Amérindiens de Guyane : les abandonnés de la République

Par Denis Mercier, section LDH Paris 19e avec un entretien avec Alexis Tiouka.

Ce livre est un réquisitoire contre l’Etat dont il  dénonce la responsabilité dans la situation dramatique que vivent depuis vingt ans les Amérindiens du Haut-Maroni en Guyane : mais au-delà de la dénonciation des ravages de l’orpaillage illégal avec la pollution du fleuve au mercure, faisant des Amérindiens Wayanas les plus touchés, avec des taux bien supérieurs aux préconisations de l’OMS, et au-delà de l’épidémie de suicide qui sévit dans la jeunesse, avec un taux dix-sept fois supérieur à celui de l’hexagone, ce livre dénonce le rejet de quasiment toutes les demandes des Amérindiens et les refus réitérés des gouvernements successifs de les associer dans les décisions qui les concernent. Il nous fait entendre trente-quatre Wayanas qui se sont le plus engagés pour que se fasse avec eux cette évolution très rapide et brutale vers un autre type de société que celle qu’ils s’étaient forgés dans les siècles passés.

La Ligue des droits de l’Homme, consciente de ces problèmes, peut témoigner directement de quelques exemples parmi ceux cités dans le livre : la façon dont le Parc amazonien a été imposé aux Amérindiens et comment a été rejetée leur demande de voir ses limites se rapprocher de leurs villages pour que ce qui est appelé «  cœur du parc » puisse les protéger de tout orpaillage légal. La section de Cayenne était présente dans le collectif, en février 2007.

Le second exemple est celui de l’éducation où la section a aussi dénoncé le refus de voir leurs langues maternelles prises en compte comme elles l’étaient lorsque les Wayanas avaient pu organiser les apprentissages premiers en lecture-écriture dans leur langue en CP (p. 120). Ce dispositif avait favorisé la formation d’une partie de l’élite amérindienne actuelle : apprendre à lire et écrire dans sa langue est pourtant une démarche permise à tous les autres Amérindiens d’Amazonie, du Brésil à la Colombie. La nécessité de quitter son village dès 11 ans pour aller au collège puis d’aller au lycée sur le littoral dans des internats où les jeunes ne sont pas accueillis le week-end ou en familles d’accueil peu préparées voire exploiteuses est une des causes du malaise de la jeunesse, sans doute la plus importante. Les Wayanas demandent depuis des années  un collège de proximité et une structure d’accueil pour les lycéens sur le littoral: jamais ils n’ont été entendus (p 123 sq.).

Ce livre témoigne du profond mépris des institutions tant locales que nationales pour toutes les demandes formulées depuis vingt ans par ces citoyens.C’est aussi un terrible état des lieux sur l’accès aux services publics : santé, eau potable et électricité (chapitre 3 : Des conditions de vie déplorables).C’est un camouflet pour l’Etat dans ses défenses face aux critiques récurrentes des organismes internationaux qui lui enjoignent régulièrement de signer la Convention 169 de l’OIT.C’est enfin un constat d’échec particulièrement grave sur le fonctionnement de nos institutions lorsque l’on apprend dans ce livre que Christiane Taubira, garde des Sceaux, a rédigé plusieurs rapports dont celui sur « L’or en Guyane, éclats et artifices », publié en décembre 2000, par la Documentation française : (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/004001895/0000.pdf)

Que font nos dirigeants ? Qu’attendent-ils pour agir ? Pourquoi les discours et les promesses ne sont jamais tenus lorsqu’il s’agit des peuples Amérindiens ? Quand cessera ce comportement post-colonial qui empêche de régler des problèmes graves qui menacent de mort toute une population ? Comme le remarquait Ségolène Royal, si la question se posait dans l’hexagone, la réponse serait immédiate. Et que peuvent en penser les principaux concernés ?

Denis Mercier,

section LDH Paris 19/20

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Interview d’Alexis Tiouka sur ce livre pour lequel il a donné son témoignage (France Guyane 1/10/2014)

QUESTION À … Alexis Tiouka spécialiste des questions autochtones : « Un vrai désespoir au sein de la population »

Vous avez été interviewé par les auteurs du livre, qu’avez-vous pensé du résultat ?

