6 novembre 2025 – Tribune « COP30 : Il en va de la survie de l’humanité  » publiée dans Reporterre

Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

lire la tribune sur reporterre

Alors que le Sommet des dirigeants aura lieu en amont de la COP30, il est essentiel que les États assument la responsabilité historique de lutter contre le réchauffement climatique, alertent les auteurs de cette tribune.

La COP30 sur le climat se prépare alors que la situation mondiale est de plus en plus dégradée : des chefs d’État ouvertement climatosceptiques gouvernent, des États bafouent le droit international sous nos yeux. Ainsi, le 16 septembre, la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qualifiait dans son rapport de « génocide » les actions menées par Israël à l’égard des Palestiniens dans la bande de Gaza.

Nous assistons donc à des attaques frontales contre les droits humains et à des reculs en matière de lutte contre la pauvreté, les inégalités, les discriminations et l’environnement. La lutte contre le changement climatique semble laissée de côté, pourtant celui-ci constitue désormais un lien incontournable entre toutes ces crises. À cet égard, le Sommet des dirigeants, qui aura lieu les 6 et 7 novembre à Belém, au Brésil, est une occasion historique pour les États d’enfin faire face à leur responsabilité.

L’Accord de Paris n’est pas une baguette magique

Il y a dix ans, un accord mondial historique se scellait à Paris, sous présidence française. Cet accord dit de Paris avait redonné espoir dans la capacité des États à mettre de côté leurs différends pour protéger l’humanité. Aujourd’hui, son avenir est compromis : selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, nous sommes sur une trajectoire alarmante de réchauffement entre 2,6 et 3,1 degrés avant la fin du siècle, bien supérieure à l’engagement pris en 2015 de ne pas dépasser la limite de 1,5 degré.

L’Accord de Paris n’est pas une baguette magique, il nécessite un véritable engagement politique. La Cour internationale de justice l’a rappelé le 23 juillet dernier : les plans climat des États doivent impérativement être compatibles avec la trajectoire de 1,5 °C, et chaque pays a le devoir d’adopter toutes les mesures nécessaires pour y parvenir.

Respecter l’Accord de Paris n’est donc pas une option, c’est une « obligation juridique » et une « responsabilité historique », selon les mots de la Cour internationale de justice. Cet accord doit tracer la voie d’une transition plus juste qui ne laisse personne de côté, accompagnant les travailleurs et travailleuses ainsi que les plus vulnérables vers des sociétés durables.

L’engagement européen est essentiel

Le temps où la France présidait les négociations en 2015 est un lointain souvenir. Si Emmanuel Macron veut honorer le titre de gardienne de l’accord de Paris que l’on prête à la France, il doit arrêter de freiner l’ambition climatique. Plutôt que de consacrer son énergie à détricoter les normes socio-environnementales européennes, son gouvernement pourrait s’engager pour un système agricole juste et écologique, ainsi que pour une protection de la biodiversité de la plus haute ambition, et, dans la foulée, défendre bec et ongles l’adoption d’un objectif climat européen 2040.

Cet engagement européen est une condition de la réussite de la COP30, une des clés qui permettront de restaurer la confiance avec les pays du Sud, éprouvés par l’hypocrisie et le manque de soutien financier des pays du Nord. Ces financements existent, encore faut-il avoir le courage politique de taxer les entreprises de l’industrie fossile et les milliardaires, responsables de la crise climatique.

Mais concernant la sortie des énergies fossiles justement, la France n’est pas au rendez-vous non plus. Elle continue d’ouvrir de nouveaux sites d’exploitation d’énergies fossiles, et laisse les entreprises françaises les multiplier partout dans le monde, avec l’appui des banques, assureurs et investisseurs nationaux, au détriment du déploiement des énergies renouvelables.

Faillite de la France sur ses outre-mer

La France a failli sur un autre volet dont on ne parle pas assez : sa responsabilité vis-à-vis des territoires ultramarins. Les outre-mer, pourtant en première ligne de la crise climatique, ne bénéficient pas de la stratégie d’adaptation et de prévention nécessaire pour faire face à des catastrophes comme Chido, à Mayotte. La COP30 se tiendra aux portes de la Guyane, composée à 90 % de forêts tropicales humides d’une richesse exceptionnelle.

