31e Université d’automne de la LDH : Laïcité 1905-2025 – Défendre une loi de liberté

Samedi 29 et dimanche 30 novembre 2025, au Centre des colloques du Campus Condorcet

place du Front Populaire 93300 Aubervilliers (métro Front Populaire – ligne 12 – sortie 2)

L’occasion du 120e anniversaire de la loi de 1905 permet à la LDH de rappeler son attachement à cette loi de liberté en interrogeant le contexte de ses transformations, parfois de ses trahisons. Depuis l’université d’automne de novembre 2000, consacrée à la laïcité, vingt-cinq ans se sont passés ; le contexte d’aujourd’hui a changé et se sont multipliées les affaires médiatico-politiques en rapport avec de nouvelles lois.

Du début des années 2000 à aujourd’hui, nous avons ainsi assisté à une extension du principe de neutralité qui concernait d’abord l’Etat et ses fonctionnaires et qui, pour la première fois (avec la loi de 2004), s’appliquait aux personnes privées, point d’appui pour les revendications de neutralisation autour de la sphère éducative. Plus encore, en adjoignant les « valeurs de la République » à l’idée de laïcité, la loi de 2021 en a changé la nature : la laïcité est passée de la protection de la liberté (liberté de conscience et de culte) à la promotion d’une morale et à une conception normative de la « bonne vie » sociale. Cela conduit à une mise en tension entre le principe de laïcité, dévoyé, et des principes progressistes comme le féminisme, l’antiracisme, l’internationalisme….

Politistes, juristes, historiens et historiennes nous aideront à comprendre ces changements, ce qui articulera notre défense de la laïcité au refus des instrumentalisations politiciennes.

Samedi 29 novembre

9h30-10h

Ouverture

10h-12h

Table ronde 1 – La laïcité en France et dans le monde

Animation : Emmanuelle Jourdan-Chartier, cosecrétaire générale de la LDH

Etat du travail de recherche sur la loi de 1905 ? Des diverses inflexions subies par la laïcité ? Où en est-on aujourd’hui : une inflexion sécuritaire ? La France dans l’Europe, y a-t-il véritablement une spécificité française en matière de laïcité ? Qu’en est-il de la finalité émancipatrice ?

Bertrand Ogilvie, psychanalyste, philosophe 

Alain Policar, politiste, Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)

13h30-14h

Intervention – la laïcité en france

Animation : Marie-Christine Vergiat, membre du Comité national de la LDH

Philippe Portier, directeur d’étude EPHE, membre du Groupe sociétés, religions, laïcité (EPHE CNRS)

14h-15h30

Table ronde 2 – La LDH et la laïcité

Animation : Marie-Christine Vergiat, membre du Comité national de la LDH

La LDH à l’origine de la loi de 1905 ? La défense de la laïcité est inhérente à l’identité de la LDH. Comment l’association a accompagné (et combattu) les inflexions autoritaires de la laïcité dans les 25 dernières années ? Quels sont ses engagements et ses pratiques aujourd’hui ?

Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la LDH

Emmanuel Naquet, coresponsable du groupe de travail « Mémoires, histoire, archives »

Marion Ogier, membre du Bureau national de la LDH

15h45-17h15

Ateliers – Les actions de la LDH

Interventions en milieu scolaire

Action juridique : l’exemple des crèches

La laïcité à l’hôpital

La laïcité dans l’entreprise, quel rôle de la LDH ?

La loi sur le voile dans le sport

17h30-19h

Table ronde 3 – Jeunes, écoles, laïcité

Animation : Martine Cocquet, coresponsable du groupe de travail « Education,  jeunesse et droits de l’enfant »

La loi de 2004 a constitué un double point de bascule : d’une part, on est passé de l’obligation de neutralité pour les agents du service public à une obligation pour une partie des usagers, les élèves ; d’autre part, la question des signes religieux à l’école a supplanté la bataille contre l’école privée. Comment apprécier les conséquences de cette loi ? Les discours récurrents sur la difficulté de faire vivre la laïcité à l’école sont-ils conformes à la réalité ? Quels effets ont eu sur les personnels et sur les élèves les attentats, notamment le meurtre de Samuel Paty ?

Vanille Laborde, maîtresse de conférence contractuelle en science politique à l’université Toulouse Capitole, laboratoires Idetcom et Mesopolhis

Françoise Lorcerie, politiste, directrice de recherches au CNRS (émérite) et à l’Institut de recherches sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM) à Aix-Marseille université

19h

Verre de l’amitié

dimanche 30 novembre

9h-9h45

Compte rendu des ateliers

9h45-11h

Table ronde 4 – La laïcité dévoyée, l’offensive réactionnaire

Animation : Daniel Boitier, coresponsable du groupe de travail « Laïcité » de la LDH

Jean Baubérot-Vincent parle de laïcité « falsifiée ». Le rapport Baroin de 2003 opposait laïcité et droits de l’Homme. Aujourd’hui, les partis d’extrême droite se prétendent défenseurs de la laïcité. Comment l’extension de la neutralité s’est retournée contre la liberté de conscience et de culte, inscrite à l’article 1 de la loi de 1905, ou à la liberté religieuse, pourtant défendue par les textes européens et internationaux ? Mais aussi comment la loi séparatisme et le contrat d’engagement républicain ont pu mettre en crise les libertés associatives ? Au point que, si l’on observe les populations le plus souvent visées, notre défense de la laïcité se heurte au soupçon que la laïcité soit devenue discriminatoire ?

Nicolas Cadène, cofondateur de la Vigie de la laïcité, formateur sur la laïcité

Martine Cohen, sociologue émérite (CNRS), membre de la LDH

Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université Paris Nanterre et membre de l’Institut universitaire de France

 

11h15-12h45

Table ronde 5 – Laïcité et féminisme

Animation : Joël Roman, membre de la LDH et membre du groupe de travail « Laïcité » de la LDH

On ne compte plus les débats, les mesures – souvent illégales – et les propositions de loi qui au nom de la laïcité se focalisent sur les femmes, plus précisément les femmes musulmanes et/ou racisées. Si la laïcité est incontestablement une garantie pour les droits et les libertés des femmes, quels sont les enjeux et les conséquences de ces débats et des surenchères qu’ils suscitent ? Dans quelle mesure au nom de l’émancipation des femmes aboutissent-ils à rogner leur liberté et à produire des discriminations ?

