Tribune collective dont la LDH est signataire
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Zaïd, un jeune militant antifasciste syrien résidant en Allemagne et réfugié en France, est recherché par la Hongrie pour avoir, selon ses accusateurs, agressé des néonazis qui défilaient à Budapest le 10 février 2023. L’ audience pour sa possible extradition a lieu à Paris ce 12 novembre. Nous publions ce texte collectif.
Nous avions déjà évoqué l’importance de l’affaire Budapest lors de la procédure judiciaire de Gino, terminée en juin 2025 par sa libération et le refus de son extradition par la Cour d’Appel de Paris. Pour rappel, chaque mois de février depuis 1997, Budapest est le théâtre de la « Journée de l’honneur », un défilé organisé par des groupuscules néonazis venus de toute l’Europe, en commémoration de la tentative des troupes nazies et collaborationnistes hongroises de fuir la ville en février 1945. Non seulement la manifestation est tolérée par le pouvoir en place, mais à en croire l’inquiétude de plusieurs députés européens, elle serait même appuyée par des fonds publics depuis l’arrivée de Viktor Orban au pouvoir.
En 2023, un rassemblement antifasciste était organisé pour protester contre la tenue de cet événement. Depuis, la Hongrie tient une vingtaine de militants antifascistes européens pour coupables des heurts qui ont éclaté entre militants de gauche et néonazis les 10 et 11 février. Lors des procès qui leur sont intentés, les seuls matériaux faisant office de preuves sont des extraits de caméras de vidéosurveillance, sur lesquels aucun de ces accusés n’est reconnaissable. Les témoins et victimes ont également été incapables de les identifier comme leurs agresseurs.
Pour autant, Viktor Orbán lui-même, les principaux représentants de son gouvernement, les eurodéputés hongrois d’extrême droite et la presse locale affiliée au pouvoir les désignent régulièrement comme un « gang » de voyous, de criminels ou encore de terroristes, sans aucun égard pour le principe de présomption d’innocence. Constamment pointée du doigt par la Commission européenne pour sa vulnérabilité face aux pressions politiques et médiatiques, dans le cadre de violations systémiques de l’État de droit en Hongrie, la justice hongroise a largement prouvé son inaptitude à juger les accusés de manière impartiale.
Le cas de l’enseignante italienne Ilaria Salis, uniquement sauvée d’une peine injuste par une mobilisation ayant conduit à son élection au Parlement européen en juin 2024, est particulièrement parlant. Arrêtée dans un taxi, accusée successivement et de façon douteuse de différents chefs d’inculpation, puis emprisonnée « par mesure de précaution » pendant près de 15 mois, elle a subi un procès politique méprisant la plupart des garanties prévues par le droit européen, étant par exemple présentée devant la cour enchaînée et tenue en laisse par des gardiens cagoulés. Inculpée pour agressions dont ont résulté des lésions mineures, elle risque jusqu’à 24 ans de prison si elle ne plaide pas coupable, 11 ans dans le cas contraire. Par contraste, les militants néonazis qui ont mené des représailles dans les rues de Budapest après les agressions en question ont seulement écopé de quelques jours d’enfermement.
Le tribunal de Milan ne s’y est pas trompé : en mars 2023, quand un militant italien visé par un mandat d’arrêt européen lancé par la Hongrie a été arrêté, la demande d’extradition a essuyé un refus net, par crainte d’un traitement inhumain, de violations des droits fondamentaux de l’accusé, et de la disproportion entre les faits reprochés et les peines requises.
Depuis le début de l’affaire Budapest, les institutions policières et judiciaires allemandes, pays dans lequel résident la majorité des inculpés, se sont montrées très perméables aux institutions hongroises. Maja, détenu·e à Budapest en isolement depuis juin 2024, a été extradé·e illégalement par la police allemande sans attendre le jugement définitif de la part de la Justice. Depuis, iel est enfermé·e dans des conditions indignes qui sont en train de lui causer de dangereux problèmes de santé. En parallèle, la sentence à 5 ans de prison ferme pour Hanna, prononcée en septembre 2025, a confirmé l’acharnement répressif de l’Etat allemand.
Nous tenons à rappeler que la répression en Allemagne, notamment depuis 2020 et par l’utilisation de l’article 129 (participation à une organisation criminelle) en tant qu’outil de criminalisation des organisations politiques, est un phénomène qui touche des nombreux mouvements de gauche et dont l’affaire Budapest n’est que l’exemple le plus visible par les moyens mobilisés et la dureté des chefs d’accusation.
