30e Université d’automne : être jeune aujourd’hui

Samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre 2024, au Centre des colloques du Campus Condorcet

place du Front Populaire 93300 Aubervilliers (métro Front Populaire – ligne 12 – sortie 2)

➤ L’entrée est gratuite pour les moins de 25 ans et les étudiant-e-s.

➤ Une participation libre est demandée (minimum conseillé de 15€ pour les 2 jours) pour les autres participant-e-s.

Possibilité de s’inscrire sur place !

La place des jeunes constitue un sujet de société central qui renvoie aux problématiques des droits de manière transversale, avec une question cruciale : quelle société veut-on offrir aux jeunes, à tous les jeunes ? Cela à un moment où beaucoup d’entre eux sont confrontés à de nombreuses difficultés (insertion, précarité…), où la crise sanitaire a renforcé l’interdépendance avec les familles et où les politiques publiques à leur égard sont loin d’être à la hauteur de leurs besoins et de leurs aspirations. On assiste même de la part de divers politiques – ou du moins de certains d’entre eux – à tout un discours les stigmatisant, entretenant une forme de peur à leur égard, les disqualifiant, demandant plus « d’autorité » vis à vis d’eux et promouvant des approches punitives, y compris envers leurs familles. Ajoutons à cela qu’au-delà même des discours, un certain nombre de mesures prises par les pouvoirs publics ne font qu’aggraver les inégalités (sociales, territoriales…) qui frappent les jeunes en maltraitant toujours davantage les plus fragiles. L’ambition de cette université d’automne est donc d’apporter des éclairages variés sur cet ensemble de questions, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité, mais aussi de réfléchir à des propositions pour que tous les jeunes puissent bénéficier de l’effectivité de leurs droits et être pleinement acteurs de notre société et de notre avenir commun.

Il s’agira de croiser la parole de spécialistes avec celle de jeunes eux-mêmes sous des formes variées : participation de représentants d’organisations de jeunes à des tables rondes comme prises de parole organisées de jeunes issus de milieux différents.

Samedi 30 novembre

9h30

Ouverture par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Présentation de l’UA

10h-12h30

Table ronde 1 : Qu’est-ce qu’être jeune aujourd’hui ?

Animation : Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH

Avec : Achille Arménio, étudiant en science politique, membre du bureau du Forum de la jeunesse landaise ; Florian Houssier, psychologue clinicien, psychanalyste et président du collège international de l’adolescence (Cila) ; Anja Durovic, politiste, post-doctorante au CNRS

Débat avec la salle

12h30-14h

Pause

14h-16h

Table ronde 2 : L’ascenseur social fonctionne-t-il ?

Animation : Hadrien Maury-Casalta, membre du Comité national LDH

Ecole (primaire et secondaire) : Laurence De Cock, professeure agrégée en lycée à Paris, chercheuse et militante pédagogique

Enseignement supérieur : Julien Gossa, maître de conférences à l’université de Strasbourg, laboratoire Sage

Précarité étudiante : Emmanuelle Jourdan-Chartier, vice-présidente « Vie étudiante et de Campus » de l’université de Lille et membre du secrétariat général de la LDH

Débat avec la salle

16h-16h30

Pause

16h30-18h30

Table ronde 3 : Quelles protections ? Quelle autonomie pour les jeunes ?

Animation : Martine Cocquet, coresponsable du groupe de travail LDH « Education, jeunesse et droits de l’enfant »

L’emploi et le travail des jeunes : Florence Ihaddadene, sociologue, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules Verne

Le logement : Evanne Jeanne-Rose, vice-président de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ) et membre du Groupe des organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse (OEMJ) au Cese

L’ASE : Rania Kissi, juriste, militante des droits de l’enfant

L’allocation d’autonomie, le statut d’étudiant-e : Hania Hamidi, secrétaire générale de l’Unef

Débat avec la salle

19h

Buffet convivial

Venez échanger avec les intervenantes et intervenants et les membres de la LDH lors d’un moment convivial sur inscription. 

Dimanche 1er décembre

9h-10h30

Table ronde 4 : Sois jeune et tais-toi !

Animation : Nicolas Bourbon, membre du Comité national de la LDH

Cette table ronde abordera sous différents angles les politiques et les pratiques en direction des jeunes et la vision de la jeunesse qui en découle.

Evolution des politiques de jeunesse : Jean-Claude Richez, historien, spécialiste de l’éducation populaire et des politiques de la jeunesse

La justice des mineurs : Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et vice-présidente de la LDH 

Les jeunes des quartiers et leur criminalisation : les amendes forfaitaires contraventionnelles : Théophile Barbu, membre de la section LDH Paris 12 et écrivain public au centre social Relais 59 Paris 12

Débat avec la salle

10h30-10h45

Pause

Séquence : « Jeunes, territoires, mobilités »

Animation : Gérard Aschieri, rédacteur en chef de la revue LDH Droits et libertés

10h45-11h05

Paroles de jeunes

11h05-12h45

Table ronde 5 : Jeunesses rurales, jeunesses urbaines. Comment le territoire influe sur le rapport à la formation, à l’emploi, à l’engagement, à la famille, aux autres…

Avec : Joëlle Bordet, chercheuse psychosociologue, membre du Comité national de la LDH ; Yanis Zerguit, porte-parole de l’Unef  RS ; Clotilde Garnier, secrétaire nationale du MRJC en charge de l’axe « Jeunesses »

Débat avec la salle

Séquence : Quelles valeurs pour les jeunes ? Ou la construction du politique

Animation : Nathalie Tehio, présidente de la LDH

14h15-14h35

Paroles de jeunes

14h35-16h30

Table-ronde 6 : laïcité, engagement, rapport à la politique, rapport aux institutions, à l’environnement, à l’information et aux réseaux sociaux… : constats et propositions

Avec : Ulysse Rabaté, enseignant-chercheur à l’université Rennes 1 ; Kenza Occansey, vice-président du Cese ; Eloïse Lefebvre-Milon, co-secrétaire nationale de l’Union étudiante ; René Monzat, journaliste, coresponsable du groupe de travail LDH « Lutte contre les extrêmes droites » ; Aminata Dembélé, autrice, experte en mobilisation citoyenne et ancienne directrice France-Italie-Espagne-Russie de Change.org

Débat avec la salle

16h30

Conclusion par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Description des intervenant-e-s

Etudiant en 2e année au collège universitaire de Sciences Po Paris, membre du bureau du YOU-F Festival organisé par le Forum de la jeunesse landaise (FJL) depuis 2022. Le FJL est une association qui promeut l’engagement des jeunes dans les Landes et qui organise des événements pour les jeunes landais. Nous organisons le Concours d’éloquence landais depuis 2021, et le YOU-F Festival depuis 2019. Le YOU-F Festival est un festival de musique et de débat, qui rassemble les lycéens landais avec des intervenants locaux et nationaux afin d’échanger des sujets qui concernent les jeunes. 