Hélène Ba, cofondatrice et présidente du Collectif basket pour toutes

Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH

Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF)

14h30-16h30

Table ronde 6 – La laïcité dans les quartiers populaires

Animation : Joëlle Bordet, coresponsable du groupe de travail « Laïcité » de la LDH

Les quartiers populaires sont souvent montrés du doigt en matière de laïcité. Pourtant, la réalité est complexe et n’a rien à voir avec la vision caricaturale qu’en ont certains. Cette table ronde se place dans le prolongement d’un travail initié par le groupe de travail « Laïcité » dans un certain nombre de quartiers populaires.
Elle vise à montrer la diversité de la réalité vécue en croisant les expériences d’un élu d’une grande ville, d’un religieux intervenant dans une double perspective d’éducation populaire et religieuse, d’un directeur de centre social et d’un sociologue.

Saliou Faye, imam, prêcheur du vendredi à la mosquée de la fraternité, Strasbourg Meinau

Wajdi Limam, directeur du centre de formation des Ceméa Ile-de-France

Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers

Julien Talpin, sociologue, directeur de recherche au CNRS, CERAPS/université de Lille

16h30

Conclusion

Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Description des intervenant-e-s

Philosophe et psychanalyste

Dernières publications :

Inclassable enfance, Editions de la  Tempête , 2024.

L’homme jetable, Editions Amsterdam, 2012. 

Président d’honneur de la LDH

Présentation de l’intervention

La LDH face aux inflexions autoritaires de la laïcité

Le débat sur la laïcité s’est profondément renouvelé. De l’école publique à l’Affaire Dreyfus, un contrat social républicain a émergé. Libertés à défendre, égalité à construire, citoyenneté à mettre en actes : nous en sommes nés en 1898.

120 ans après la loi de 1905, ses principes aujourd’hui constitutionnels lient laïcité, démocratie pluraliste et exercice des droits fondamentaux. Mais l’Eglise catholique n’est plus au centre des controverses. Car les « travailleurs immigrés », ayant eux aussi droit à une « vie familiale normale » (1974), sont devenus visibles dans les lieux publics avec leurs couleurs de peau et leurs croyances : « l’immigration » émergea comme fait de société, et l’islam comme deuxième religion de France.

L’extrême droite a déguisé dès 1983 le rejet des « immigrés » en dénonciation de « l’islamisme », liant insécurité, islam et immigration. Obsession contagieuse : en 1989 les « nationaux-républicains » ont prétendu libérer les jeunes musulmanes… en les excluant de l’école publique ; la loi de 2004 a imposé aux usagers de celle-ci l’obligation de neutralité qui ne s’appliquait qu’aux agents publics. « Prières de rues », nouvelles mosquées, repas sans porc dans les cantines, « burkinis » pas assez dénudés : une suite d’éclats médiatiques a installé le fantasme d’une « invasion ». Un détournement xénophobe et post-colonial de laïcité a mis la France à l’avant-garde de l’extrême droite européenne.

Dès 1994, nous avons répondu « ni voile, ni exclusion » (Madeleine Rebérioux), « laissez les femmes faire ce qu’elles veulent » (Shirin Ebadi) : ne privez pas d’éducation laïque les cibles de l’intégrisme religieux.

Congrès de 1997, résolution « Islam et laïcité » : tout traitement discriminatoire d’une religion est anti-laïque ; « l’islam, en tant qu’élément de visibilité sociale, est utilisé comme une raison supplémentaire, presque comme un alibi, pour rejeter ces populations dont, en fait, c’est la présence en France qui est mise en cause ».

Congrès de 2001, résolution « La laïcité est toujours une idée neuve » : « construction d’un espace commun qui transcende les différences tout en assumant la diversité », « qui accueille la diversité des cultures et des choix individuels dans l’égalité des droits », y compris « du droit de chacun à se dissocier d’une communauté » ; mais « les individus eux-mêmes ont besoin d’être reconnus au sein des groupes dans lesquels ils se reconnaissent ».

Ainsi, la LDH applique la laïcité à une France diverse culturellement : pas de « sauvageons à civiliser », mais une garantie des libertés de chacun.e. Après des débats parfois vifs, les très larges majorités des Congrès attestent notre attachement commun à l’essentiel.

Face aux replis identitaires et xénophobes, nous maintenons ce contrat social laïque : respect des droits de toutes et tous, égale liberté de conscience et d’expression, lutte contre les discriminations persistantes. La laïcité reste une idée d’avenir. La LDH devra être là, demain comme hier, pour la promouvoir et la défendre.

Bibliographie 

  • Vous avez dit laïcité ?, Jean-Pierre Dubois et Charles Coutel, 2016, Ed. du Cerf.
  • Pluralisme, laïcité, sphères publiques et sphère privée, Jean-Pierre Dubois, Hommes et libertés n°158, juin 2012.

Emmanuel Naquet, diplômé de Sciences Po et licencié en droit, est l’auteur d’une thèse sur la LDH publiée sous le titre Pour l’Humanité. La Ligue des droits de l’Homme de l’affaire Dreyfus à la défaite de 1940, préface de Pierre Joxe, postface de Serge Berstein, PUR, 2014. Coauteur et co-directeur de Citoyenneté, République, démocratie en France de 1789 à 1899 (avec Serge Bianchi, Philippe Darriulat et François Ploux), PUR, 2014, et d’Être dreyfusard, hier et aujourd’hui (avec Gilles Manceron), PUR, 2009.

Professeur en classes préparatoires, rédacteur en chef de la revue de la Contemporaine Matériaux pour l’histoire de notre temps, ses travaux portent depuis lors sur les droits humains, la République, la paix, la culture politique. Il co-délégué du groupe de travail de la LDH « Mémoires, histoire, archives ».

Présentation de l’intervention

La LDH naît avec l’affaire Dreyfus, ce crime d’Etat perpétré par des officiers et par des politiques ; pour certains par un pur cynisme, pour d’autres par un authentique antisémitisme. Portée par des nationalistes, qu’ils soient monarchistes ou républicains, cette « idéologie du rejet » se retrouve notamment dans la rhétorique de ces associations catholiques que sont les congrégations.

