2000 – RAPPORT ANNUEL – Le racisme n’est pas divisible

Tribune de Michel Tubiana et Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP (publiée dans Libération 20 octobre 2000) : 

Les évènements qui déchirent à nouveau le Proche-Orient sont insupportables comme sont insupportables leurs conséquences en France. Chaque vie brisée là-bas éloigne de la paix, chaque manifestation de racisme ici porte atteinte aux valeurs de la République. Aucune injustice, quelle que soit son importance, ne peut justifier une autre injustice. Nous refusons la voie du silence et nous devons tirer divers enseignements de ce bilan redoutable, ne serait-ce que pour commencer à y remédier.

Le racisme n’est pas divisible. Les agressions antisémites, les propos racistes tenus, notamment dans le cadre de manifestations, à l’encontre des juifs ou des musulmans, sont inadmissibles et nous avons la responsabilité de marquer qu’il y a là une limite au-delà de laquelle aucun dialogue n’est possible : la loi doit passer dans toute sa rigueur.

Les réponses, elles, sont nécessairement politiques. La résolution de ce conflit ne peut avoir d’avenir sur les terrains identitaire et religieux. Comme si le conflit israélo-palestinien n’était pas avant toute chose l’expression de la volonté de deux peuples de bénéficier d’un État et d’y vivre en paix !

De la même manière l’apaisement des tensions en France, ne peut trouver d’issue grâce aux seules mobilisations religieuses. Nul n’a à être assigné à résidence à raison de son origine ou de sa confession, ce qui devrait être une évidence dans une république laïque. Et il est consternant que certains aient jugé utile de se faire les porte-parole obligés de telle ou telle partie au conflit, prétendant ainsi engager des citoyens desquels ils n’avaient reçu aucun mandat au risque de créer les conditions d’un conflit communautaire. L’ambassadeur d’Israël et la représentante de l’Autorité palestinienne n’ont nul besoin qu’on se substitue à eux.

Est-ce à dire, pour autant, que nous devrions nous interdire de participer aux débats qu’engendre ce conflit depuis des décennies ? Toute concession faite à un racisme absout tous les autres, et nous ne sommes pas de ceux qui pensons que les droits de l’homme se divisent. Crier « Mort aux juifs » ou « Mort aux Arabes », en France, en Israël, en Cisjordanie ou à Gaza reste un problème de droits de l’homme, dont la solution ne réside pas seulement dans une condamnation du caractère raciste de l’injure.

En ce domaine, l’angélisme ne suffit pas. Pour être relevé, ce défi doit s’appuyer sur la Justice et le Droit. Aucune paix ne peut se construire sans justice et lutter contre le racisme, c’est aussi affirmer que l’État d’Israël a le droit d’exister, comme le peuple palestinien a tout autant le droit à un État, tout aussi indépendant et viable que celui de son voisin. Se taire sur cette exigence minimum de Justice, ne pas relever que la population civile palestinienne est la première victime des affrontements, ou se taire sur l’insupportable lynchage de militaires israéliens, c’est alimenter un mensonge qui ne profite qu’aux extrêmes.

Lutter contre le racisme aujourd’hui, c’est ne pas tolérer ses manifestations, c’est aussi refuser l’assignation à résidence communautaire, c’est enfin instruire un débat citoyen : c’est à ces conditions que nous pourrons participer à la construction de la paix. C’est à ce prix qu’on peut dégager un avenir pour que la paix ait raison de la guerre et que la fraternité ait raison des haines, ici et là-bas.

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