12 juillet 2004 : Affaire des disparus du Beach de Brazzaville : Multiplication des entraves au droit effectif des victimes à la justice

Communiqué commun de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme, de la Ligue des droits de l’Homme et du Citoyen, de la Fédération des congolais de la diaspora et de l’Association des disparus du Beach de Brazzaville.

A la veille de l’arrivée du président congolais, Denis Sassou Nguesso, en visite officielle en France le 16 juillet prochain, la FIDH, la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen (LDH), l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), l’Association des disparus du Beach de Brazzaville, la Fédération des Congolais de la Diaspora sont vivement préoccupés par l’arsenal mis en oeuvre par les autorités congolaises pour entraver l’instruction en cours devant les juridictions de Meaux dans l’affaire des « Disparus du Beach », et par la complicité manifeste dont elles bénéficient de la part des autorités françaises.

Cette contre-offensive comprend diverses facettes qui visent toutes à intimider les victimes, délégitimer leurs démarches et entraver leur droit à un recours effectif devant des tribunaux indépendants :
1. Pressions et intimidations des victimes

Les pressions et intimidations se sont multipliées à l’égard des témoins, des victimes et familles de victimes tout particulièrement au Congo. Ces menaces visent également les membres de l’ONG, affiliée à la FIDH au Congo, l’Observatoire congolais des droits humains.

Par ailleurs, il semble de plus en plus difficile, voir impossible, pour les victimes des massacres venus chercher asile en France d’y obtenir le statut de réfugié, en dépit des sérieuses menaces de représailles dans leur pays.

Enfin, pour parfaire la machinerie visant à intimider les victimes et leurs familles une « Association pour la défense des intérêts des prétendus disparus du Beach », proche du pouvoir, a été récemment créée à Brazzaville.

2. Mascarade judiciaire

Les victimes qui se sont constituées parties civiles en France ont toujours rejeté vigoureusement l’idée d’un procès à Brazzaville en raison de craintes légitimes pour leur sécurité et celle de leur famille et des sérieux doutes quant à l’impartialité de la justice congolaise.

Dès juin 2002, la FIDH, la LDH, l’Association des disparus du Beach de Brazzaville, la Fédération des Congolais de la Diaspora et Survie dénonçaient le « risque […] de voir monter de toutes pièces une mascarade de procès au Congo Brazzaville, qui viserait à faire obstacle à la poursuite de la procédure en France » (voir le communiqué de la FIDH du 28 juin 2002 http://www.fidh.net/article.php3?id_article=834)

Lors de la mission de la FIDH qui s’est déroulée en novembre 2003, le Président Sidiki KABA a pu constater que le dossier d’instruction demeurait vide après trois années de soit disant instruction (voir le rapport « Jeu de dupes et violations récurrentes des droits de l’Homme » du 7 mai dernier – http://www.fidh.net/article.php3?id_article=1064).

Les autorités congolaises s’obstinent à prétendre que l’instruction suit son cours en procédant à la mise en examen de quatre officiers de l’armée congolaise – le général Dabira, le général Blaise Adoua, le colonel GuyPierre Garcia et Marcel Ntsourou – le 7 juillet dernier. Or, les récentes déclarations du président congolais annonçant que l’organisation d’un procès à Brazzaville permettrait de démontrer « qu’il n’y a pas eu de massacre du Beach », confortent nos craintes d’une justice de façade.
3. Complicité des autorités françaises

Au moment même où l’avancement de la procédure française commençait à menacer le climat d’impunité au Congo, la justice française s’est prononcée avec une célérité remarquée pour la remise en liberté de Monsieur Jean-François NDENGUE. Malheureusement, elle n’a pas manifesté la même diligence pour se prononcer sur la demande de nullité des actes concernant celui-ci, entraînant la suspension de l’ensemble de l’instruction pendant plus de 6 mois, en violation flagrante avec l’article 194 du code de procédure pénale qui donne à la Chambre de l’instruction un délai de deux mois pour statuer sur de telles requêtes.

Les associations signataires ont de sérieuses raisons de penser qu’un accord tacite existe entre les autorités françaises et congolaises pour que soient dessaisies les juridictions françaises au profit des tribunaux congolais et que soit ainsi mis un terme définitif à une affaire qui dérange les relations diplomatiques et économiques entre les deux pays.

Une illustration supplémentaire en est donné par les propos qu’à récemment tenu à Brazzaville Patrick GAUBERT, président de la LICRA mais aussi député européen élu sur les listes de l’UMP, venant apporter une soutien inconditionnel au scénario mis en œuvre par les autorités congolaises.

La FIDH, la LDH et l’OCDH relèvent que cette attitude des autorités françaises ne fait en réalité que confirmer le sentiment qu’elles s’efforcent de couvrir des dirigeants « amis », entretenant en réalité une complicité dans le maintien de l’impunité des vrais responsables des massacres du Beach.

Les associations signataires appellent les autorités françaises et congolaises à respecter le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et demandent en particulier au président français, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, de rappeler à son homologue congolais lors de leur prochaine rencontre que le choix des victimes à un recours effectif devant des juridictions indépendantes et impartiales doit être garanti.

Paris, 9 juillet 2004

Contact presse : Gaël Grilhot : + 33-1 43 55 25 18

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