Mais les dreyfusards de la LDH se muent en dreyfusistes. Ils se saisissent de l’Affaire en tant qu’événement à la fois révélateur des blocages d’une République et fondateur d’un mouvement d’extrapolation de la « cause » du capitaine à d’autres champs et d’autres figures. Ce projet devient un programme avec une organisation pérenne, généraliste et universaliste, et un manifeste fondateur premier manifeste de la LDH qui proclame : « Le condamné de 1894 n’est pas plus juif à nos yeux que tout autre, à sa place, ne serait catholique, protestant ou philosophe », mais il est un « citoyen dont les droits sont les nôtres ». La LDH fait ainsi appel à tous ceux qui, sans distinction de croyance religieuse ou d’opinion politique, veulent une union sincère entre tous les Français et sont convaincus que toutes les formes d’arbitraire et d’intolérance sont une menace de déchirements civils, une menace à la civilisation et au progrès ».

C’est dans des contextes différents et évolutifs, sur quelque 120 ans de son passé – cette communication s’arrêtera aux années 1980 ; voir celle de Jean-Pierre Dubois pour la période ultérieure –, que la LDH dépasse un anticléricalisme de combat pour défendre la liberté de conscience. Des textes comme le projet de loi porté par Francis de Pressensé, son deuxième président, et des interventions, le cas échéant avec des crises, illustrent ce choix.

Ses efforts pour laïciser notre République, alors que la sécularisation n’est pas achevée, s’inscrivent dans un culte de l’égalité et de la liberté associées dans la fraternité. Le cas de l’Ecole l’illustre. Si la LDH exige la démocratisation de l’enseignement, son troisième président, Ferdinand Buisson, père des lois Jules Ferry sur l’enseignement primaire gratuit, laïque et obligatoire, porte et impose le refus de tout monopole d’Etat, et donc celui d’une nationalisation.
Si jusqu’aux années 1930, « la question laïque », est sans cesse « posée », pour reprendre à l’inverse la célèbre formule du président de la cour d’Assises, refusant à Zola et à ses défenseurs, en 1898, d’aborder le fond de l’Affaire, d’autres défis – antifascisme et pacifisme ou droits économiques et sociaux – l’éclipsent.

Après la Seconde Guerre mondiale et l’occupation et jusqu’aux années 1980, la LDH se retrouve amoindrie à plus d’un titre dans un cadre politique, hexagonal et international où la sauvegarde de la laïcité n’est pas au premier plan. Elle prolonge cependant son plaidoyer pour l’école publique. Là encore : augmentation des crédits à l’enseignement public (congrès de 1950) et opposition au financement public de l’enseignement privé à forte dominante catholique (loi Barangé de 1951). Elle collabore aux Etats généraux de la France laïque et se rapproche pour les enjeux scolaires du SNI (Syndicat national des instituteurs), de la FEN (Fédération de l’Education nationale) et de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves). En 1959, elle se joint aux manifestations du Cnal (Comité national d’action laïque) contre la loi Debré qui organise les rapports entre l’État et l’enseignement privé sous contrat.

Ainsi reste-t-elle fidèle à sa vigilance quant au respect de la liberté de conscience comme à la libre exercice des cultes dans un cadre légal, sans reconnaissance particulière par la République. À l’origine de toutes les libertés, la laïcité est bien le fondement d’une République qui accueille la diversité des consciences dans l’égalité des droits.

Publications récentes

  • Emmanuel Naquet, « La Ligue des droits de l’Homme : us et coutumes d’un « monument constitutif de la République » (Léon Blum) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale », dans Olivier Dard et Nathalie Sévilla (dir.), « Le phénomène ligueur sous la IIIe République », Centre régional universitaire lorrain d’Histoire, 2008, 324 p., p. 39-67.
  • Emmanuel Naquet, « L’Autre dans la réflexion théorique et la mise en pratique juridique en France dans les années 1890-1920. L’exemple de la Ligue des droits de l’Homme », dans Annie Stora-Lamarre, Jean-Louis Halpérin et Frédéric Audren (dir.), « La République et son droit, 1870-1930 », Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté (coll. « Annales littéraires »), 2011, 538 p., p. 201-219.
  • Emmanuel Naquet, « L’universalisme des droits de l’Homme et du Citoyen », dans Vincent Duclert et Perrine Simon-Nahum (dir.), « Les événements fondateurs. L’affaire Dreyfus », A. Colin (coll. « U »), 2009, 343 p., p. 102-110.
  • Emmanuel Naquet (dir.,avec Gilles Manceron), « Etre dreyfusard, hier et aujourd’hui, » Presses universitaires de Rennes (coll. « Histoire »), 2009, 552 p.
  • Emmanuel Naquet, « La Ligue des droits de l’Homme et l’école de la République dans la première moitié du XXe siècle », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 9, sept.-déc. 2009, www.histoirepolitique.fr, p. 1-18.
  • Emmanuel Naquet, Retour de l’URSS. Brève histoire de la mémoire de la LDH, Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 100, oct.-déc. 2010, p. 55-57.
  • Emmanuel Naquet, L’affaire Dreyfus, entre héritages, champs d’expériences et horizons d’attentes pour la République, dans Robert Belot (dir.), Tous républicains ! Origines et modernité des valeurs républicaines, Armand Colin (coll. « Recherches »), 2011, 317 p., p. 39-48.
  • Emmanuel Naquet, Mathilde Salomon et son engagement citoyen dans la Ligue des droits de l’Homme, dans Jean-Pierre De Giorgiu (dir.), L’école de jeunes filles. Mathilde Salomon, Rennes, PUR, 2017, 188 p., p. 157-181.
  • Emmanuel Naquet, Bordeaux, Londres, Alger, Paris ou Vichy ? La Ligue des droits de l’Homme face à la défaite de 1940, dans Hubert Bonin et Bernard Lachaise (dir.), Juin 1940 à Bordeaux et en Gironde. Au coeur de la tourmente militaire et politique, Bordeaux, La Geste et Presses universitaires de Nouvelle-Aquitaine, 2022, p. 309-328, 408 p.
  • Emmanuel Naquet, « Droits de l’Homme et politique en France : quelques réflexions sur des liaisons dangereuses », Histoire@Politique, 51, 2023, dossier « Écrire l’histoire politique aujourd’hui »DOI
  • Emmanuel Naquet, « De quoi la LDH est-elle le nom/non ? », AOC, 2 mai 2023
  • Emmanuel Naquet, « Liberté, Liberté chérie… La LDH fidèle à ses engagements », Droits & Libertés, n° 202, juillet 2023, p. 54-56