Présentation de l’intervention

Pour moi, être jeune aujourd’hui, et plus encore jeune en milieu rural, signifie évoluer dans un champ des possibles très restreint. Notre environnement nous pousse à entrer dans une routine qui limite notre engagement, nos opportunités, et nous conduit souvent à reproduire des schémas de destinée sociale traditionnels. 

Le Forum de la Jeunesse Landaise est un exemple concret de centralisation des dynamiques associatives locales dans les Landes. Cette association a pour vocation de mettre en relation tous les acteurs du territoire afin de permettre à la jeunesse landaise de s’exprimer pleinement. Nos trois maîtres-mots sont Oser, Rêver, S’entraider. En effet, les jeunes ruraux manquent souvent d’espaces pour s’exprimer, ce qui freine leur ouverture sur le monde. 

L’association est née d’un constat : malgré une vie associative locale riche (notamment autour de la musique et du sport), les perspectives offertes aux jeunes landais restent limitées. Nous avons ressenti la nécessité de créer une structure pour nous rassembler, nous exprimer et échanger autour de nos craintes, nos passions, nos réussites, et nos projets. 

Pour cela, nous avons lancé plusieurs initiatives visant à réunir les jeunes qui construiront le territoire de demain. Le YOU-F Festival, dont la première édition a eu lieu en 2019, est un événement de deux jours mêlant musique et débats. Chaque année, un thème est choisi, et des échanges sont organisés avec des acteurs locaux et nationaux : lycéens, personnalités politiques, associations, ou encore entreprises. 

Depuis quatre ans, nous organisons également le Concours d’éloquence landais (CEL), qui offre aux jeunes l’opportunité de s’exprimer devant un large public. Pour nous, s’engager commence par oser prendre la parole. 

En 2024, nous avons lancé l’Observatoire de la jeunesse landaise, qui nous a permis de mieux comprendre les attentes et besoins des jeunes. Cette initiative a révélé une véritable fracture entre ce que souhaitent les jeunes et ce qu’on leur propose. Bien que beaucoup aient envie de s’investir dans la vie locale, ils la connaissent peu ou mal et expriment le besoin d’être accompagnés dans leurs démarches. 

Dire que les jeunes ne veulent pas s’engager est une erreur. Il est nécessaire de définir une direction claire pour qu’ils puissent se projeter et trouver leur place dans leur environnement. S’engager n’est pas l’affaire de quelques-uns, mais bien celle de tous.

Florian Houssier est psychologue clinicien, psychanalyste, président du Collège international de l’adolescence (CILA), directeur de la collection « Expériences psychanalytiques » aux éditions Ithaque, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, directeur de l’Unité transversale de recherches : psychogenèse et psychopathologie (UTRPP – UR 4403), Villetaneuse, université Paris 13 – université Sorbonne Paris Nord.    

Présentation de l’intervention

Le confinement lié au Coronavirus a provoqué chez de nombreux adolescents un sentiment de régression, des angoisses, voire de l’anorexie, des pics dépressifs entre autres affections psychiques. Le rapprochement avec les membres de la famille vient convoquer un sentiment de rapproché avec les figures de l’Œdipe pubertaire d’autant plus difficile à élaborer que les pairs et le monde extérieur, qui font tiers et ouvrent sur l’investissement d’objets non incestueux et sur une pluralité de modèles identificatoires, apparaissent pendant le confinement comme une illusion sans temporalité définie. Dans ce contexte, nous explorons les enjeux d’une parentalité mobilisant des positions d’emprise parentale attaquant la pleine reconnaissance du changement pubertaire de son enfant, positions accentuées voire précipitées par la situation covidienne.

Bibliographie 

Houssier, F., Marty, F., (sous la direction de), August Aichhorn : cliniques de la délinquance, Collection Recherches : Les troubles de l’enfance et de l’adolescence, Champ Social Éditions, Diffusion Les Belles Lettres, Nîmes, Octobre 2007, 245p.

Marty, F., Houssier, F. (sous la direction de), Éduquer l’adolescent ? Pour une pédagogie psychanalytique, Collection Recherches : Les troubles de l’enfance et de l’adolescence, Champ Social Éditions, Diffusion Les Belles Lettres, Nîmes, Décembre 2007, 260 p.

Houssier, F., L’école d’Anna Freud. Créativité et controverses, Paris, Éditions Campagne Première, 2010, 304 pages.

Pechberty, B., Houssier, F., Chaussecourte, P. (sous la direction de), Existe-t-il une éducation suffisamment bonne ?, Paris, In Press, 2013, 177 p.

Houssier, F. (sous la direction de), Violences dans les liens familiaux, Collection Ouvertures Psy, Paris, In Press, 2014, 171 p.

Houssier, F. (sous la direction), Le sport à l’adolescence. Entre violence et sublimation, Collection Ouvertures Psy, Paris, In Press, 2017, 152 p

Houssier, F., Freud adolescent, Paris, Campagne-Première, 2018, 206 p.

Houssier F., Freud étudiant, Paris, Campagne-Première, 2019.

Christaki A., Houssier F. (dir.), L’inquiétante étrangeté. De la clinique à la créativité, Paris, In Press, 2020, 164 p.

