7 juillet 2008 – Syrie
Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République Française

Paris, le 7 juillet 2008


Monsieur le Président de la République,



Dans quelques jours vous recevrez, parmi d’autres chefs d’Etat et de gouvernement, votre homologue syrien, le Président Bachar al-Assad. Dans le cadre des entretiens que vous aurez avec lui, les organisations de défense des droits de l’Homme signataires de cette lettre vous appellent à accorder une attention particulière à la question fondamentale de la situation des droits de l’Homme dans ce pays.


L’état d’urgence – en vigueur de façon continue depuis quarante-cinq ans – autorise toutes les dérives autoritaires. Les autorités syriennes continuent à harceler et persécuter les militants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme. La torture et les mauvais traitements sont pratiqués en toute impunité. Les procès intentés aux prisonniers d’opinion méconnaissent les normes internationales d’équité. Parmi toutes ces violations, dont nous ne pouvons dresser ici une liste exhaustive tant elles sont nombreuses, les graves atteintes à la liberté d’opinion et d’expression sont systématiques. Les arrestations frappent très fréquemment toutes les voix dissidentes, qu’elles soient isolées ou collectives, comme en décembre 2007 lorsque plusieurs membres du Conseil National de la Déclaration de Damas pour le changement national démocratique, l’un des principaux groupements en faveur de la démocratie, ont été placés en détention, parfois brutalisés, dans les jours qui ont suivi la tenue d’une réunion.

Déjà en mai 2006, certains signataires d’un texte appelant à la normalisation des relations entre la Syrie et le Liban avaient été arrêtés. Trois d’entre eux, condamnés depuis, demeurent incarcérés pour ce seul motif. Or, n’appelez-vous pas précisément à l’apaisement des relations entre ces deux pays en en faisant une condition préalable à la reprise du dialogue entre la France et la Syrie ? Dès lors, est-il tolérable que Michel Kilo, journaliste et écrivain de renom, Anouar al Bounni, avocat réputé et défenseur des droits de l’Homme, Mahmoud Issa, militant, soient toujours incarcérés ?


Monsieur le Président, la présidence française de l’Union européenne et la mise en place de l’Union pour la Méditerranée sont pour la France une occasion unique de jouer un rôle moteur pour la promotion des droits de l’Homme dans la région. Lors de votre discours d’investiture, vous vous êtes engagé à « défendre les droits de l’Homme partout où ils sont méconnus ou menacés ». En Syrie, la situation des droits fondamentaux est extrêmement préoccupante.


Dans ce pays, ceux qui luttent pacifiquement pour la reconnaissance de leurs libertés fondamentales ont besoin de votre soutien.


Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous demandons d’intervenir auprès du Président Bachar al-Assad afin que les mesures suivantes soient prises :

 


1/ La libération immédiate et inconditionnelle d’Anouar al Bounni, Michel Kilo et Mahmoud Issa, et de tous les prisonniers d’opinion,

2/ La protection de tous les détenus contre la torture et les mauvais traitements,

3/ La cessation de toutes formes de harcèlements et de persécutions à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme,

4/ Le respect par la Syrie de ses engagements internationaux en matière de droits de l’Homme.

Nous vous prions d’agréer, monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.



Anne-Cécile Antoni,
Présidente de l’ACAT-France

Geneviève Garrigos,
Présidente d’Amnesty International France

Marc Schade Poulsen,
Directeur exécutif
Réseau euro-méditerranéen des Droits de l’Homme

Mary Lawlor,
Directrice de Frontline

Sarah Leah Whitson,
Directrice exécutive
Division Moyen-Orient et Afrique du Nord
Human Rights Watch

Souhayr Belhassen,
Présidente Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme

Jean-Pierre Dubois,
Président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)

Eric Sottas,
Secrétaire Général
Organisation mondiale Contre la Torture (OMCT)

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