Marion Ogier est avocate au barreau de Paris depuis 2015 et membre du Bureau national de la LDH. Elle a cofondé en 2022 le cabinet Andotte Avocats dont les membres exercent devant les juridictions administratives en droit des libertés publiques et en droit administratif.
Dans ce cadre, elle représente régulièrement la LDH dans les différents contentieux menés et tout particulièrement dans le cadre des actions contentieuses menées par la LDH pour défendre le principe de laïcité.

Présentation de l’intervention

L’action de la LDH en matière de laïcité s’inscrit aujourd’hui dans une double dynamique : défendre une laïcité de liberté telle qu’elle est consacrée par la lettre de la loi de 1905 et combattre toute forme de restriction injustifiée à la liberté de conscience et toute méconnais du principe de neutralité qui s’impose aux pouvoirs publics. Dans ce cadre, la LDH mène chaque année de nombreux contentieux afin de défendre la liberté d’exercer le culte dans les différentes sphères de la société et de lutter contre toutes les formes d’instrumentalisation qui consistent à affirmer une préférence religieuse par les collectivités territoriales.

Vanille Laborde est maîtresse de conférence contractuelle à l’université Toulouse Capitole, rattachée aux laboratoires Idetcom et Mesopolhis. Sa recherche doctorale a porté sur l’administration scolaire de la laïcité, en particulier sur la politique de signalement des « atteintes à la laïcité » dans l’Education nationale. Elle a reçu le prix de thèse de l’Association française de science politique (AFSP et Fondation Mattei Dogan) et le prix de thèse de la ville de Marseille. À l’appui d’enquêtes ethnographiques, son travail porte principalement sur les effets de la politisation sur les pratiques administratives, en particulier les cadres de l’Education nationale.

Présentation de l’intervention

Quel cadrage des politiques de laïcité par l’institution scolaire ? La lutte contre les « atteintes à la laïcité » dans l’Education nationale

La politisation et les modalités de médiatisation de la laïcité influencent les pratiques administratives et les politiques publiques de l’Education nationale. À la suite de l’alternance ministérielle de 2017, dans un contexte où une nouvelle équipe cherche à afficher son volontarisme et à se positionner en rupture avec les prédécesseurs socialistes, un nouveau dispositif de signalement des « atteintes à la laïcité » est mis en place. Il installe des équipes académiques dans chaque rectorat, une équipe nationale et un Conseil des sages de la laïcité à l’échelle centrale.

Sur les scènes publiques, ce dispositif incarne le tournant vers une « politique de fermeté », selon la formule consacrée.

En coulisses, il marque le passage d’un cadrage du problème laïque comme enjeu professionnel et pédagogique, à un problème imputable aux élèves et familles musulmanes, construits en communauté suspecte au sein de l’Ecole.

Certains fonctionnaires deviennent des petites mains de la communication politique, chargés de bricoler avec les chiffres d’atteintes afin de légitimer l’idée d’une « laïcité en danger ». Surtout, l’enquête met en lumière l’immixtion d’enjeux sécuritaires dans la politique de laïcité scolaire : le mot d’ordre du signalement s’imbrique à une entreprise étatique de surveillance de l’islam.

Publications récentes

  • Vanille Laborde, « Jouer le jeu de la laïcité. Les réappropriations des dispositifs laïques par les cadres scolaires français », Sociologie et sociétés, vol. 54, n°1, 2022.
  • Vanille Laborde, « Administrer la laïcité. La politique de lutte contre les « atteintes à la laïcité » dans l’Education nationale », thèse de doctorat en science politique, IEP d’Aix-en-Provence et Aix-Marseille université, 2023.
  • Thomas Douniès, Vanille Laborde et Guillaume Silhol (à paraitre), Fabrique politique de l’Ecole, fabrique scolaire du politique, Presses universitaires du Septentrion, coll. Paradoxa.

Professeure des universités émérite à l’université Lumière Lyon 2

Françoise Lorcerie
Françoise Lorcerie est politiste, directrice de recherches au CNRS émérite, à l’Institut de recherches sur les mondes arabes et musulmans (Aix-Marseille université, CNRS). Ses travaux portent sur l’approche de la pluralité ethnoraciale et ethnoreligieuse, sa légitimation, et les transformations de l’école au prisme de cette pluralité.

Présentation de l’intervention

Construire à l’école une laïcité de discussion ? Un enjeu souhaitable.

Qui est contre la laïcité en France aujourd’hui ? Personne, aucun des ténors politiques, aucun des cultes dont les représentants se font entendre. Tous cependant ne lui confèrent pas le même sens, tous ne lui associent pas les mêmes exigences. Cette discordance est évidente s’agissant du traitement de l’islam et des musulmans. Les travaux de psychologie sociale montrent que cette disparité est généralisée dans la population française, quoique les individus en aient des représentations moins polarisées que les idéologies qui s’affrontent dans les médias. Mais justement, la laïcité constitutionnelle n’implique-t-elle pas un art de vivre ensemble avec nos différences sous la protection d’un Etat neutre, – y compris les différences qui ont trait à son interprétation ? Et l’école laïque n’est-elle pas par excellence l’espace-temps où ces différences peuvent se verbaliser, et peut-être évoluer ? Construire à l’école une laïcité de discussion est dès lors un enjeu éminemment souhaitable.

Malheureusement, les personnels n’y sont guère formés, et ce n’est pas ainsi que l’entend le « Conseil des sages » de l’Education nationale.

