Palestine : une victoire pour les prisonniers, une avancée pour les droits

Le 14 mai, le gouvernement israélien et l’administration pénitentiaire ont été contraints de faire droit aux revendications des prisonniers palestiniens après ces semaines de lutte et une longue journée de négociations. Cette victoire est d’abord celle des prisonniers qui, en entamant avec une grande détermination une grève de la faim préparée de longue date, ont fait la preuve de leur haut niveau d’organisation et de conscience politique. La commission centrale de la direction de la grève de la faim des prisonniers palestiniens, réunie à la prison d’Ashkelon, a validé l’accord transmis par le médiateur égyptien et qui prenait en compte l’essentiel de leurs revendications : fin du dossier de la détention administrative (les détenus concernés seront jugés ou libérés), fin des mesures de mise à l’isolement, fin de la privation de visite pour les familles de Gaza…

La LDH a été partie prenante du soutien envers les prisonniers palestiniens avec ses partenaires tels la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ou le Collectif pour une paix juste et durable entre les Palestiniens et les Israéliens. Il s’agissait pour elle de faire l’unité la plus grande pour sauver des personnes que la mort guette quand ils sont au-delà d’un nombre élevé de jours de grève de la faim.
Plus de 1 600 prisonniers détenus dans les prisons israéliennes avaient déclenché une grève de la faim illimitée, depuis le 17 avril pour réclamer la fin de l’isolement (certains prisonniers sont en cellules d’isolement depuis plus de dix ans), l’autorisation des visites familiales aux prisonniers de Gaza (les visites ont été stoppées par mesure de vengeance après la capture du soldat Shalit), la fin des mesures répressives, continuellement durcies, envers les prisonniers (les fouilles humiliantes, l’interdiction d’étudier et de s’informer…), la fin de la détention administrative (arrestation arbitraire et détention illimitée et renouvelée de six mois en six mois au gré des services sécuritaires sans aucune signification des charges).

La levée par les autorités israéliennes des mesures de contrainte extrême contre les prisonniers est une très grande victoire. Elle a d’autant plus d’importance, qu’il s’agit d’un mouvement collectif d’ampleur nationale dont la popularité s’enracine dans la demande du respect des droits et dans l’unité des acteurs de la lutte. Dès lors, elle a pu imposer une sorte d’union à toutes les forces politiques palestiniennes qui a été déterminante pour faire reculer les autorités israéliennes, qui ne pouvaient plus, dès lors, ignorer que la mort de ces militants les mettraient dans une situation d’isolement. Elle est, par là même, la victoire de tous les Palestiniens qui ne lui ont pas ménagé leur soutien. Elle est intervenue malgré le mutisme des pays européens et des Etats-Unis, et a rencontré le soutien de l’opinion internationale.
 
Depuis 1967, plus de 800 000 Palestiniens ont connu les prisons israéliennes. Il n’est guère de famille qui n’ait été touchée, à un moment ou à un autre. 4 700 prisonniers sont détenus aujourd’hui en Israël, dont parmi eux 185 enfants ou jeunes de moins de dix-huit ans, 11 femmes, 27 députés, 2 anciens ministres, 41 universitaires, plus d’une centaine de personnes atteintes de maladies et de handicaps. 320 prisonniers sont soumis à la détention administrative. Ils sont détenus dans environ 21 prisons, 5 centres de détention, 4 centres d’interrogatoire, et au moins une installation secrète, le centre de détention 1391, tous lieux situés à l’intérieur d’Israël, en violation de l’article 49 de la quatrième Convention de Genève qui interdit les transferts forcés en dehors du Territoire occupé.

Thaer Halahleh et Bilal Diab, deux de ces prisonniers étaient en grève de la faim depuis plus de soixante-dix jours, et sont aujourd’hui dans le coma et risquent de mourir. Tous deux résidents de Cisjordanie, Ils ont été placés en détention administrative après leur arrestation, le 26 juin 2010 pour le premier et le 17 août 2011 pour le second. Telle qu’elle est pratiquée en Israël, la détention administrative est une forme de détention arbitraire. Elle permet à l’armée israélienne de détenir une personne pour une période de six mois renouvelables indéfiniment si des présomptions suffisantes permettent de penser que cette personne menace la sécurité de la zone ou la sécurité publique. Le détenu administratif est emprisonné sans accusation ni jugement, le plus souvent sur la base de « preuves » qualifiées de secrètes par l’armée et qui ne sont donc accessibles ni au détenu ni à son avocat. Dans ces conditions, il est impossible au détenu de contester efficacement son placement en détention devant la justice militaire israélienne. Les deux détenus ont entamé une grève de la faim le 29 février. Dans les semaines qui ont suivi, des centaines d’autres prisonniers palestiniens se sont joints à eux. Les prisons israéliennes ont compté plus de 2 000 grévistes de la faim dont plusieurs sont dans un état de santé très préoccupant. Pourtant, la Cour suprême israélienne a rejeté un recours demandant à ce que les dix prisonniers dont l’état de santé est le plus grave soient transférés dans un hôpital public mieux à même de répondre à leurs besoins que les services médicaux des prisons.

La LDH, agit pour obtenir du gouvernement israélien qu’il transforme la décision qu’il vient de prendre en réglementation permanente de façon à ce que le déni des droits des prisonniers ne se répète pas. Elle demande à ce que les tous les droits des personnes, dont les prisonniers ont été les fers de lance, soient respectés. La LDH considère que l’usage de la force ne débouche sur aucune solution au Proche-Orient. C’est la politique des droits pour tous, c’est l’égalité des droits qui sont porteuses d’avenir. Le fondement en est la cohabitation de deux Etats pour deux peuples dans des frontières internationalement reconnues. Le moyen en est la fin de l’occupation des territoires palestiniens. Et cela passe obligatoirement par la fin immédiate de la colonisation.

Share This
Soutenez les combats de la LDH

Les droits et les libertés ça n’a pas de prix, mais les défendre a un coût.