Lettre ouverte commune signée par la LDH
L’année dernière, les gouvernements de l’Union européenne (UE) ont invité 113 lobbyistes du secteur des énergies fossiles à la COP29, selon une analyse des campagnes Kick Big Polluters Out et Fossil Free Politics.
Cependant, en partie grâce à la pression des organisations signataires, la Commission européenne n’a pas invité de lobbyistes du secteur des énergies fossiles l’année dernière, ce qui constitue un changement majeur par rapport aux COP précédentes, où elle avait invité des lobbyistes, notamment des cadres supérieurs de BP, Exxon et Eni. Nous continuerons à faire pression sur la Commission européenne et les Etats membres pour qu’ils cessent d’accorder l’accès aux lobbyistes du secteur des énergies fossiles.
Ils n’inviteraient jamais des lobbyistes du tabac à une conférence mondiale sur la santé, alors pourquoi inviteraient-ils des lobbyistes du secteur des énergies fossiles à une conférence sur le climat ?
À l’approche de la COP30, les organisations signataires appellent désormais le responsable climat de l’UE, le commissaire Wopka Hoekstra, à ne pas inviter à nouveau les lobbyistes des énergies fossiles aux négociations climatiques de l’ONU cette année, et à inciter les Etats membres à faire de même. Nous exhortons également la Commission à plaider en faveur d’un cadre de responsabilité de la CCNUCC et à élaborer une politique européenne solide en matière de conflits d’intérêts afin de protéger les négociations climatiques et l’élaboration des politiques contre toute influence indue.
À : Wopke Hoekstra, commissaire européen chargé du Climat
CC : Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
CC : Teresa Ribera, commissaire européenne
Cher commissaire européen chargé du climat, Wopke Hoekstra,
Objet : Démontrer le véritable leadership climatique de l’UE lors de la COP30
Nous vous écrivons en réponse à votre lettre datée du 30 juillet 2025 concernant le soutien à un cadre de responsabilité visant à protéger contre l’influence indue des pollueurs lors de la SB62 de la CCNUCC à Bonn au début de cette année. [1] Cela fait suite à notre précédente correspondance du 4 novembre 2024, dans laquelle nous avions fait part de nos préoccupations concernant l’ingérence des énergies fossiles dans le processus climatique des Nations unies avant la COP29.[2] Malheureusement, ces préoccupations restent plus urgentes que jamais.
Cette année, l’Europe a une nouvelle fois été témoin de la réalité dévastatrice de la crise climatique. Le mois de mars a été le plus chaud jamais enregistré, en particulier en Europe de l’Est. Deux vagues de chaleur majeures, de mi-juin à début juillet[3], ont entraîné des températures sans précédent dans des pays comme l’Espagne. Entre juin et août, environ 24 400 personnes sont décédées des suites de la chaleur dans 854 villes européennes. Ces tragédies ne sont pas des événements isolés, elles sont le résultat direct de décennies de retard et d’obstruction de la part de ceux qui tirent profit des combustibles fossiles.
Malgré des avertissements scientifiques clairs, l’industrie des combustibles fossiles continue d’influencer les politiques et de ralentir les progrès[4]. Au cours du dernier mandat de la présidente Von der Leyen, la Commission européenne a tenu près de 900 réunions avec des lobbyistes du secteur des combustibles fossiles, qui ont utilisé leur accès privilégié pour influencer les politiques. [5] Le même schéma se retrouve lors des négociations climatiques de l’ONU : plus de 1 700 représentants des énergies fossiles ont participé à la COP29, soit plus que tous les délégués des dix pays les plus vulnérables au changement climatique réunis.[6] Ce schéma d’accès privilégié sape la confiance du public et l’intégrité du processus décisionnel en matière de climat.