Houssier F. (dir.), La cure psychanalytique de l’adolescent et ses dispositifs thérapeutiques, Paris, In Press, Mai 2021, 191 p.

 Houssier F., Mazéas D. (dir.), Se séparer, devenir sujet, Paris, In Press, Novembre 2022, 156 p.

Houssier F. (dir.), L’anamorphose adolescente. A partir des travaux de François Marty, Paris, Editions Hermann, septembre 2023, 204 p.

Givre P., Houssier F. (dir.), Vocabulaire psychanalytique des processus adolescents, Paris, In Press, janvier 2024, 327 p.

Houssier F., Ikiz S. (dir.), Être parent d’adolescent, Paris, In Press, 2025, à paraitre.

Givre P., Houssier F. (dir.), Vocabulaire psychanalytique de la clinique adolescente, Paris, In Press, 2025, à paraître.

Fonction : politiste, post-doctorante au CNRS

Anja Durovic est actuellement chercheuse postdoctorale au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) et au laboratoire PRINTEMPS (université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/université Paris-Saclay). Elle est également chercheuse associée au Centre Emile Durkheim (CED), au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE) de Sciences Po ainsi qu’au laboratoire SAGE de l’université de Strasbourg.

Les recherches d’Anja Durovic se situent à l’intersection des domaines suivants : comportements politiques, genre et politique, représentation politique et sociologie électorale. Plus précisément, ses travaux s’intéressent aux inégalités de genre et de génération dans les attitudes et comportements politiques, à la représentation politique ainsi qu’à l’usage des enquêtes d’opinion par les élites politiques, tout en adoptant souvent une perspective comparative. Ses recherches ont été publiées dans des revues scientifiques telles que l’European Journal of Political Research, West European Politics, French Politics et la Revue française de science politique.

Anja Durovic a enseigné des cours de science politique, de politique comparée, de genre et politique, de sociologie des âges de la vie ainsi que des cours de méthodologie quantitative et qualitative à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Sciences Po Paris et Sciences Po Bordeaux.

Présentation de l’intervention

La jeunesse française a connu de profondes mutations : l’allongement de la durée de la formation, la précarisation de l’entrée dans la vie active, les difficultés toujours plus grandes d’accéder à un logement, etc. L’apprentissage et la prise d’autonomie semblent ainsi se faire de manière de plus en plus heurtée.

Loin de la vision parfois tronquée proposée par les médias, l’ouvrage Jeunesses françaises contemporaines réunit de manière synthétique l’ensemble des savoirs solides sur les jeunesses françaises contemporaines sur une dizaine de thématiques (définitions de la jeunesse, éducation, santé mentale, insertion sociale et professionnelle, inégalités sociales et discriminations, les jeunesses dans les différents territoires français, violences et vulnérabilités sociales, les outils du numérique, représentations, engagements et participation à la vie de la cité). Il représente ainsi un état de l’art multidisciplinaire et comparatif basé, en grande partie, sur les contributions de 35 chercheuses et chercheurs de différentes disciplines des sciences sociales et humaines (démographie, économie, histoire, philosophie, psychologie, sciences de l’éducation, science politique et sociologie).

Dans cette radiographie, les jeunes apparaissent comme très négativement impactés par les crises dans les grands domaines de la vie sociale, avec des conséquences majeures en termes de santé mentale. Période à risque, la jeunesse est au cœur d’inégalités criantes, entre les jeunes eux-mêmes (dont la trajectoire dépend fortement des ressources de la famille), et entre les jeunes et les autres âges de la vie.
Les profondes transformations des systèmes d’éducation et sociaux n’ont pas permis de résorber le poids des inégalités, souvent plus important en France que dans d’autres pays européens. Cette situation nourrit aujourd’hui chez les jeunes un élan de mobilisations sociales et une envie de participer à la société, y compris par des modes opératoires contestataires.

Dans cette intervention, nous allons d’abord rapidement revenir sur la genèse de cet ouvrage, avant de discuter les raisons pour lesquelles il est difficile de définir les jeunes d’aujourd’hui. Ensuite, nous présenterons quelques résultats clés de cet ouvrage qui nous permettront non seulement de déconstruire certaines idées reçues, mais également de mettre en évidence en quoi certaines évolutions récentes exacerbent les inégalités entre les jeunes. 

Bibliographie

Durovic, Anja, Nicolas Duvoux (dir.) (2024), Jeunesses françaises contemporaines, Paris, CNRS Éditions, p. 247.

Durovic, Anja, Camille Peugny, Vincent Tiberj (2024), « Construire un dispositif d’étude et de mesure des attitudes et des inégalités au sein des nouvelles générations : le SOSI DEMAIN », CNRS Sciences humaines & sociales – la lettre, octobre 2024.

Durovic, Anja (2023), « Des avancées paradoxales. Inégalités générationnelles et de genre dans la participation politique en France (1981-2018) », Revue française de science politique, 73(1), p.7-39.

Durovic, Anja (2017), « A longitudinal analysis of gendered patterns in political action in France: a generational story? », French Politics 15(4), p. 418-442.

Fonction : maître de conférences à l’université de Strasbourg, laboratoire SAGE

Julien Gossa est un universitaire, spécialiste des politiques publiques de l’enseignement supérieur. Enseignant-chercheur en informatique à l’université de Strasbourg, il est surtout connu pour ses analyses critiques et ses prises de position sur les réformes de l’éducation. Engagé pour une éducation accessible et inclusive, il partage régulièrement ses perspectives sur les réseaux sociaux et dans les médias, où il analyse les impacts des décisions politiques sur les établissements et les acteurs de l’enseignement supérieur en France. 

Présentation de l’intervention

L’ascenseur social fonctionne-t-il ?

L’enseignement supérieur traverse depuis vingt ans une phase de réforme continue, visant tour à tour la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur (EEES), l’émergence de dix grands établissements de recherche (GUR) visibles à l’international, l’« excellence », l’« autonomie », l’insertion professionnelle et plus récemment la réussite étudiante, puis la sélection (ORE, Parcoursup, MonMaster) et la recherche de « ressources propres » (BienvenueEnFrance et alternance). Enfin, ces dernières années sont surtout caractérisées par un développement rapide et incontrôlé de l’offre de formation privée, massivement subventionnée par de l’argent public, et se partageant entre quelques grands groupes aux ambitions internationales, et une myriade de petites écoles aux ambitions lucratives.

