La LDH soutient le film « regarde ailleurs » d’Arthur Levivier

Sortie le 13 février 2019

C’est par hasard, et sans grande connaissance préalable du contexte, qu’Arthur Levivier, réalisateur de Regarde ailleurs, arrive à Calais en octobre 2016 : une amie lui a demandé de filmer le démantèlement de la « jungle » pour un documentaire qu’elle prépare sur ce sujet. Une fois sur place, il est profondément révolté par le décalage entre ce qu’il voit et ce que relaient les discours officiels et certains médias. Loin d’être une « opération humanitaire » comme on voudrait le faire croire, le démantèlement s’apparente à ses yeux, à une banale expulsion et à une démonstration de force. Pour lui qui est à l’origine de la création du collectif Actividéo, qui réalise des vidéos militantes, le choix est évident : il sera au plus près des exilés, avec lesquels il vivra 24 h sur 24, mais aussi auprès des associations et des militants.

Après ces premières images prises sur le vif, Arthur Levivier prend le temps de se documenter largement sur le sujet et retourne à Calais en juin 2017. Il se lie d’amitié avec les exilés restés sur place ou ceux revenus des Centres d’accueil et d’orientation où ils avaient été envoyés lors du démantèlement. Il recueille leurs témoignages, souvent bouleversants, partage et filme leur vie quotidienne. Celle-ci s’est sensiblement aggravée, elle est rythmée par le harcèlement et les violences policières, malheureusement impossible à filmer sans dispositif spécifique. Il revient donc deux mois plus tard, équipé de caméras de surveillance et de caméras cachées. Il enregistre alors ce qu’il est normalement impossible de filmer : CRS et services municipaux détruisant systématiquement abris et maigres possessions des exilés dissimulés dans la forêt, policiers intervenant brutalement au cours de distributions de repas le soir par des associations…

Il recueille également le témoignage de divers militants et d’associations qui se mobilisent en faveur des migrants, notamment l’Auberge des migrants, et donne une place conséquente à la parole de Sophie Djigo, auteure du livre Les migrants de Calais, qui permet de replacer la situation des exilés et l’expulsion du camp dans une vision d’ensemble.

Mais il fait aussi place aux discours des officiels (Maire de Calais, Préfète du Pas-de-Calais, Directeur départemental de la cohésion sociale…), aux fausses informations de certains médias, et il essaie de faire parler des CRS qui se retranchent derrière les ordres à exécuter. Surtout, il ponctue l’ensemble de ses images par des extraits de journaux télévisés et de discours politiques, de 1999 à 2018, diffusés sur un vieux poste de télévision posé sur des lieux symboliques (ancienne jungle, rocade, parking des camions qui partent vers l’Angleterre, etc…). Il va sans dire que les propos de ces très hauts responsables politiques sont en contradiction avec les images qu’il a captées : on entend parler d’humanité, de respect des exilés, mais la situation sur le terrain est tout autre.

Ce documentaire nous permet de partager au plus près le quotidien des exilés et de faire connaissance avec de nombreuses personnes très attachantes, souvent très jeunes, venant d’Erythrée, d’Ethiopie, d’Afghanistan, du Soudan, du Congo, etc., et dont, sans aucun doute, les propos resteront gravés en nous. Les propos, mais aussi le visage, le sourire, la beauté, le courage, la force incroyable dont ils font preuve, leurs chants, leurs danses autour d’un feu la nuit, leur capacité d’autodérision, leur profonde humanité. En témoignent, entre autres, l’organisation extraordinaire qu’ils avaient réussi à mettre sur pied dans la « jungle » et les graffiti, souvent pleins d’humour et d’espoir, qui y étaient dessinés.

« Il convient de rendre une humanité au terme « Migrants ». Ce n’est pas un troupeau en situation de transhumance. Ces hommes, ces femmes, ces enfants ont un nom, une histoire, avec un dénominateur commun : l’espérance de vivre dans une humanité sereine » précise le réalisateur. Son film, qui se veut pédagogique, doit participer grandement à ce dessein. Ainsi, un couple de Calaisiens, mal informés, qui, au début du documentaire, débite des propos anti-migrants, « hallucinent » quand ils apprennent ce qu’il en est vraiment et se révoltent contre le traitement infligé aux exilés…

Regarde ailleurs invite le spectateur à aller à l’encontre de l’injonction qui lui est faite de détourner les yeux de la réalité des migrants. En ces temps troublés où l’Europe se montre particulièrement insensible à leur sort, c’est un « documentaire d’intérêt général », comme l’a signalé un spectateur…

 

Thématiques du films : droits des étrangers, droit d’asile, politique de migration.

 

Regarde ailleurs

Réalisation : Arthur Levivier

Durée : 1h25

Film auto-produit

En savoir plus sur : https://filmregardeailleurs.com/

 

 

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