16 février 2005 – Justice – Droits des étrangers
Lettre adressée à Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’Etat, suite aux audiences du Tribunal administratif de Paris du 8 février 2005

 

                                 M. Renaud DENOIX DE SAINT MARC

                                 Conseil d’État

                                1 , Place du Palais Royal

                                 75100 PARIS Cedex 01

  

Monsieur le Vice-président,

Je suis saisi des faits relevés lors de l’audience du Tribunal Administratif de Paris, du 8 février 2005, qui statuait en matière de recours sur les reconduites à la frontière.

Dans 8 dossiers, les conseils des étrangers qui comparaissaient ont trouvé des jugements motivés et pré rédigés, dont l’un même était signé, qui tous confirmaient les décisions de reconduite à la frontière prises par l’autorité préfectorale. Ces jugements portaient le nom du magistrat délégué, M. BRAUD.

Ainsi que vous le savez, en ce domaine, les personnes faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière disposent d’un temps très court pour assurer leur défense et lors de l’audience et du débat contradictoire, tous les arguments et moyens de preuve peuvent être débattus.

Dans ces conditions, rédiger un jugement, même sans l’avoir signé, marque une prise de position préalable du magistrat d’examiner ce dossier.

Il est tout à fait vain de soutenir qu’il s’agirait de notes préalables ou d’un projet susceptible d’être modifié. La forme même des documents en cause établit qu’il s’agit bien d’un jugement et non de notes. Cette pré rédaction implique qu’il appartient à la seule défense de l’étranger concerné de renverser l’avis préalable du magistrat alors que celui-ci est censé entendre les parties sans a priori.

Le renvoi ordonné face à la réaction légitime des Avocats atteste, en quelque sorte, du malaise ressenti par l’auteur de ce détournement de procédure.

La présence de jugements dans 8 dossiers laisse à penser qu’il ne s’agit pas là d’un cas isolé.

J’entends élever les plus vives protestations face à une telle négation des droits de la défense et face à un tel manquement à l’impartialité du Tribunal comme à l’équité de la procédure.

Je vous demande de faire diligenter l’enquête nécessaire afin, d’une part, de savoir si ces faits sont ou non isolés et, d’autre part, d’éviter leur renouvellement.

Vous comprendrez que je rende cette lettre publique.

Je vous prie de croire, Monsieur le Vice-président, en l’assurance de ma Haute Considération.

Michel TUBIANA

Paris, le 16 février 2005

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