Si elles peuvent apparaître tout azimut, ces transformations se placent en réalité dans la reconstruction d’un enseignement supérieur adapté à la stagnation éducative. Cette stagnation se caractérise par une stratification scolaire de plus en plus figée, où les pouvoirs publics renoncent à définir des objectifs ambitieux d’augmentation du niveau de qualification de la population. 

Dans les années 1950, 5% d’une tranche d’âge obtenait le bac, à l’issu d’une année qui était réellement « Terminale ». L’ascenseur social était alors simple, puisque 95% de la population pouvait espérer que ses enfants pourraient faire des études plus longues, pour accéder à une meilleure place économique et sociale. Ces places étaient d’ailleurs créées en grand nombre par l’évolution de la structure de l’emploi, modifiée par des révolutions industrielles et technologiques. C’est dans ce contexte que sont fixés les objectifs de 80% d’une classe d’âge au bac, et de 50% diplômée du supérieur.

Aujourd’hui, ces objectifs sont atteints, et même dépassés avec environ 55% d’une classe d’âge diplômée du supérieur. L’ascenseur social perd ainsi de son évidence, puisque les espoirs pour les parents de voir leurs enfants suivre des études plus longues qu’eux s’amenuisent. 

En s’appuyant sur des chiffres démographiques et des documents administratifs, cette présentation s’attachera à démontrer que les transformations de l’enseignement supérieur portent en réalité une transformation d’un contrat social historique. Initialement pensé comme « étudier est un moyen accessible à toutes et tous de s’insérer dans la société en maximisant les gains individuels et collectifs », ce contrat social se transforme progressivement en « étudier est un moyen accessible à certains pour maximiser ses gains individuels ». On s’interrogera sur l’adéquation de cette conception idéologique avec l’affrontement des grandes crises que nous traversons, climatique, économique, démocratique et diplomatique.

Bibliographie

Gossa, J. Docs en stock : dans les coulisses de la démocratie universitaire.

Gossa, J. (2023b). L’université à son tournant. Une vue par les données. Esprit, Juillet-Août(7‑8), 41‑52.

Boyer, P., & Gossa, J. (2024). Si Parcoursup m’était compté. Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, 72, Article 72.

Gossa, J., & Harari-Kermadec, H. (2024). Course à l’excellence : Un biais de classe évident, un biais de genre en mouvement. Travail, genre et sociétés, 51(1), 167‑172.

Gossa, J. (2023a). Baromètre de l’ESR 2023.

Gossa, J. (2023c). Tableau de bord de l’ESR – Edition 2021-2022.

Gossa, J., & Figon, F. (2023). L’entrée dans la carrière des enseignants-chercheurs – Edition 2023. CPESR.

Florence Ihaddadene est sociologue, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules Verne. Depuis une thèse sur le déploiement du service civique, elle conduit des recherches sur les dispositifs de politiques publiques à destination des jeunes. Son ouvrage, intitulé Promesses d’embauche, sortira à La Dispute au premier semestre 2025.

Présentation de l’intervention

Des politiques d’insertion aux politiques d’activation, les politiques publiques de la jeunesse sont centrées en grande partie sur l’entrée dans l’emploi. Elles s’appuient sur une forme de promesse faite aux jeunes de pouvoir se distinguer dans la concurrence à l’emploi. Ceci peut se faire notamment par des dispositifs variés : service civique, alternances, stages, engagements bénévoles, contrat d’engagement jeune, etc. Autant de programmes qui mobilisent les jeunes dans des formes (différentes) de travail gratuit ou dévalorisé, qui leur sont adressés inégalement selon leur position sociale et qui portent, en contrepartie, une forme de menace à celles et ceux qui ne joueraient pas le jeu.

Bibliographie

– Revue Salariat, numéro 1, 2022, aux Editions du Croquant.

Collectif du Loriot (dir.), Avoir 20 ans à Sainte-Soline, La Dispute, 2024.

Idées reçues sur le travail. Emploi, activité et organisation, sous la direction de Dujarier Marie-Anne. Le Cavalier Bleu, 2023.

– Maud Simonet, Le Travail gratuit : la nouvelle exploitation, Editeur: Textuel, 2018. 

Fonction : secrétaire générale de l’Unef

Les jeunes depuis plusieurs années sont une catégorie de la population qui fait partie de la catégorie la plus précaire. En effet, la jeunesse est un âge de la vie qui ne touche pas les mêmes droits que les autres. Le RSA par exemple n’est pas ouvert aux jeunes de moins de 25 ans.

Revendication de l’Unef : l’étudiant-e : un-e travailleur-se intellectuel-le

Depuis la Charte de Grenoble (1946), l’étudiant-e est reconnu-e comme un-e travailleur-se intellectuel-le. Pourtant, 76 ans plus tard, la précarité étudiante persiste, aggravée par des politiques néolibérales qui privilégient les intérêts économiques au détriment de la jeunesse en formation. L’Unef défend l’idée que les étudiant-e-s participent à la production de savoirs essentiels au progrès sociétal, et non à la seule création de valeur marchande.

Un statut social pour les étudiant-e-s

Les conditions de vie se dégradent, le salariat étudiant cause des échecs universitaires et la dépendance sociale limite l’émancipation des jeunes.

C’est pour cela que l’Unef veut créer un statut social étudiant garantissant des droits sociaux pour permettre à chaque jeune de vivre et d’étudier dignement.

Accès au logement : une priorité

L’accès à un logement décent est essentiel pour l’émancipation. Aujourd’hui, on a seulement 6% des étudiants qui ont accès à un logement Crous. Or, l’inflation locative pousse les étudiant-e-s à vivre dans des conditions précaires ou dépendant-e-s de leur famille.

L’Unef revendique : des vraies politiques publiques pour la mise en place de logements

Crous : 200 000 logements publics supplémentaires. Une augmentation des APL et un encadrement strict des loyers dans les villes universitaires.