Juriste, ancien haut fonctionnaire, aujourd’hui consultant et formateur sur la laïcité et les politiques de solidarité, Nicolas Cadène a été le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre de 2013 à 2021. À cette date, il a cofondé la Vigie de la laïcité dont il est l’actuel vice-président.

Publications récentes

  • Nicolas Cadène, En finir avec les idées fausses sur la laïcité, éditions de l’Atelier, réédition augmentée sortie cet automne 2025.
  • Nicolas Cadène, La laïcité pour les Nuls, 2016, réédition 2017.

Sociologue émérite au CNRS (Groupe sociétés, religions, laïcités), membre de la LDH.

Après des enquêtes de terrain sur le mouvement charismatique catholique, puis sur les controverses sociales sur les « sectes », elle s’est consacrée à une sociologie du judaïsme français.

Ses engagements associatifs, notamment au sein de la Commission « Islam et Laïcité » créée en 1997 par la Ligue de l’enseignement, lui ont donné l’occasion de mener des observations de terrain auprès de certains acteurs musulmans, puis de proposer des analyses comparatives sur l’intégration des juifs et des musulmans en France. Plus récemment, elle a mené également une enquête de terrain sur les relations juifs-musulmans en France (financement du Bureau des cultes, avec S. Everett, 2020).

Elle est engagée également au sein d’associations locales à Paris et d’associations de soutien à la paix entre Israéliens et Palestiniens (La Paix maintenant, Friends of Standing Together France-Europe). Et la LDH bien sûr ! (membre du groupe de travail « Discriminations, racisme, antisémitisme » et du groupe de travail « Laïcité »).

Présentation de l’intervention

Pour une laïcité d’émancipation : élargir nos alliances

La LDH n’est pas l’Etat !

Elle n’est pas astreinte à la règle d’une stricte neutralité et impartialité entre toutes les options religieuses. Si le travail principal de la LDH vise à dénoncer les atteintes à cette règle de neutralité et impartialité de l’Etat, d’autres engagements seraient possibles, complémentaires de cette attitude de défense du droit (« défensive »), dans une perspective plus « pro-active » : par exemple nouer des alliances avec des courants religieux progressistes.
Mais comment définir qui sont les « courants religieux progressistes » ? Doit-on se limiter aux courants « libéraux » au sein des religions, ou peut-on déceler et soutenir quelque chose d’un « progressisme » dans d’autres courants ou milieux ? Selon quels critères alors ?

Publications récentes

  • Martine Cohen, Fin du franco-judaïsme ? Quelle place pour les Juifs dans une France multiculturelle ? Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022.
  • Martine Cohen et Samuel Everett, Panorama des initiatives en faveur du dialogue judéo-musulman, rapport pour la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Paris, avril 2020.
  • Martine Cohen et Françoise Champion, Sectes et démocratie, 1999,

Stéphanie Hennette-Vauchez est professeure de droit public à l’université Paris Nanterre et membre de l’Institut universitaire de France. Spécialiste de droit des libertés fondamentales, elle a notamment travaillé sur la bioéthique, la laïcité, les états d’urgence, et la non-discrimination.

Présentation de l’intervention
Mobilisé sur tous les fronts, le principe de laïcité est essoré par le débat public, qui lui en demande trop. L’objet de la communication est de faire un retour critique sur les évolutions qui ont vu la laïcité évoluer d’un principe d’organisation des rapports entre l’Eglise et l’Etat à une injonction visant les individus et leur comportement social.

Revenant aux trois pointes du principe de laïcité tel qu’il se consolide au tournant du 19e siècle (garantie du libre exercice des cultes, séparation des Eglises et de l’Etat et neutralité de l’autorité publique), on documente la manière dont la dernière – la neutralité – a non seulement pris le dessus sur les deux autres mais encore, a été transformée – et vise désormais de plus en plus les personnes visées. On interroge alors l’impact de ces évolutions sur le principe de liberté (et notamment, de liberté religieuse et d’expression) et sur le principe d’égalité (au regard, notamment, de l’impact discriminatoire de certains usages contemporains de la laïcité). Plus avant, on revient sur les expériences récentes de l’état d’urgence pour illustrer la manière dont elles ont favorisé ce tournant injonctif de la laïcité.

Publications récentes

  • Stéphanie Hennette-Vauchez, La démocratie en état d’urgence; Quand l’exception devient permanente, Seuil, 2022.
  • Laïcité, Anamosa, 2023.
  • Stéphanie Hennette-Vauchez, L’école et la république: la nouvelle laïcité scolaire, 2023.
  • Stéphanie Hennette-Vauchez et Antoine Vauchez, Des juges bien trop sages. Qui protège encore nos libertés?, Seuil, 2025.

Agrégé de sciences sociales et docteur en science politique. Professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges de 1988 à 2014. Depuis 2008, chercheur associé au Cevipof (Sciences Po).

Thématiques de recherche : cosmopolitisme, justice sociale, laïcité, libéralisme politique, antiracisme, universalisme et wokisme/antiwokisme.

Interventions régulières dans la presse (Le Monde et Libération surtout). Auteur pour AOC, En attendant Nadeau, Laviedesidees.fr, Nonfiction.fr, The Conversation, membre du comité de rédaction de Raison présente.

Conseiller de la direction de la Revue du Mauss.

Présentation de l’intervention

Comment défendre une laïcité émancipatrice face à ses détournements contemporains ?
De principe autorisant la coexistence des libertés, la laïcité est devenue une valeur, laquelle serait étrangère à ceux dont religion et culture ne permettraient pas d’en comprendre l’exigence. La laïcité semble être avant tout aujourd’hui un puissant moyen d’unification des conduites.

Tout indique, à en juger par les comportements des acteurs, qu’il convient de s’inquiéter d’une puissante montée de l’intolérance par rapport à l’expression de la différence. Quels que soient les oripeaux dont elle se pare, notamment la nécessité de renforcer la cohésion nationale, l’intolérance des « entrepreneurs de morale » est un puissant marqueur de l’évolution de l’opinion.