En effet, les inculpés qui sont ou seront jugés en Allemagne sont entre autres accusés de tentative de meurtre alors que des médecins spécialistes, appelés par le procureur et qui ont témoigné au procès de Hanna, ont démontré que l’utilisation de ce chef d’accusation est absolument disproportionné par rapport à la réalité des faits.
Zaïd, militant antifasciste syrien résidant en Allemagne au moment de l’affaire, est aussi concerné par cette répression absurde menée par les autorités hongroises. Il a récemment décidé de trouver refuge en France, à cause de ce que les autorités allemandes ont fait à Maja, et parce que la justice française semble moins perméable aux velléités du régime d’Orban, comme elle l’a déjà montré ces derniers mois dans le cas de Gino.
Nous sommes solidaires de Zaïd. En conséquence, nous mettrons tout en place pour qu’il ne soit ni extradé vers la Hongrie, ni déporté vers la Syrie. La justice française doit poursuivre la voie dans laquelle elle s’est engagée à travers le cas de Gino, à savoir la défense des libertés fondamentales et le refus de toute collaboration avec un régime autoritaire.
La prochaine audience aura lieu à Paris le 12 novembre 2025. Un rassemblement de soutien sera organisé place du Châtelet le même jour à 14h30. Nous espérons vous y voir, et vous invitons d’ici là à suivre les actualités de l’affaire Budapest via la page Instagram @comité_solidarite_budapest.
Signataires :
LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Andrea Angelini, enseignant-chercheur en philosophie à l’Université Paris 8
Gilbert Achcar, professeur émérite, SOAS, Université de Londres
Pouria Amirshahi, député
Eric Alliez, professeur de philosophie à l’Université Paris 8
Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis, l’Après
Éric Aunoble, historien
Manon Aubry, eurodéputée, Co-Présidente de The Left au Parlement Européen
Mathieu Bellahsen, psychiatre et lanceur d’alerte
Stéphane Berard artiste
Hourya Bentouhami, professeure de philosophie à l’Université Toulouse Jean Jaurès
Jean-François Bayart, professeur à l’Institut de Hautes Études Internationales et du Développement de Genève
Antoine Bazantay, conseiller politique au Parlement Européen
Stéphane Berard, artiste
Vincent Brengarth, avocat au Barreau de Paris
Michael Bishop, professeur émérite à l’Université Dalhousie, Canada
Mikkel Borch-Jacobsen, philosophe et professeur de littérature comparée à l’Université de Washington
Michel Broué, mathématicien, professeur émérite de l’univisté Paris Cité
Olivier Besancenot, membre du NPA, ancien candidat à la présidentielle
Coline Bouillon, avocate au Barreau du Val de Marne
Mélissa Camara, eurodéputée
Damien Carême, eurodéputé
Éric Chauvier, professeur d’anthropologie
Déborah Cohen, maîtresse de conférences en histoire
Alexis Corbière, député
Bernard Dreano, président de l’Assemblée européenne des citoyens HCA-France
Hendrik Davi, député
Bernard Dreano, président de l’Assemblée européenne des citoyens HCA-France
Serge Deruette, professeur de sciences politiques à l’Université de Mons, Belgique
Nelcya Delanoë, historienne
Stéphane Douailler, professeur émérite de philosophie à l’Université Paris 8
Marianne Dumoulin, productrice
Jelena Đureinović, historienne
Jörn Etzold, professeur d’études théâtrales, Université de la Ruhr, Bochum, Allemagne
Emma Fourreau, eurodéuptée
Alexandre Frondizi, maître de conférence Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Davide Gallo Lassere, maître de conférence à l’Institut parisien de l’Université de Londres
Corinne Ferrarons, présidente Igapo Project
Éric Fassin, sociologue
Matteo Gagliolo, professeur à l’Université Libre de Bruxelles
Geneviève Garrigos, conseillère de Paris
Corinne Gobin, professeur de l’Université libre de Bruxelles
Federica Giardini, professeure de philosophie à l’Université Roma Tre, Italie
Anouk Grinberg, actrice
Alexandre Frondizi, maître de conférence Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Arnaud François-Mansuy, philosophe, professeur à l’Université de Poitiers
Rima Hassan, eurodéputée
Axel Honneth, professeur de philosophie, Université de Columbia, États-Unis