Droit au temps libre et à la culture

Le salariat étudiant qui correspond à un étudiant sur deux confisque le temps libre nécessaire à la pratique d’activités culturelles et sportives, indispensables à une formation intellectuelle critique.

C’est pour cela qu’il faut mettre en place un financement renforcé des services publics comme les Crous et les infrastructures sportives.

Accès à la santé

La suppression du régime étudiant de Sécurité sociale a réduit la couverture sociale et accru le non-recours aux soins. L’Unef revendique : le retour à un régime étudiant dédié, un financement accru des services de santé universitaires (SSU) pour améliorer l’accès aux soins et à la prévention.

Allocation d’autonomie : une revendication historique de l’Unef pour permettre de reconnaître la jeunesse et sortir de façon structurelle les étudiant-e-s de la précarité.

Une allocation financière équivalente au seuil de pauvreté qui garantit l’émancipation économique des étudiant-e-s, indépendamment de la solidarité familiale.

Financement : création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale pour assurer la pérennité de cette mesure.

Pour l’Unef, la reconnaissance de l’étudiant-e comme travailleur-se intellectuel-le passe par un statut social, des droits économiques et sociaux renforcés, et la fin de la précarité.

L’Unef lutte pour une société qui investit dans sa jeunesse comme moteur du développement collectif.

Fonction : magistrate honoraire, vice-présidente de la LDH

Présentation de l’intervention

Comme le soulignait souvent Henri Leclerc, les doléances sur les mauvais comportements de la jeunesse ont vingt-six siècles puisque Platon les déplorait déjà et qu’on lisait sur une inscription sur une poterie de Babylone, datée de 3000 ans avant JC, « cette jeunesse est pourrie depuis le fond du cœur, les jeunes sont malfaisants et paresseux ».

Après la guerre l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante commençait au contraire par une phrase bien éloignée de ces archéopathes d’hier et d’aujourd’hui : « la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tous ceux qui peut en faire des êtres sains ». Elle inscrivait dans la loi un lien intime entre la justice des mineurs qui protège, l’assistance éducative aux enfants en danger, et celle qui sanctionne et répare, la justice pénale de la délinquance des mineurs. Car bien souvent les enfants délinquants sont aussi des enfants en danger.

C’est pourquoi chaque juge des enfants exerce ces deux missions et traite en moyenne 500 dossiers relatifs à l’enfance en danger et 150 dossiers de mineurs délinquants, cela dans des conditions de plus en plus acrobatiques : une tribune des 15 juges des enfants de Bobigny, dans Le Monde du 5 novembre 2018, était titrée : « Nous sommes les juges des mesures fictives« . Ils y signalaient des délais d’un an à un an et demi pour qu’une mesure d’aide prononcée dans le cadre d’une procédure d’enfance en danger soit effectivement prise en charge, alors que l’enfant était victime de violence dans sa famille, était déscolarisé ou se prostituait.

Par ailleurs, les services éducatifs en charge des mineurs délinquants et de la protection de l’enfance sont tous en très grave crise d’effectifs (cf. rapport du Sénat du 21/09/2022 « Prévenir la délinquance des mineurs » et l’avis du Conseil économique social et environnemental du 8 octobre 2024 sur l’aide sociale à l’enfance).

Loin de tenter de résoudre cette situation catastrophique pour les mineurs concernés, les gouvernements successifs n’ont cessé de modifier les lois pénales s’appliquant aux mineurs (29 lois sont intervenues depuis 1945), plutôt que de réarmer ces services en moyens et en effectifs (cf. les grèves récentes des salariés de la PJJ).

Un Code de justice pénale des mineurs est entré en vigueur en 2021, avec d’énormes difficultés d’adaptation pour les tribunaux pour enfants, entraînant des classements sans suite de milliers de procédures qui auraient pourtant justifié une intervention judiciaire.

A la suite des émeutes provoquées par la mort de Nahel à Nanterre lors d’un refus d’obtempérer, Elisabeth Borne voulait suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs délinquants, quelles que soient les conséquences financières pour la famille.

Puis Gabriel Attal, en 2024, après plusieurs crimes commis par des mineurs sur d’autres mineurs, aussi terribles que justifiés par des prétextes dérisoires (Shemséddine à Viry-Châtillon, Mathis à Châteauroux, Philippe à Grande-Synthe.. ), proposait de condamner les parents à un travail d’intérêt général, ce qui se heurte au principe constitutionnel fondamental de la personnalité des peines, de créer pour les 16-18 ans, des comparutions immédiates et de supprimer l’atténuation légale de la peine (appelée à tort « excuse atténuante de minorité »).

A peine nommé, le gouvernement Barnier reprend ces propositions, que le RN pourra voter sans états d’âme, car il s’agit en réalité d’abaisser la majorité pénale à 16 ans.

On assisterait non seulement à une régression sociétale considérable, mais aussi à une violation de l’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide), ratifiée par la France, qui oblige les Etats signataires à prévoir pour les mineurs des mesures pénales privilégiant l’éducatif sur le répressif.

Fonction : membre de la LDH Paris 12, écrivain public au centre social Relais 59 (Paris 12e)

Théophile Barbu est économiste. Adhérent de la LDH, il est écrivain public et administrateur du centre social Relais 59 (Paris 12), membre de la commission vie associative du centre social. Il a animé le collectif Place aux jeunes 12e (2016-2022).

Présentation de l’intervention

Les conséquences dommageables de la verbalisation excessive des jeunes dans les quartiers populaires

Cette intervention a pour objet les amendes forfaitaires contraventionnelles qui sanctionnent des infractions mineures, contrairement à celles délictuelles  qui sanctionnent des infractions plus graves (délits). Dans les deux cas, ces pratiques de verbalisations forfaitaires sont en progression et posent des problèmes à la fois de droits et d’efficacité des politiques de police dans l’espace public.

En 2017, le collectif Place aux jeunes 12e a été alerté par des éducateurs spécialisés sur la situation de verbalisation inédite qu’ils constataient dans leur quartier.