Ce voisinage oblige la France à regarder en face sa responsabilité particulière : celle d’un État qui porte la voix de l’Accord de Paris, mais qui, dans ses propres territoires ultramarins, peine à protéger ses habitants et ses écosystèmes des ravages climatiques, et n’a toujours pas ratifié la Convention reconnaissant les droits des peuples autochtones.

Les écologistes réprimés

Partout dans le monde, les libertés d’expression, de manifestation et d’association sont menacées. Depuis l’adoption de l’Accord de Paris, en 2015, au moins 1 700 personnes ont été tuées pour avoir défendu les terres et l’environnement, ainsi que leurs droits et ceux des générations futures [1].

En France, les personnes qui s’unissent et se mobilisent pour protéger les terres d’infrastructures néfastes font face à une répression croissante. Dans ce contexte, garder espoir devient chaque jour plus difficile. Et pourtant, cet espoir reste notre seul horizon, pour continuer à défendre les îles menacées de submersion, les écosystèmes de disparition et les populations contraintes de trouver refuge.

Une crise au cœur de toutes les crises

Depuis des mois, la société civile brésilienne, d’Amérique latine et du monde travaille à l’organisation d’un Sommet des peuples, un espace hors des tensions des négociations officielles de la COP30. En son sein s’organisera la résistance collective face au musellement des voix dissidentes et face à l’inaction des gouvernements. Les moyens avec lesquels elle agira sont encore inconnus à l’heure où l’on publie, mais un manifeste a d’ores et déjà été diffusé.

Dans tous les cas, la COP30 devra être un moment assez fort pour répondre au contexte alarmant qui est le nôtre et pour rappeler que la crise écologique est au cœur de toutes les autres crises. Nous n’avons plus le temps de nous voiler la face, le climat ne peut plus être une variable d’ajustement politique. Il en va de la survie de l’humanité.

[1Le nombre de 1 700 a été obtenu en additionnant les chiffres annuels de l’ONG Global Witness entre 2015 et 2024.

Signataires :

