Génocide des Tutsi au Rwanda : Sosthène Munyemana condamné en appel à 24 ans de prison pour génocide, mais acquitté de crimes contre l’humanité

Communiqué commun FIDH, LDH, Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques (ADL) et Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR)

Dans un délibéré rendu jeudi 23 octobre 2025, la Cour d’assises d’appel de Paris a condamné Sosthène Munyemana à une peine de 24 ans de prison pour génocide. Le parquet avait requis la perpétuité. Aucune charge de crimes contre l’humanité n’a en revanche été retenue, contrairement au jugement de première instance.

Sosthène Munyemana a été condamné en tant qu’auteur de génocide constitué par des atteintes à la vie, ainsi que pour entente en vue de commettre un génocide, alors qu’il était gynécologue exerçant dans la préfecture de Butare au sud-ouest du Rwanda. Ces charges avaient déjà été retenues en première instance.La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), en tant que parties civiles, et l’organisation membre de la FIDH au Rwanda, l’Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques (ADL) regrettent toutefois la décision de la Cour d’acquitter l’accusé de la quasi-totalité des autres charges. Dans leur motivation, les juges ont souligné l’ancienneté des faits, le manque d’éléments matériels et l’impossibilité de recourir à des investigations techniques pour écarter cette qualification. Sosthène Munyemana avait été condamné en décembre 2023 à la même peine. La Cour d’assises avait toutefois retenu d’autres charges, à savoir, en tant qu’auteur, le crime de génocide constitué par des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique et le crime contre l’humanité constitué par des actes de torture ou actes inhumains. Il avait également été condamné en tant que complice pour crimes contre l’humanité constitués par des exécutions sommaires et enlèvements de personnes suivis de leur disparition. L’acquittement pour entente en vue de commettre un crime contre l’humanité, déjà prononcé en première instance, a lui été confirmé en appel.

La Cour d’assises avait notamment souligné que Sosthène Munyemana était pleinement inscrit dans la politique génocidaire du régime à laquelle il avait participé en usant notamment de son influence et de la notabilité conférée par sa fonction de médecin.

Sosthène Munyemana a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’assises d’appel de Paris le condamnant à 24 ans de prison.

Arrivé en France en 1994, juste après le génocide, il a exercé en tant que médecin urgentiste pendant plus de 20 ans, avant d’être arrêté en 2010. Une plainte avait été déposée en 1995 contre lui.

Le rôle de la France dans le génocide des Tutsi toujours pas reconnu

Cette condamnation en appel arrive près de 30 ans après les faits. Les procédures ouvertes en compétence universelle en France, bien qu’essentielles, restent particulièrement lentes pour les victimes. Dans le cadre de l’affaire Wenceslas Munyeshyaka, La France avait à ce titre été condamnée en 2004 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Par ailleurs, suite à l’appel formé par les parties civisles dont la FIDH et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la Cour de Paris a confirmé en décembre 2024 le non-lieu dans l’affaire de l’inaction des soldats français au Rwanda, dans le cadre de l’Opération turquoise.

Dans le contexte du génocide des Tutsis au Rwanda, la FIDH et la LDH se sont constituées parties civiles dans 14 procédures judiciaires, dont plusieurs ont abouti depuis 2014. En plus de Sosthène Munyemana, la justice française a notamment condamné Pascal Simbikangwa à 25 ans de réclusion criminelle pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité, Octavien Ngenzi et Tito Barahirwa, anciens bourgmestres de Kabarondo, à la perpétuité pour crime de génocide et crimes contre l’humanité et Laurent Bucyibaruta, ancien préfet de la préfecture de Gikongoro, à 20 ans de réclusion criminelle pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. Il est décédé en décembre 2023, avant l’audiencement de son procès en appel.

Paris, le 10 novembre 2025

Signataires : FIDH, LDH, Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques (ADL) et Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR)

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