L’évolution de la laïcité vers une conception contraignante, voire sécuritaire, est congruente avec le fait qu’un parti d’extrême droite, dont le programme repose sur le refus de la différence, est désormais la formation qui compte le plus de députés à l’Assemblée. Pour le Rassemblement national (RN), l’étranger est supposé dénaturer nos paysages familiers, transformer nos moeurs, remettre en cause notre homogénéité fantasmée. Le national-populisme de l’extrême droite a pour revendication première de priver de droits ceux qui, par leur origine ou leur confession, sont censés menacer l’intégrité de la nation.

A travers la querelle de la laïcité, on prend conscience du rôle que joue sa transformation en valeur identitaire : essentialiser les différences collectives et les ériger en obstacles à la perception de notre destin commun.

Comment faire pour redonner à la laïcité sa portée émancipatrice ? Elle doit obéir à trois principes : ceux de raison publique, d’égalité civique et de liberté personnelle. La raison publique signifie que les représentants de l’Etat sont tenus d’invoquer des raisons accessibles pour justifier les lois. L’égalité civique est le critère qui, plus qu’aucun autre, révèle l’éventuel mépris à l’égard de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la religion majoritaire et qui, lorsque l’Etat la valorise publiquement, se trouvent exclus de l’identité civique. La liberté personnelle fait classiquement référence à l’interdiction pour l’Etat d’imposer une éthique substantielle à ses citoyens.

Ces principes ont en adéquation avec l’esprit des Lumières, défini comme la capacité de se rapporter à ses convictions sur le mode réflexif, c’est-à-dire « penser en se mettant à la place de tout autre ». Sont-ils respectés par le « républicanisme à la française » ? Les doutes à ce sujet se nourrissent du fait que la proclamation de l’égalité dans le cadre de l’indifférence à la différence ne suffit pas à empêcher l’inégalité de traitement. Dès lors, le droit à être traité comme un égal apparaît comme le fondement d’une politique éloignée de tout exaltation identitaire, tout en accordant à la différence l’attention qu’elle requiert dès l’instant où elle apparaît comme une composante de la dignité.

Publications récentes

  • Alain Policar, Laïcité : le grand malentendu, Flammarion, à paraître, octobre 2025.
  • Alain Policar, Le wokisme n’existe pas. La fabrication d’un mythe, Le Bord de l’eau, coll. Interventions dirigée par Vincent Peillon, 2024.
  • Alain Policar, « De la coexistence des libertés à l’unification des conduites », Arguments, no 28, septembre 2024
  • Alain Policar, « Pour que la “laïcité à la française” soit mieux acceptée, il faudrait examiner ce que la laïcité exige », Le Monde, 15 mars 2024.
  • Alain Policar, « La loi de 2004 est-elle une bonne loi ? », Cahiers rationalistes, no 686, septembre-octobre 2023.
  • Alain Policar, Le multiculturalisme en procès (dialogue avec Isabelle Barbéris), Mialet-Barrault, 2023.
  • Alain Policar, L’universalisme en débat(s) (dir. avec Stéphane Dufoix), Le Bord de l’eau, 2023.
  • Alain Policar, Haine de l’antiracisme. Dialogue avec Régis Meyran, Textuel, 2023.
  • Alain Policar, « Laïcité et tolérance », in Paul Devin (dir.), La laïcité à l’école. Un apaisement nécessaire, Paris, Editions de l’Atelier, 2021.
  • Alain Policar, « En prétendant combattre l’obscurantisme, on fait de la laïcité une arme contre la religion », Le Monde, 21-9-2019
  • Alain Policar, « La laïcité travestie ou les infortunes de l’identité », AOC, 20-8-2018*« Pacification ou émancipation ? Comment réconcilier les deux laïcités », The Conversation, 11-12-2017
  • Alain Policar, « La laïcité dévoyée ou l’identité comme principe d’exclusion. Un point de vue cosmopolitique », Revue du Mauss, no 49, premier semestre 2017, p. 179-194151.htm
  • Alain Policar, « Laïcité : en finir avec les simplifications », Libération, 24-2-2016.

Hélène Bâ est une juriste de 24 ans, spécialisée en droit international et droits humains. Pratiquant le basket-ball depuis ses cinq ans, elle est privée de compétitions depuis décembre 2022, lorsque la Fédération française de basket-ball (FFBB) adopte un nouvel article 9.3, interdisant « le port de tout équipement à connotation religieuse ou politique est strictement interdit à l’ensemble des joueurs et acteurs de la rencontre ». En 2023, elle co-fonde le Collectif Basket pour toutes qui lutte contre l’islamophobie dans le sport et pour un sport plus inclusif, avec Timothée Gauthiérot et Haïfa Tlili.

Présentation de l’intervention

En France, les religions monothéistes sont perçues par certain-e-s comme étant essentiellement anti-féministes. Le voile, foulard ou hijab cristallise tous les préjugés, peurs et fantasmes autour de la femme musulmane, opprimée, soumise et dangereuse pour l’ordre républicain.

C’est la sociologue Jasmine Zine qui théorise la première le concept d’ « islamophobie genrée », selon lequel les femmes musulmanes sont victimes d’une forme particulière de discrimination reposant sur des stéréotypes de genre et de race1. Les hommes musulmans sont dépeints comme violents et oppressifs tandis que les femmes musulmanes leur seraient soumises. Le voile serait d’ailleurs le marqueur de cette inégalité et de cette soumission puisqu’il serait imposé par l’homme à la femme pour la soustraire au regard de l’autre, la contrôler et, finalement, l’effacer. Il deviendrait donc la responsabilité de l’Occident de sauver les femmes musulmanes du joug de leurs maris, pères, frères ou autre figure masculine.