Amand Camille, Présidente, ActionAid France; Amieux, Virginie, Présidente, CCFD-Terre Solidaire; Anvroin, Yannick, Administrateur, Fédération Artisans du Monde; Arouche, Sophia, Responsable des programmes de recherches, Ghett’up; Barbarini, Christophe, Président, Solidarité Recours Péi (la Réunion); Barthas, Matthieu, Président, Guyane Nature Environnement; Benusiglio, Sylvain et Nguyen Marie, Co-Président et Co-Présidente, Association Le Taille-Vent; Bidaubayle, Altynaï, Chargée de campagnes, World’s Youth For Climate Justice; Bindé, Franzeska, Porte-Parole, ANV-COP21; Bonnet-Semelin, Lydie, Présidente, Fondation Terre Solidaire; Bordeau, Zoé, Responsable de programme, Initiative Développement; Bosman, Pierre, Porte-Parole, Cilaos mon amour; Bougrain Dubourg, Allain, Ligue pour la Protection des Oiseaux; Bourse, Didier, Membre bureau collegial, Attac Réunion; Broudic, Léo, Doctorant, Agence de Recherche pour la Biodiversité à La Réunion; Brucks, Nathalie, Présidente, Latopia; Buchet, Eric, Président, Experts-Solidaires; Chaboche, Adrien, Délégué Général, Emmaüs International; Châle, Luc, Co-fondateur, Global Youth Biodiversity Network; Créach, Morgane, Directrice Générale, Réseau Action Climat; Crochelet, Estelle, Directrice, Agence de Recherche pour la Biodiversité à La Réunion; De Saint Sauveur, Armelle, Responsable Communication et Plaidoyer, Slow Food France; Dérand, Didier, Président, Vivre Activement pour Garder un Environnement Sain; Deusy, Louis, Référent, Pour un réveil écologique; Diaz Gonzales, Raquel, Coordinatrice des activités antinucléaires, Réseau Sortir du Nucléaire; Domizi, Marie-Gabrielle, Présidente, Observatoire National des Alimentations Végétales; Duchemann, Yvette, Vice-Présidente Oasis Réunion; Elouardi, Noura, Coordinatrice Exécutive, Centre de Recherche et d’Information pour le Développement; Franco, Amélie, Porte-Parole, GreenFaith; Futhazar, Jean-Claude, Président, Société réunionnaise pour l’étude et la protection de la nature; Gatet, Antoine, Président, France Nature Environnement; Gérard, Didier, Administrateur, Humusation France; Grimma, Guillaume, Responsable légal, Effet de Serre Toi Même; Gueye, Idrissa, Coordinateur, Consortium des organisations de jeunes saint louis; Guilbert, Murielle, Co-déléguée, Union syndicale Solidaires; Guiochon, Edith, Coordinatrice par intérim, Coalition Eau; Hoareau, Linda, Secrétaire, KOLAIR974; Huet, Damien, Co-Directeur, Association pour la transition Bas Carbone; Huet, Nicolas, Président, Association Nature Océan Indien; Julliard, Jean-François, Directeur Général, Greenpeace France; La Porte, Gilbert, Président, Domoun la Plaine; Larrieu, Jean-Philippe, Président, No Plastic in my Food; Lassaire, Jean-Pierre, Référent, Association A.R.B.R.E.S Arbres-Remarquables Bilan Recherche Études Sauvegarde; Laroutis, Anne, Présidente, Manifestation.Alternatif.France; Lauverjat, Nadine, Déléguée Générale, Générations Futures; Lebedel, William, Friendship France; Le Floch, Claire, Fondatrice, Cataliz; Leger, Christian, Président, Société d’Etudes Ornithologiques de la Réunion; Lemarchand, Bruno, Président, Santé en Transition; Maugard, Jean-Paul, Président, Fédérations des Associations Agréées de Pêche et de la Protection des Milieux Aquatiques de la Réunion; Morbo Eric, Directeur, Surfrider Foundation Europe; Moreira, Véronique, Présidente, Women Engage for a Common Future; Morel Alexandre et Croce Emmanuela, Co-Directeur et Co-Directrice, CARE France; Morel, Bruno, Président, Emmaüs France; Moreau-Gabarain, Laetitia, Association Citoyenne pour une Heure Equitable et Durable; Morvan, Claire, Présidente, Plus de Climat dans les Médias; Mouls, Emmanuelle, Déléguée Générale, Renaissance Ecologique; Mouraud, Anne-Sophie, Présidente, Coexistence Crew; Noury, Martine, Présidente, Association K-pab6T; Paillard, Ismaël, Président, Fridays Fur Future; Payen, Magalie, Directrice, On est prêt; Penin, Juliette, Présidente, Orchestre du Nouveau Monde; Petitbon, Fanny, Responsable France, 350.org;  Pinault, Mathieu, Président, Tran’Sphère environnement; Pinson, Lucie, Directrice Générale, Reclaim Finance; Poncelet Jean-Baptiste, Directeur Action Carbone Solidaire, Fondation GoodPlanet; Prosperi, Clara, Co-Présidente, Déclic collectif; Rossetti, Agnes, Présidente, ONG Initiative Environnement; Rouach, Déborah, et Apostoly, Alice, Co-Directrices, Institut du Genre en Géopolitique; Saladin, Olivier, Administrateur, Paysages de France; Savinel, Anne, Présidente, Amnesty International France; Siegfried, René, Secrétaire, Alerte Océan Indien; Suissa, Jérémie, Délégué Général, Notre Affaire à Tous; Tamagny, Gaspard, Porte-Parole, Alternatiba; Tehio, Nathalie, Présidente, Ligue des Droits de l’Homme; Temaui Jason, Président, Te Motu; Trainar, Nadia, Responsable Programme Climat, Geres; Ungria, Adèle, Co-coordinatrice de plaidoyer, Jeunesse Ambassadrice pour le Climat et la biodiversité; Vesic, Kamera, Directrice, PIKPIK Environnement; Vornière, Caroline, Présidente, Association Germin’Acteurs; Yamamoto, Youlie, Porte-Parole, Attac France; Zaidat, Léa, Coordination des mobilisations (Paris), Action Justice Climat

Soutenez les combats de la LDH

Les droits et les libertés ça n’a pas de prix, mais les défendre a un coût.