Anthony Ince, géographe, université de Cardiff, Pays de Galles
Chantal Jacquet, philosophe
David Jamar, sociologue enseignant-chercheur à l’Université de Mons, Belgique
Thomas Lacoste, cinéaste, La Bande Passante
Xavier de Larminat, maître de conférences en sciences politiques, Université de Rouen
Christian Lazzeri, professeur émérite de philosophie à l’Université de Paris Nanterre
Frédéric Lebaron, sociologue
Jerôme Lèbre, philosophe
Jacques Lezra, professeur de philosophie et de philologie à l’Université de Californie Riverside
Manuel Labbé, adjoint au maire de Rouen
Geoffroy de Lagasnerie, philosophe et sociologue
Stathis Kouvélakis, philosophe
Mimmo Lucano, eurodéputé
Caroline Mecary, avocate
Sandro Mezzadra, philosophe, Université de Bologne, Italie
Christophe Mileschi, professeur des universités
Marla Morris, philosophe, Georgia Southern University, États-Unis
Maud Meyzaud, enseignante-chercheuse
Jerome Montchal, directeur de la scène nationale Équinoxe de Châteauroux
Shanti Mouget, danseuse classique
Renaud Orain, sociologue et démographe à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Nouria Ouali, professeure de l’Université libre de Bruxelles
Pablo Oyarzun, Professeur de Philosophie, Université du Chili
Ugo Palheta, sociologue, Université de Lille
Christophe Pecout, maître de conférences
Louis Pinto, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS
Mouhad Reghif, porte-parole de Bruxelles Panthères
Matthieu Renault, professeur de philosophie à l’Université Toulouse Jean Jaurès
Avital Ronell, professeur à la New York University
Yves Sintomer, professeur de sciences politiques, Université de Paris 8
Martin Schirdewan, eurodéputé, Co-Président de The Left au Parlement Européen
Antonino Sciotto, doctorant à l’Università degli Studi del Piemonte Orientale, Italie
Danielle Simonnet, députée
Maria Stavrinaki, professeure d’histoire de l’art à l’Université de Lausanne, Suisse
Alessandro Stella, historien (CNRS-EHESS)
Isabelle Stengers, philosophe
Sophie Taillé-Polian, députée
Nathalie Tehio, présidente de la LDH
Enzo Traverso, historien
Éric Vuillard, écrivain et cinéaste
Françoise Vergès, politologue et militante féministe décoloniale
Sophie Wahnich, historienne
Youlie Yamatoto, porte-parole d’Attac France
Michelle Zancarini-Fournel, historienne
Pierre Zaoui, maître de conférence en philosophie
Editions Premiers Matins de Novembre
Nadège Abomangoli, député
Laurent Alexandre, député
Gabriel Amard, député
Ségolène Amiot, député
Farida Amrani, député
Rodrigo Arenas, député
Raphaël Arnault, député
Anaïs Belouassa-Cherifi, député
Ugo Bernalicis, député
Christophe Bex, député
Carlos Martens Bilongo, député
Manuel Bompard, député
Idir Boumertit, député
Louis Boyard, député
Pierre-Yves Cadalen, député
Aymeric Caron, député
Sylvain Carrière, député
Gabrielle Cathala, député
Bérenger Cernon, député
Sophia Chikirou, député
Hadrien Clouet, député
Éric Coquerel, député
Jean-François Coulo, député
Sébastien Delogu, député
Aly Diouara, député
Alma Dufour, député
Karen Erodi, député
Mathilde Feld, député
Emmanuel Fernandes, député
Sylvie Ferrer, député
Perceval Gaillard, député
Clémence Guetté, député
David Guiraud, député
Zahia Hamdane, député
Mathilde Hignet, député
Andy Kerbrat, député
Bastien Lachaud, député
Abdelkader Lahmar, député
Maxime Laisney, député
Arnaud Le Gall, député
Aurélien Le Coq, député
Antoine Léaument, député
Élise Leboucher, député
Jérôme Legavre, député
Sarah Legrain, député
Claire Lejeune, député
Murielle Lepvraud, député
Élisa Martin, député
Damien Maudet, député
Marianne Maximi, député
Marie Mesmeur, député
Manon Meunier, député
Jean-Philippe Nilor, député
Sandrine Nosbé, député
Danièle Obono, député
Nathalie Oziol, député
Mathilde Panot, député
René Pilato, député
François Piquemal, député
Thomas Portes, député
Loïc Prud’homme, député
Jean-Hugues Ratenon, député
Arnaud Saint-Martin, député
Aurélien Saintoul, député
Ersilia Soudais, député
Anne Stambach-Terrenoir, député
Aurélien Taché, député
Andrée Taurinya, député
Matthias Tavel, député
Aurélie Trouvé, député
Paul Vannier, député