La COP30 est un moment charnière. À Belém, les gouvernements se réuniront une nouvelle fois pour tenter de faire progresser les objectifs convenus dans le cadre de l’accord de Paris et limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C. L’Union européenne a une occasion cruciale de faire preuve d’un véritable leadership en matière de climat, non seulement en s’engageant à éliminer progressivement les combustibles fossiles, mais aussi en veillant à ce que les intérêts liés à ces derniers ne puissent pas bloquer ou affaiblir cette transition.
Nous saluons votre engagement en faveur d’une action climatique plus forte et reconnaissons la décision positive prise par la Commission européenne d’exclure les dirigeants du secteur des énergies fossiles de sa délégation officielle à la COP29. Cependant, les États membres de l’UE ont tout de même inclus plus de 113 lobbyistes du secteur des énergies fossiles dans leurs délégations nationales[7]. Si l’UE souhaite réellement mener la transition vers l’abandon des énergies fossiles, elle doit agir de manière décisive pour limiter l’influence indue de ce secteur lors de la COP30 et au-delà.
Nous notons également qu’en raison de la pression soutenue exercée par la société civile, le Secrétariat de la CCNUCC a récemment annoncé une série de mesures invitant tous les participants non gouvernementaux à ses processus à divulguer qui finance leur participation à la COP30 et à confirmer publiquement par écrit que leurs objectifs individuels sont pleinement conformes à la CCNUCC, à l’accord de Paris et au protocole de Kyoto. Cette mesure attendue depuis longtemps fait suite à un dialogue de plusieurs années dans le cadre du processus d’examen des observateurs et à des années de plaidoyer visant à lutter contre l’influence des industries polluantes sur l’élaboration des politiques climatiques. Elle représente une étape importante vers une plus grande transparence et des mécanismes de responsabilité plus larges nécessaires pour limiter l’ingérence de l’industrie des combustibles fossiles. Bien que cette évolution soit bienvenue, elle reste insuffisante en soi pour garantir l’intégrité du processus décisionnel international en matière de climat. [8]
Afin de protéger l’intégrité de l’élaboration des politiques climatiques, tant au sein de l’UE qu’à l’échelle mondiale, nous vous invitons instamment à prendre les mesures suivantes :
a) N’accordez pas d’accréditation au sommet climatique des Nations unies (y compris les badges supplémentaires) aux lobbyistes ou aux dirigeants du secteur des énergies fossiles, et excluez-les de la délégation de la Commission européenne à la COP30 et aux futures négociations, en vous appuyant sur votre propre exemple positif à la COP29. Encouragez les États membres à faire de même. Ce n’est qu’en écartant les intérêts particuliers que l’UE pourra restaurer sa crédibilité et diriger avec intégrité.
b) Plaidez en faveur d’un cadre de responsabilité de la CCNUCC afin de protéger les négociations contre toute influence indue, en vous appuyant sur des précédents tels que l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac[9]. Les nouvelles exigences de la CCNUCC visant à divulguer qui finance la participation d’un délégué constituent une étape importante, mais une véritable responsabilité va plus loin.
c) Elaborer une politique solide au niveau de l’UE en matière de conflits d’intérêts afin de protéger l’élaboration des politiques publiques de l’ingérence des énergies fossiles, en alignant la gouvernance européenne sur l’ambition et l’urgence de ses objectifs climatiques.
La coalition Fossil Free Politics, qui représente plus de 200 organisations à travers l’Europe et le monde, surveillera la présence et l’influence des lobbyistes des énergies fossiles lors de la COP30. Nous sommes impatients de faire le point avec votre cabinet après le sommet afin de discuter des progrès réalisés sur ces questions cruciales.
À ce moment décisif, l’Europe doit relever le défi. Un véritable leadership climatique signifie s’opposer à ceux qui profitent des retards et veiller à ce que la politique climatique serve les intérêts des citoyens et de la planète, et non ceux des pollueurs.
Cordialement,
Nathan Stewart
Coordinateur de Fossil Free Politics
100 organisations signataIres dont la LDH
Le 1er novembre 2025