Le Collectif a mis en place une permanence pour contester les contraventions à la demande des jeunes habitants. En parallèle, un échantillon a été constitué, qui a révélé de lourdes dettes d’amendes chez certains jeunes habitants.

1/ La cause des verbalisations dans le 12e est apparue en lien avec la gentrification d’ilots populaires et l’insuffisance des politiques publiques dans le logement social. Les appartements sont souvent trop petits pour la taille des familles qui les occupent, incitant leurs jeunes résidents à se retrouver en bas des immeubles ou sur les places avoisinantes (car s’installer dans les cafés est trop coûteux pour eux). Les nouveaux habitants, plus aisés, sont peu habitués à ces rassemblements et au bruit qu’ils suscitent parfois. Ils appellent la police qui se voit chargée, en verbalisant, de résoudre un problème structurel de mal-logement, d’insuffisance des services d’accompagnement de la jeunesse et de prévention.

2/ La politique de verbalisation – au détriment de la prévention et de mesures de médiation – aggrave les problèmes existants. Les pratiques policières de contrôle au faciès sont souvent dénoncées. Au sentiment de discrimination et d’exaspération ressenti par des jeunes parfois contrôlés plusieurs fois par semaine, s’ajoute alors la hantise de la verbalisation qui peut suivre un contrôle. A tel point que certains jeunes déclarent renoncer à sortir de leur domicile de peur d’être verbalisés.

La menace de la verbalisation attise les tensions qui surviennent durant les contrôles. Enervement du côté des jeunes, qui ont le sentiment d’être harcelés ou punis pour rien. Réaction des forces de l’ordre parfois confrontées à des incivilités. D’où les situations qui dérapent : d’un côté, en outrages à agents ou tentatives de fuite ; de l’autre, en bavures policières.

En principe, la verbalisation et son motif doivent être exposés par l’agent de police. Manifestement, cet exposé n’est pas si clair car, dans les motifs de contestation des amendes, revient souvent la même incompréhension : « le contrôle s’est bien passé, pourtant j’ai reçu des amendes. »

Est-ce pour s’économiser des explications tendues ? Des situations de verbalisation à distance (illégales), par exemple sans que les policiers ne descendent de voiture, sont signalées, avec leur lot d’erreurs sur l’identification des personnes verbalisées.

A noter que la contestation des amendes aboutit rarement car toute la procédure contribue à la rendre vaine. En outre les délais de traitement des contestations sont tels que c’est l’amende majorée qui est finalement réglée même si la contestation de la majoration est possible en principe.

3/ Avec l’amende forfaitaire, l’agent est à la fois celui qui constate l’infraction et celui qui décide de la sentence (choix de l’amende, nombre d’amendes – couramment deux et même trois lors d’un seul contrôle). Cette « justice dans la rue » dégénère en « punition des pauvres » quand l’accumulation des amendes chez les enfants d’une même famille en vient à fragiliser gravement le foyer. Les dettes d’amendes atteignent couramment plusieurs milliers d’euros. Se pose alors un dilemme pour les mamans qui hésitent entre les payer et couper dans les dépenses de santé et d’alimentation ou laisser s’accumuler l’impayé qu’il reviendra à leurs enfants majeurs de régler. Non sans que cette sanction, qu’elle soit ressentie comme injuste ou qu’elle soit acceptée par le jeune habitant, ne complique son entrée dans la vie active du fait des saisies sur son compte. Saisies qui poussent certains à privilégier la débrouille ou l’économie parallèle plutôt que la recherche d’un travail stable et contractuel. C’est pourquoi les pratiques de verbalisation, par leur excès ou dévoiement, finissent par être socialement très contreproductives.

Bibliographie

Barbu Théophile, « Amendes forfaitaires : les jeunes des quartiers populaires ciblés » avec J. Bordet, N Tehio, Droits & Libertés numéro 201, 12/05/2023.

echosdu12.blogspot.com : articles pour le site sur la pratique policière des  amendes forfaitaires et son impact sur la précarisation des foyers dans le quartier populaire Reuilly-Montgallet.

Fonction : chercheuse psychosociologue, membre du Comité national de la LDH          

Présentation de l’intervention

A l’adolescence, le milieu de vie, là où l’on vit constitue un repère, un point d’ancrage et contribue à une première construction de l’autonomie en lien et en distance avec la famille. Il en est de même pour les jeunes des quartiers populaires urbains. Les travaux d’observation et de recherches montrent un double mouvement, le quartier de proximité constitue à la fois un lieu de vie rassurant, source de nombreux liens et d’expérience et un lieu qui peut être source de dangers, où il faut très vite se situer, choisir ses fréquentations. Il peut devenir pour certains jeunes un point de fixation et d’enfermement. Ainsi les socialisations des jeunes par rapport à leur milieu de vie sont très différentes, qu’il s’agisse de jeunes filles, de jeunes hommes et selon les choix réalisés de socialisation. Aujourd’hui, l’usage quotidien des réseaux sociaux transforment ces socialisations et le rapport aux événements des quartiers populaires ; de même les évolutions sécuritaires tendent à créer des ruptures de socialisation par rapport à ces milieux de vie qui influencent profondément l’avenir des quartiers populaires et de ceux qui y vivent. Je présenterai ainsi comment aujourd’hui évoluent ces rapports au milieu de vie pour ces adolescents en fonction des choix d’intervention de l’action publique.

Bibliographie

– Bordet Joëlle, Gutton Philippe, Adolescence et idéal démocratique. Accueillir les jeunes des quartiers populaires. Editions Inpress

– Bordet Joëlle, Oui à une société avec les jeunes des cités, Editions de l’atelier

– Bordet Joëlle, Les jeunes de la cité, PUF collection sociologie

Fonction : enseignant-chercheur à l’université Rennes 1

Ulysse Rabaté est chercheur en science politique à l’université Paris 8 (LabTop/Cresppa), et enseigne à l’université Rennes 1. Il a été élu et militant en banlieue parisienne, où il s’est opposé au système du milliardaire Serge Dasssault à Corbeil-Essonnes. Ses travaux portent aujourd’hui sur les formes d’engagement politique au sein des classes populaires. Streetologie est son troisième ouvrage. 