La réalité est bien rendue. Le seul reproche que je ferais est que ce livre est écrit pour les non-autochtones sur la situation des autochtones. Mais c’est un livre utile pour sensibiliser la population nationale et je pense qu’il pourrait faire réagir l’État.

Depuis vos rencontres avec les auteurs, en 2011, la situation a-t-elle évolué sur place ?

Non, pas du tout. La preuve : il y a encore eu un suicide à Camopi récemment, celui d’un jeune garçon de treize ans. C’est le signe d’un vrai désespoir au sein de la population. Tant qu’il n’y aura pas de dispositif pérenne mis en place, cela continuera. En ce moment, beaucoup de jeunes de Camopi ont abandonné le lycée à Cayenne à cause de problèmes de familles d’accueil. Il y a des exemples de jeunes de Camopi qui réussissent. Ce qu’il faut, c’est une structure d’accueil sur le littoral. Le sous-préfet devrait se battre là-dessus. L’ancien sous-préfet avait mis en place un dispositif qui n’a pas duré.

Quelles solutions peut-on envisager de la part de l’État ?

Il peut y avoir des solutions dans la mesure où on a affaire à un fonctionnaire d’État qui s’intéresse vraiment à la situation. C’était le cas du sous-préfet Vidon (ancien sous-préfet aux communes de l’intérieur, ndlr). Mais le renouvellement des hauts fonctionnaires tous les trois ans ne peut pas permettre d’arranger les choses. Les fonctionnaires partent, nous, on reste.

Propos recueillis par A.S.-M.

http://www.la1ere.fr/2014/09/11/les-abandonnes-de-la-republique-un-ouvrage-choc-sur-les-amerindiens-de-guyane-185404.html

 

« Les abandonnés de la république » : un livre qui alerte sur le sort des Amérindiens de Guyane française

19 septembre 2014 |  Par entraides-citoyennes

http://blogs.mediapart.fr/edition/sans-abris-sdf-exclus/article/190914/les-abandonnes-de-la-republique-un-livre-qui-alerte-sur-le-sort-des-amerindien

Avec un sixième de la superficie de l’Hexagone, la Guyane est la plus vaste région française. Environ dix mille Amérindiens de différentes communautés autochtones y vivent, pour l’essentiel, sur la côte et le long des fleuves frontaliers (Maroni et Oyapock). Parmi eux, les Amérindiens du Haut Maroni, installés au cœur de la forêt amazonienne, sont victimes depuis plusieurs décennies d’un drame qui se joue dans le silence et l’indifférence.

Une terrible épidémie de suicides ravage la population, tout particulièrement les jeunes, et l’orpaillage clandestin, source d’une véritable catastrophe sanitaire et environnementale, crée un climat de guerre. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les Amérindiens du Haut-Maroni sont parmi les plus touchés au monde par la contamination au mercure. Ils s’empoisonnent en consommant l’eau et les poissons des fleuves qui traversent leur territoire. Plus de 25 % des enfants connaissent des altérations neurologiques.

Face à cette violence et à des conditions de vie déplorables (absence quasi-totale d’infrastructures, d’équipements et de services publics), la France n’agit pas comme elle le devrait. Conditions de vie déplorables, éloignement imposé aux jeunes enfants, destruction de la culture et de l’identité amérindiennes, emprise des sectes : elle se contente d’offrir aux Amérindiens, qui ont déjà souffert d’un passé tragique comme d’une acculturation forcée, une nationalité et un drapeau, quelques maigres ressources, mais aucun accès véritable à leurs droits fondamentaux de citoyens français, à la santé et à une éducation respectueuse de leur culture, leur refusant par là-même le droit d’être Amérindiens. C’est un tableau à la fois bouleversant et accablant qui s’offre ainsi au lecteur au moment même où, devant l’indifférence de la France, les Amérindiens ont décidé de porter plainte contre l’État et tentent de mobiliser l’opinion internationale. Fondée sur de nombreux témoignages, cette enquête menée sur le terrain par Yves Géry, Alexandra Mathieu et Christophe Gruner, saisit la réalité dramatique d’un peuple dont la survie dépend plus que jamais de la République.

 

Vidéos et compléments d’informations sur notre blog

http://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/abandonnes-de-la-republique-les-47055

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