04 mai 2004 : Lettre adressée aux députés ayant déposé une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort en matière de terrorisme

Destinataires : MM. Richard DELL’AGNOLA, Olivier DASSAULT, René ANDRÉ, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Roland CHASSAIN, Charles COVA, Jean-Claude DECAGNY, Bernard DEPIERRE, Jean-Michel FERRAND, Jean-Michel FOURGOUS, Franck GILARD, Bruno GILLES, Georges GINESTA, François GUILLAUME, Joël HART, Denis JACQUAT, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Jean-Christophe LAGARDE, Pierre LANG, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Jacques MASDEU-ARUS, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mmes Béatrice PAVY, Josette PONS, MM. Xavier DE ROUX, Francis SAINT-LÉGER, André SAMITIER, Frédéric SOULIER, Guy TEISSIER, Léon VACHET et Christian VANNESTE

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Vous avez déposé sur le bureau de l’assemblée nationale une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.

 

Vous expliquez cela par la nécessité de défendre les états et les peuples, « en temps de guerre ».

 

Je ne m’attarderais pas sur les raccourcis auxquels vous avez recours et qui vous conduisent à classer l’Indonésie et le Maroc dans les pays « occidentaux » ou à mêler les attentats survenus depuis 2001 avec ceux commis en France entre 1986 et 1996.

 

Je ne m’attarderais pas plus sur l’incongruité juridique de cette proposition de loi qui aboutirait à dénoncer dans son ensemble la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme.

 

Au fond des choses, et ainsi que vous le relevez vous-mêmes, en ce domaine encore plus que dans les autres, la peine de mort n’a aucun effet dissuasif. Dès lors, ce que vous demandez, c’est l’application de la loi du talion et remplacer la justice par la vengeance.

 

La proposition de loi que vous avez déposée ne résoudra rien. Lutter contre le terrorisme, ce qui est le devoir de tout état démocratique, c’est non seulement mettre en œuvre les moyens policiers et judiciaires nécessaires et respectueux de l’état de droit, mais c’est aussi s’attaquer aux situations qui permettent à certains d’exploiter les injustices de ce monde.

 

En appliquant la peine de mort aux auteurs ou aux instigateurs d’actes de terrorisme, vous ne ferez que créer de nouveaux martyrs ce qui entraînera d’autres actes de violence.

 

Plus grave encore, vous ramènerez les démocraties au même mépris de la vie humaine que ceux que vous prétendez combattre.

 

Tout cela, vous ne l’ignorez pas et votre démarche n’a d’autres buts que d’attiser les peurs. Le comble de la démagogie est atteint lorsque vous croyez devoir vous prévaloir des propos de Robert Badinter dont vous savez pourtant l’opposition, en toutes circonstances, à l’application de la peine de mort.

 

Non seulement, nous nous opposerons à votre proposition de loi, mais nous demandons, dès aujourd’hui, au Premier ministre, de soumettre au Parlement la ratification du protocole N° 13 prohibant la peine de mort en toutes circonstances.

 

Je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en l’assurance de ma considération.

 

Michel Tubiana

Président de la LDH

 

 

Paris, le 3 mai 2004

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