Présentation de l’intervention

Cette présentation porte sur les modes d’engagement politique dans les quartiers populaires contemporains en France. L’objet que nous construisons et examinons est celui de formes diverses de contestation de ce que nous avons appelé l’ordre symbolique de la gauche, de la part d’actrices et d’acteurs issus des quartiers populaires ou s’en revendiquant.

Partant d’une analyse oppositionnelle – des mobilisations « contre la gauche » pour exister dans le champ politique -, nous voulons au fil de notre développement prendre nos distances avec le paradigme de la rupture qui a dominé au sein d’une certaine sociologie urbaine française (Tissot, 2005), altérant l’observation des dynamiques d’engagement dans les quartiers populaires, renvoyées à une distance surestimée à l’égard de l’ordre institutionnel. De l’opposition au conflit, du conflit à la relation, de la relation à la transmission, il s’agit en quelque sorte de prendre en sens inverse le raisonnement du « rendez-vous manqué » entre la gauche et les cités (Masclet, 2003), non pas pour en contredire tous les termes, mais pour étirer l’observation du rendez-vous en lui-même, et de le destituer d’un regard linéaire marqué par une définition de l’engagement nostalgique, qui « n’est plus ce qu’il n’a jamais été ».

L’objectif de mon travail est ainsi de proposer un cadre d’analyse qui appréhende sur le même plan des prises de position résolument inscrites dans le champ politique et institutionnel, et des pratiques ordinaires d’investissement de la sphère publique (Fraser, 2011).  La continuité entre ces différents ordres de pratique et de représentation est à identifier à travers un rapport à la politique marqué par l’ambiguïté et l’ambivalence, dont l’inscription populaire demeure une composante sans cesse mobilisée par les acteurs (Darras & Camille Noûs, 2020).

Cette communication repose sur une enquête par entretiens et observation directe auprès d’individus et groupes engagés à l’échelle locale, issus des quartiers populaires ou en invoquant la représentation. Les données ont été principalement recueillies dans les villes de Corbeil-Essonnes (91), Fleury-Mérogis (91), Noisy-le-Sec (93), Champigny-sur-Marne (94), Fontenay-sous-Bois (94).

C’est dans cette perspective que le socle théorique de la première génération des cultural studies au Royaume-Uni a été mobilisé, afin d’interroger la possibilité d’une culture politique propre aux quartiers populaires. Nous nous concentrerons ici sur un premier développement des motifs de cette approche , à travers l’étude d’un « code de la street » aux significations et effets ambivalents. J’illustrerai ses implications à travers l’analyse « dans ce même cadre » de deux modes d’engagement a priori distincts : les pratiques et discours observés dans le cadre des émeutes urbaines dans leur rapport à des modes d’engagement routinier, plus ou moins institués, dans les quartiers populaires. L’hypothèse à examiner est celle d’une continuité dans les motifs et modes d’action entre ces deux ordres de pratiques en apparence distincts.

A travers le concept de Streetologie, nous formulons ainsi la proposition d’un cadre d’analyse qui accueille cette plasticité dans les modes d’engagement au sein de la sphère publique des quartiers populaires.

Bibliographie

Rabaté Ulysse, Streetologie. Savoirs de la rue et culture politique, Rennes, Editions du Commun, 2024.

Rabaté Ulysse, Politique Beurk Beurk. Les quartiers populaires et la gauche : conflits, esquives, transmissions, Vulaines-sur-Seine, Editions du Croquant, 2021.

Rabaté Ulysse, L’argent Maudit, au coeur du système Dassault (avec B. Piriou), Paris, Fayard, 2015

Rabaté, Ulysse, « Bourdieu and Working-Class Neighbourhoods: What Place for Ordinary Aesthetics? » Open Philosophy, vol. 6, no. 1, 2023, pp. 20220274.

Rabaté, Ulysse, « L’effet-guattari au prisme des quartiers populaires », Multitudes, vol. 88, no. 3, 2022, pp.179-184.

Rabaté, Ulysse, « Subalternité et invention politique dans les quartiers populaires. À partir des travaux de Daho Djerbal », Multitudes, vol. 84, no. 3, 2021, pp. 87-96.

Fonction : vice-président du CESE

Kenza Occansey est vice-président du Cese chargé de la participation citoyenne. Il est membre du groupe des Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse. Ancien secrétaire général de la Fage, il a également été élu au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est aujourd’hui membre du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, ainsi que membre du conseil d’administration de l’ONG A Voté. Il a été rapporteur de l’avis “Engagement et participation démocratique des jeunes”, avis commandé par le Premier ministre en 2021 et construit pour la première fois avec la participation de citoyens tirés au sort et associés aux travaux de la commission de travail. Il a été membre du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Il a également été rapporteur de l’avis « Migrations et Union européenne : vers une nouvelle vision des politiques migratoires ». 

Jean-Claude Richez est consultant, sociologue, historien. Coordonnateur de la mission observation évaluation de l’Injep (2009-2013), responsable de l’Unité de la recherche, des études et de la formation de l’Injep (2002-2009), membre du Comité de rédaction de la revue Agora Débats Jeunesse (2002-2015). Elu à Strasbourg (1989-2001), adjoint au maire de Strasbourg  à la jeunesse et à l’éducation populaire (1995-2001), conseiller délégué aux Technologies de l’information et de la communication. Travaux portant sur l’engagement des jeunes, les politiques publiques de jeunesse, les politiques éducatives et l’éducation populaire et l’histoire des mouvements sociaux en Alsace.

Texte de présentation

Le champ des politiques jeunesse : on doit distinguer d’une part les politiques de jeunesse comme secteur à part entière de l’action publique et parapublique reconnu historiquement  sous le nom de politique de jeunesse et d’éducation populaire relevant sur le plan gouvernemental traditionnellement du ministère de la Jeunesse et des Sports et d’autre part les politiques de jeunesse comme ensemble de politiques sectorielles renvoyant à l’éducation, au travail, à la justice, l’intérieur à la famille, aux sports, etc. Elles font selon les orientations gouvernementales d’approches plus ou moins transversales et de déclinaison territoriales portées à la fois par l’Etat et les collectivités territoriales. Je m’attacherai ici essentiellement à la première acception du terme d’autres interviennent sur différentes dimensions sectorielles sans naturellement négliger les dimensions intersectorielles et territoriales.

