lise-Marie Schaffhauser Administrateur pour la Collégiale UNAPP Union nationale des acteurs de parrainage de proximité ; Bénédicte Aubert, présidente de l’ANPF (Association nationale des placements familiaux) ; Isabelle Moret, Directrice générale de SOS Villages d’enfants

Lire la tribune sur La-Croix.com.

 

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