6 septembre 2005 – Droits de l’Homme en Tunisie
Lettre au président de la République concernant une demande d’audience au sujet de la situation des droits de l’Homme et des libertés en Tunisie

En outre, tous les observateurs internationaux, présents lors des récentes audiences de procès contre l’ordre des avocats et contre la LTDH, ainsi que de procès politiques, ont  constaté l’instrumentalisation de la justice tunisienne à des fins de répression de toute voix discordante.

 

Il convient de vous rappeler, Monsieur le Président, que l’Accord d’association, signé le 17 juillet 1995 par l’Union européenne et la République tunisienne, entré en vigueur le 1er mars 1998, comprend une clause concernant les droits de l’Homme qui lie juridiquement les parties (article 2). Cet accord stipule formellement  que  l’ensemble de ses dispositions ainsi que les relations entre les parties, sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques, qui inspire leur politique interne et internationale, et constitue un élément essentiel de l’Accord.


L’importance de cette clause a été réitérée, à plusieurs reprises, par la Commission,  comme par le Conseil et par le Parlement européens. Cela ne semble avoir eu aucun effet sur la réalité de la situation en Tunisie, nonobstant les déclarations des autorités tunisiennes quant aux prétendues avancées réalisées par la Tunisie dans ce domaine.


Nous sommes donc particulièrement inquiets de la volonté des autorités tunisiennes de faire échec à la tenue du 6ème congrès de la LTDH voire d’interdire cette organisation.

Plusieurs organisations françaises et internationales, accompagnées par le Secrétaire général de la LTDH, veulent vous demander d’user de votre influence auprès du Président Zine Albidine Ben Ali pour qu’il permette la tenue du congrès de la LTDH, la création du Syndicat des journalistes tunisiens et qu’il fasse cesser la menace de dissolution de l’Association des magistrats tunisiens, conformément  aux obligations de l’Etat tunisien, incluant ses engagements au titre de l’Accord d’association, en matière de droits de l’Homme.

 

Il s’agit notamment :

 

          de mettre fin à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en autorisant les organisations indépendantes de droits de l’Homme à agir librement, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, et de s’engager à ne pas bloquer les fonds accordés par la Commission dans le cadre de projets financés par l’IEDDH ;

 

          de renforcer les garanties de l’indépendance de la justice et la réforme du système judiciaire, conformément aux normes internationales sur les conditions d’un procès équitable, en favorisant une justice sereine et en mettant fin aux atteintes aux droits de la défense (jugements prononcés sans avoir entendu la défense ni les prévenus ; obstruction aux plaintes civiles ; déni du principe de l’autorité de la chose jugée ; refus d’enrôler certaines plaintes déposées par les opposants…) ainsi qu’à la persécution du corps des avocats (harcèlement judiciaire du barreau, agression des membres du conseil de l’ordre et du bâtonnier, sièges policiers établis autour de leurs études, cambriolage de leurs études par la police politique…) et d’autoriser les visites des rapporteurs spéciaux des Nations unies, chargés d’enquêter sur  l´indépendance de la justice ou sur la torture ;

 

          de lever toutes les restrictions imposées aux libertés d’expression, de communication, d’information, et à la libre diffusion des périodiques étrangers et tunisiens; de faire cesser toute forme de censure, directe ou indirecte, ou de pressions bloquant la liberté des journalistes et celle d’éditer librement des journaux ; d’abroger les lois qui autorisent l’interception du courrier électronique et la censure sur Internet ; d’abroger la loi du 26 juin 2003 étendant le musellement des media audiovisuels étrangers et toutes les dispositions du code pénal sanctionnant le délit d’opinion ; de mettre fin à la détention des personnes condamnées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression ;

 

          de mettre un terme à l’incarcération de plus de 500 détenus politiques, qui dure pour la majorité d’entre eux, depuis plus de 15 ans, par la libération immédiate et sans condition et la promulgation d’une amnistie générale en faveur de toutes les  victimes de la répression et de les rétablir dans leurs droits civiques et politiques ;

 

          de garantir la liberté de circulation à tous ceux qui sont privés arbitrairement de leur passeport ou à qui il est interdit de voyager librement, notamment les défenseurs des droits de l’Homme.

 

En vous remerciant de bien vouloir prêter attention à notre demande d’audience dans l’urgence, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre très haute considération.

 

Une demande d’audience analogue a été faite au ministère des Affaires étrangères.

Paris, le 6 septembre 2005

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