26 octobre 2007 – Une plainte pour torture déposée en France contre Rumsfeld

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Center for Constitutional Rights (CCR)
Ligue des droits de l’Homme et du citoyen (LDH)
European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)

Lors de son séjour à Paris, une plainte pour torture et mauvais traitements à Guantanamo et Abou Ghraib a été déposée contre l’ancien Secrétaire d’Etat américain à la Défense

Paris, le 26 octobre 2007 – La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Center for Constitutional Rights (CCR), l’European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) viennent de déposer une plainte auprès du Procureur du Tribunal de Grande Instance de Paris, contre l’ancien secrétaire d’Etat à la Défense, Donald Rumsfeld, pour avoir ordonné et autorisé la torture.

Rumsfeld se trouve à Paris à l’occasion d’un débat organisé par la revue Foreign Policy.

“Le dépôt de cette plainte en France est une nouvelle indication que nous n’arrêterons que lorsque les autorités américaines impliquées dans le programme de torture seront traduites en justice. Donald Rumsfeld doit comprendre qu’il n’a nulle part où se cacher. Un tortionnaire est un ennemi de l’humanité”, a déclaré Michael Ratner, président du CCR.

“La France se trouve dans l’obligation d’enquêter et de poursuivre Rumsfeld pour sa responsabilité dans les crimes de torture commis à Guantanamo et en Irak. La France n’a d’autre choix que d’ouvrir une enquête lorsqu’une personne présumée avoir commis des crimes de torture se trouve sur son territoire. J’espère que la lutte contre l’impunité ne sera pas sacrifiée au nom de la raison d’Etat. Nous appelons la France à refuser de se transformer en paradis pour criminels”, a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

“Nous luttons contre l’impunité et demandons l’ouverture d’une enquête et des poursuites pénales dans tous les pays compétents pour connaître des crimes de torture dénoncés” a déclaré le Secrétaire général de l’ECCHR Wolfgang Kaleck.

«L’impunité d’un gouvernant criminel est toujours intolérable. Parce que les Etats-Unis sont l’hyper-puissance de ce début de siècle et surtout parce qu’ils sont une démocratie, l’impunité de Donald Rumsfeld est plus insupportable encore que celle d’un Hissène Habré ou d’un Radovan Karadzic», a déclaré Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue française des droits de l’Homme.

La présente plainte se fonde sur la défaillance des autorités judiciaires américaines et irakiennes pour connaître des crimes dénoncés à l’encontre de Donald Rumsfled et d’autres hauts responsables américains devant un tribunal indépendant et ce, malgré une documentation très détaillée et l’existence de mémorandums engageant directement leur responsabilité dans les crimes de torture. Les Etats-Unis ayant refusé de ratifier le Statut de la Cour pénale internationale, il ressort des obligations des Etats tels que la France de connaître de ces cas.

La plainte se base sur la Convention contre la torture de 1984, ratifiée par les Etats-Unis et par la France et utilisée à de nombreuses reprises par le passé en France pour connaître de crimes de torture commis à l’étranger.

La France a par conséquent une compétence établie pour connaître de la responsabilité pénale individuelle pour crimes de torture s’ils sont présents sur le territoire.(1)

C’est la première fois qu’une plainte est déposée, alors que Rumsfeld est présent dans le pays ce qui renforce l’obligation de la France en vertu du droit international d’enquêter et de poursuivre.

La présence de Rumsfeld sur le territoire français donne compétence aux tribunaux français pour le poursuivre en ce qu’il a ordonné et autorisé la torture et autres traitements inhumains et dégradants sur des détenus de Guantanamo, d’Abu Ghraib et d’ailleurs.

De plus, ayant démissionné de son poste de Secrétaire américain à la défense il y a de ça un an, Rumsfeld ne saurait faire valoir son immunité en tant qu’ancien Secrétaire d’Etat ou fonctionnaire du gouvernement. En outre le droit international ne reconnaît aucune immunité quelque soit le rang officiel dans les cas de crimes internationaux, y compris de crimes de torture.

Janis Karpinski, ancien Brigadier Général de l’armée américaine en charge du Centre de détention d’Abu Ghraib ainsi que d’autres prisons sous autorité américaine en Irak, a soumis son témoignage écrit au Procureur de Paris en soutien à la mise en cause de la responsabilité de Rumsfeld dans les crimes perpétrés contre des détenus.

Contexte:

Il s’agit de la cinquième plainte déposée contre Rumsfeld pour son implication dans des actes de torture dans le contexte du programme de torture élaboré après le 11 septembre 2001 par l’administration Bush.

Deux plaintes pénales avaient été déposées en Allemagne en application du principe de compétence universelle, permettant à l’Allemagne de poursuivre les responsables de crimes internationaux graves, indépendamment du lieu de la commission des crimes et de la nationalité des responsables ou des victimes. Une plainte avait été introduite en automne 2004 par le CCR, la FIDH et l’avocat berlinois Wolfgang Kaleck; cette affaire a été définitivement rejetée en février 2005, suite à des pressions officielles venant des Etats-Unis, en particulier du Pentagone.

La deuxième plainte avait été déposée en automne 2006 par les mêmes groupes, ainsi que des dizaines d’organisations nationales et internationales des droits de l’Homme, des Prix Nobel et l’ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. La plainte de 2006 était introduite au nom de 12 citoyens irakiens qui avaient été détenus et torturés à la prison d’Abu Ghraib en Irak et un citoyen d’Arabie saoudite toujours en détention à Guantanamo. Cette plainte a été rejetée en avril 2007, décision qui fera l’objet d’un appel la semaine prochaine.

Deux autres plaintes contre Rumsfeld ont été introduites en Argentine en 2005 et en Suède en 2007.

La plainte ainsi que les documents à l’appui sont disponibles sur le site internet de la FIDH :

http://www.fidh.org/spip.php?article4829

(1) Voir articles 689, 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale:

– Article 689 : Les auteurs ou complices d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre Ier du code pénal ou d’un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu’une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l’infraction.

– Article 689-1 : En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s’est rendue coupable hors du territoire de la République de l’une des infractions énumérées par ces articles. Les dispositions du présent article sont applicables à la tentative de ces infractions, chaque fois que celle-ci est punissable.

– Article 689-2 : Pour l’application de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de tortures au sens de l’article 1er de la convention.

Paris, le 26 octobre 2007.

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