Les régimes autoritaires en place en Iran et en Afghanistan centralisent les peurs d’une certaine partie de l’Occident, qui craint de voir « ses » filles et femmes « voilées ». La marque du féminisme et du soutien aux femmes opprimées, contraintes à des normes vestimentaires strictes serait alors pour les femmes françaises d’ôter leur voile.
Parallèlement, les femmes musulmanes, notamment lorsqu’elles sont visibles, sont perçues comme des dangers pour la République et ses valeurs, ce que la sociologue Hanane Karimi désigne comme les « ennemies de l’intérieur2 ».
Pourtant, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) parvient à une conclusion claire : « Les personnes les plus hostiles à l’islam […] sont plutôt moins attachées au principe de laïcité, moins enclines à défendre les droits des femmes à s’habiller comme elles l’entendent, plus portées à réduire le rôle des femmes à faire des enfants et les élever, et à condamner l’homosexualité.3 »

En se penchant sur les chiffres et les faits, une autre réalité émerge. Les femmes sont les premières victimes de l’islamophobie4. Un musulman.e sur deux redoutent d’être agressé.e à cause de sa religion en France et 66% des femmes qui portent le voile5. 73% des hommes musulmans ont un travail rémunéré contre 53% des femmes6. Les femmes musulmanes qui portent un vêtement religieux sont elles aussi moins susceptibles d’avoir un emploi : 46% contre 61%. Les chances d’obtenir un entretien d’embauche pour une femme musulmane qui porte un vêtement religieux en France sont proches de zéro7. Durant la polémique entourant le port de la « abaya » dans les collèges et lycées, des jeunes filles et femmes ont été sommées d’ôter un vêtement si elles souhaitaient avoir accès à l’éducation, sans que personne n’envisage cette violence comme une violence de genre.
La défense des droits faisant partie de la lutte historique des mouvements féministes ne semblent pas concerner les femmes musulmanes. Quand les mouvements féministes traitent de la question, c’est le droit à disposer de son corps qui est mis en avant, à juste titre. Pourtant, la liberté de pensée, de conscience et de religion est une liberté fondamentale comme une autre qui doit être protégée en tant que telle. Ce n’est donc pas (qu’) au nom de la lutte féministe que les droits des femmes exprimant une identité religieuse doivent être défendus, mais en celui de la lutte pour la protection des droits humains. Autrement, on risquerait de les amoindrir.

1. Zine Jasmine, « Unveiled Sentiments: Gendered Islamophobia and Experiences of Veiling among Muslim Girls
in a Canadian Islamic School », Equity & Excellence in Education, 39(3), 239–252, 2006.
2. Karimi Hanane, Les Femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ?, Hors d’atteinte, Paris, 2023.
3. CNCDH, Rapport annuel, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, 2023, p.277. URL : https://www.cncdh.fr/sites/default/files/2024-06/CNCDH_Rapport_Racisme_2023.pdf
4. CCIE, Rapport annuel sur l’année 2024, p.11. URL : https://ccieurope.org/rapport2024/
5. Kraus François et Lasserre Hugo, Observatoire des discriminations envers les musulmans de France, IFOP
pour la Grande mosquée de Paris, 15 septembre 2025, p.28. URL :
https://www.ifop.com/article/observatoire-des-discriminations-envers-les-musulmans-de-france/
6. European Agency for fundamental rights, Being Muslim in the EU, Experiences of Muslims, 2024. URL :
https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2024-being-muslim-in-the-eu_en.pdf
7. Tisserant Pascal, Bourguignon David et Bourhis RIchard, « Port du voile et discrimination à l’embauche : résultats d’un testing sur CV. » La fabrique des discriminations : acteurs et processus, ARDIS, Alliance de recherche sur les discriminations, Nov 2014, Marne-la-Vallée, France. Anne Denis, Rapport d’étude n° 24-04 Discrimination à l’embauche des femmes voilées en France : un test sur l’accès à l’apprentissage, Ondes, 2024. URL

Imam, prêcheur du vendredi à la Mosquée de la fraternité – Strasbourg Meinau.

En 1987, Saliou Faye a obtenu une maîtrise en Sharia (jurisprudence islamique) à l’université islamique de Médine, en Arabie Saoudite. Quatre ans plus tard, en 1991, il a complété un DEA en LLCE (langue, littérature et civilisation étrangères, mention arabe) à l’université de Strasbourg. En 2004, il a validé le BEATEP (Brevet d’Etat d’animateur technicien de l’éducation populaire et de la jeunesse) à l’issue d’une formation suivie aux Céméa Alsace. En 2015, il a obtenu un Diplôme universitaire (DU) intitulé « Droit, société et pluralité des religions » à la faculté de droit de Strasbourg.

En 2016, il a été nommé Chevalier de l’Ordre national du mérite. Enfin, en 2018, il a obtenu le titre RNCP d’Expert en économie solidaire, délivré par la faculté de théologie protestante de Strasbourg.

Depuis 2004 jusqu’en 2018, il a exercé en tant qu’imam et éducateur au sein de l’association Eveil Meinau, où il était responsable d’un projet d’éducation à la citoyenneté. Dans ce cadre, il a animé chaque année des programmes autour de valeurs citoyennes, en partenariat avec les associations locales, les forces vives du quartier, les travailleurs sociaux et d’autres professionnels issus de structures telles que le Centre socioculturel, la Pam, JEEP, les Maisons des potes, l’Oriv (Observatoire régional d’intégration et de ville), Maison des jeunes citoyens, Centre international aux droits de l’Homme (CIDH) à Sélestat, la ville de Strasbourg et la préfecture.

Au fil des années, il a abordé des thématiques variées telles que les droits et devoirs du citoyen, l’éducation à la loi, la lutte contre les discriminations, le respect de l’environnement, la solidarité et l’échange interculturel, l’engagement politique et social des jeunes, l’éco-citoyenneté ainsi que la citoyenneté européenne.
Dans le cadre de la promotion de la solidarité active, il a initié la Journée de la citoyenneté, un événement annuel visant à valoriser l’ensemble des actions menées durant l’année. Depuis 2008, il organise également, en partenariat avec l’EFS, une collecte de sang annuelle. Il a également mis en place des collectes alimentaires au profit des personnes démunies, des étudiants et des femmes isolées dans des centres municipaux.

Ces dernières années, il a collaboré avec des professionnels des thématiques autour du développement de l’esprit critique chez les jeunes, la prévention de la radicalisation et le renforcement de l’esprit critique avec Joëlle Bordet dans le cadre de son projet de recherche-intervention intitulé « Renforcement de l’esprit critique chez les jeunes des quartiers populaires ».

L’engagement de Saliou Faye continue à s’étendre à des actions de sensibilisation et de formation, toujours dans le but de promouvoir les valeurs citoyennes et l’esprit critique au sein des jeunes des quartiers populaires.