Bibliographie

L’outil pour suivre au fil des ans les politiques publiques de jeunesse est la collection de dossiers documentaires publiée par le Centre de documentation de l’Injep depuis 2012 disponibles en ligne.

Bibliographie

Des enquêtes à voir et articles spécifiques

« France : la jeunesse n’emmerde plus le RN » ARTE Reportage. Emission du 31/05/2024

LCP « Qui est la jeunesse d’extrême droite ? » 2 juillet 2024

Emma Mangin, « Jeunesse et extrême droite : cinquante nuances de brun ? », Hommes & migrations, 1337 | 2022

Tristan Boursier, « Influenceurs d’extrême droite : le moteur caché du succès du RN » The Conversation 20 juin 2024

Un livre de journalistes

Marylou Magal, Nicolas Massol, L’extrême droite, nouvelle génération. Enquête au cœur de la jeunesse identitaire, Denoël 2024.

Les analyses des électorats quantifient à grand peine les vote jeune d’extrême droite

La sociologie des électorats et profil des abstentionnistes, Européennes de juin 2024 IPSOS

L’enquête du Cevipof fin mai donnait des informations différentes sur la jeunesse

Mais l’analyse de l’IFOP sortie des urnes des législatives de juillet démontre le vote préférentiel des jeunes pour le NFP

Une prise de position syndicale

Tract SGEN CFDT

Fonction : autrice, animatrice de conférences, formatrice, experte en mobilisation citoyenne, ancienne directrice France, Italie, Espagne, Russie de Change.org.

Aminata Dembélé, autrice, animatrice de conférences, formatrice, experte en mobilisation citoyenne, s’est distinguée par son engagement sur Change.org, la plus grande plateforme mondiale de pétitions en ligne, où elle a occupé le poste de directrice France, ainsi que pour l’Italie, l’Espagne et la Russie. Elle a accompagné des milliers de citoyens dans le lancement de pétitions ayant rassemblé des dizaines de milliers, voire des millions de personnes autour de causes variées telles que la santé, les droits des femmes et l’éducation.
Autrice de l’essai Voter, est-ce encore utile? (Editions de La Martinière Jeunesse), elle propose un plaidoyer chargé d’espoir pour la démocratie, soulignant que le vote, bien plus qu’un droit, est un devoir civique essentiel pour l’avancée de la justice sociale, économique et environnementale. Cet essai, particulièrement destiné à la jeunesse, invite les nouvelles générations à réinvestir l’espace démocratique et à se saisir de ce levier fondamental pour façonner l’avenir. Elle est également membre du comité d’orientation du Théâtre de la Concorde, un lieu unique où art, culture et démocratie se conjuguent dans un espace exceptionnel de réflexion, de débat et de création. Elle siège également depuis la rentrée au conseil d’administration d’A Voté, ONG de défense des droits civiques et du progrès démocratique.

Présentation de l’intervention

Mon intervention abordera la relation complexe des jeunes générations avec la politique, en explorant les critiques qu’on leur adresse souvent (mollesse, individualisme, désengagement), et en proposant une vision plus nuancée de leur implication. Je structurerai mon propos autour de trois axes principaux : la défiance envers les institutions, l’engagement sous des formes alternatives, et le rôle central des réseaux sociaux dans leur mobilisation.

1. Défiance envers les institutions et la démocratie représentative

Bien que l’élection présidentielle suscite encore un certain intérêt, la désaffection des jeunes vis-à-vis des élections est un constat incontestable. Une enquête Fage-Ipsoso de 2022 montre que 66 % des jeunes éprouvent un profond scepticisme à l’égard des élus considérés comme corrompus (69 % selon l’Institut Montaigne). Pourtant, les jeunes ne sont pas apolitiques. Au contraire, ils se sentent particulièrement concernés par des enjeux comme l’environnement, l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations. Mais ces sujets sont souvent absents des campagnes électorales, renforçant leur désillusion envers les institutions traditionnelles. Par ailleurs, un obstacle technique amplifie cette déconnexion : la mal-inscription sur les listes électorales. Près de 16,5 % des électeurs français, dont 40 % de jeunes, ne sont pas inscrits dans le bureau de vote de leur lieu de résidence. Cela crée un coût de participation significatif, qui incite à l’abstention.

2. Engagement alternatif : l’essor du “Do-it-ourselves”

Loin de l’image de passivité souvent associée à la jeunesse, les générations Y et Z s’engagent autrement. Le vote n’est plus l’unique canal d’expression politique ; les jeunes investissent dans des formes d’engagement directes et concrètes. Cette forme d’engagement, qualifiée par la chercheuse Sarah Pickard de « Do-it-ourselves Politics », repose sur des actions quotidiennes qui permettent aux jeunes de voir directement les résultats de leurs efforts. Plutôt que de déléguer leur pouvoir aux élus, les jeunes s’organisent pour influencer les décisions politiques en dehors des périodes électorales. Les pétitions en ligne, les boycotts ou encore les manifestations reflètent ce besoin d’implication continue et tangible.

3. Réseaux sociaux : un levier de mobilisation

Enfin, le rôle des réseaux sociaux dans la politisation des jeunes est fondamental Instagram, TikTok ou encore X (ex-Twitter) sont devenus des lieux privilégiés d’information, d’échange, de débat et de mobilisation rapide. Les contenus circulent de manière virale, ce qui permet à des causes d’émerger et de trouver un large soutien en peu de temps. Par exemple, des événements comme le Z Event, un marathon caritatif en ligne, montrent comment des communautés de jeunes peuvent s’unir autour de causes communes, en récoltant des fonds pour des associations ou en sensibilisant sur des sujets tels que l’environnement.

Bibliographie

Dembele Aminata, Voter, est-ce encore utile ?, La Martinière Jeunesse, Collection ALT 2024.

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