  • Patrice Leclerc, né le 26 décembre 1963 à Suresnes (Hauts-de-Seine).
  • Maire de Gennevilliers depuis 2014.
  • Président de l’Unef (Solidarité étudiante) en 1986.
  • Attaché parlementaire de Jacques Brunhes de 1987 à 1989.
  • Adjoint au maire de Gennevilliers de 1989 à 1995.
  • Premier secrétaire de la fédération des Hauts-de-Seine du PCF de 1998 à 2003.
  • Conseiller départemental des Hauts-de-Seine de 2001 à 2015.
  • Cofondateur de l’Université populaire des Hauts-de-Seine en 2004.
  • Journaliste à ccas.fr
  • Rédacteur en chef du Journal des activités sociales de l’énergie (ccaslnfo).
  • Responsable du pôle communication des activités sociales de l’énergie de 2004 à 2013.
  • Créateur de la Photothèque du mouvement social, www.photothegue.org en 2005.
  • Co-fondateur des Amap de Gennevilliers et de Consom’acteurs en 2005.
  • Membre du PCF de 1979 à 2007 et depuis 2013.
  • Apiculteur amateur depuis 2017.
  • Conseiller métropolitain et président du groupe Front de Gauche et citoyen-ne-s de la Métropole du Grand Paris.
  • Vice-président de l’AMIF.
  • Président du territoire Boucle Nord de Seine.

 

Présentation de l’intervention

Contexte et introduction

L’intervenant, maire de Gennevilliers, ancre son propos sur la laïcité dans un regard assumé et personnel, nourri par son expérience dans une ville populaire où la présence religieuse est forte.

Pratique locale de la laïcité

Gennevilliers se caractérise par une population majoritairement issue de l’immigration et une pluralité religieuse (mosquées, églises, synagogue…). Le discours souligne la volonté municipale d’appliquer une laïcité fidèle à l’esprit de la loi de 1905 : protection des croyants comme des non-croyants, égalité de traitement, refus de toute stigmatisation, engagement contre l’islamophobie, l’antisémitisme et le prosélytisme. Les salles municipales sont ouvertes à toutes les opinions, à l’exception de celles qui incitent à la haine.

Les limites et le dialogue

Le texte explique que l’application de la laïcité est complexe : l’expérimentation locale amène à un dialogue permanent face aux tensions sociales, qu’il s’agisse du port du voile, des menus scolaires ou de l’éducation sexuelle. L’importance d’un respect véritable et pratiqué est affirmée comme préalable à des échanges constructifs. Face au contexte national et international, marqué par la montée de l’islamophobie et des discours de « guerre des civilisations », le maire rappelle le choix de gestes symboliques et concrets : carré musulman au cimetière, soutien à la construction de la mosquée, organisation de rassemblements interconfessionnels après les attentats. La parole religieuse n’est pas mise systématiquement en avant lors d’événements municipaux ; la solidarité, l’éducation populaire et l’esprit critique sont privilégiés comme fondements du vivre-ensemble.

Politique, neutralité et actions concrètes

La neutralité des services publics demeure une question pour les agents municipaux, afin de garantir la confiance citoyenne. Des rappels au règlement, parfois nécessaires, sont effectués dans le respect du cadre légal et avec pédagogie, malgré des tensions récurrentes sur le sujet. Parallèlement, la municipalité propose des menus scolaires diversifiés et végétariens, allant au-delà des obligations légales pour garantir la liberté des enfants et répondre à des enjeux écologiques.

Conclusion et perspectives

Patrice Leclerc conclut sur la difficulté croissante du rôle de maire face à la politisation de la laïcité et à la montée des expressions politiques autour de la guerre des civilisations. Il plaide pour une fraternité authentique, une véritable altérité et le développement de débats politiques constructifs et respectueux. La laïcité locale, selon lui, ne consiste pas à combattre les religions mais à proposer un espace citoyen qui donne du sens à la vie commune, à travers des actions solidaires, éducatives et la participation de tous à la construction du bien commun.

Publication récente

  • Patrice Leclerc, Inventons un nouvel art de vivre populaire, Editions Arcane 17, 2022.

Sociologue, directeur de recherche au CNRS, CERAPS/université de Lille

Bibliographie

  • Julien Talpin, La colère des quartiers populaires (Puf, 2024).
  • Julien Talpin, La France tu l’aimes mais tu la quittes. Enquête sur la diaspora française musulmane (Seuil, 2024).
  • Julien Talpin, L’épreuve de la discrimination. Enquête dans les quartiers populaires (Puf, 2021).

Les demandes d’intervention des sections de la LDH ainsi que les travaux de recherche en sciences humaines montrent qu’avec le même corpus de lois et de réglementations, l’usage et les significations politiques des rapports à la laïcité sont très différents selon les villes et les quartiers populaires selon leur projet politique, leur histoire et leur implantation géographique. Le groupe de travail « Laïcité » de la LDH a exploré l’hypothèse d’une laïcité comme défense de liberté de conscience en faisant des visites sur des sites significatifs. Force a été de constater que la laïcité n’est pas toujours vécue sur ce fondement. Le constat d’une neutralité devenue neutralisation, voire stigmatisation, a pu être fait.

Ce qui nous a conduits souvent à plaider une laïcité de liberté et à rencontrer des professionnel-le-s soucieux des difficultés à mettre en œuvre la laïcité.

Dans cette table ronde, nous invitons des interlocuteurs des sites où nous nous sommes rendus qui, à la fois se confrontent aux évolutions actuelles mais qui aussi ouvrent des perspectives d’ouverture par rapport, aux religions, à la liberté de conscience .

Ainsi les sites de Gennevilliers représenté par Patrice Leclerc, le maire de la ville, le quartier de la Meinau représenté par Saliou Faye, imam du quartier, le site de Garges-les-Gonesse représenté par Wajdi Limam, ancien responsable de la politique de la ville, aujourd’hui responsable des enseignements de la formation de travailleurs sociaux à l’Arif Céméa, et Roubaix représenté par Julien Talpin, chercheur en sciences politiques, et très bons connaisseurs des quartiers populaires en lutte.

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