Nouvelle-Calédonie : une terre qui reste à décoloniser

Par la LDH de Nouvelle-Calédonie

La France a ratifié le Pidesc, qui s’applique de facto à la Nouvelle-Calédonie. Pour autant, la Nouvelle-Calédonie ne rédige pas de rapport distinct mais est assimilée à la France malgré son histoire, les compétences transférées, le statut et la place particuliers qu’elle occupe au sein de la République française.

Cette absence de remise de rapport calédonien au comité est à déplorer : collectivité territoriale à statut particulier, la Nouvelle-Calédonie est inscrite dans un processus d’autodétermination, de reconnaissance de l’identité kanak et de rééquilibrage des droits économiques et sociaux. En effet, l’Accord de Nouméa de 1998 crée une citoyenneté calédonienne au sein de la nationalité française. Il prévoit également un transfert progressif, de l’Etat vers la Nouvelle-Calédonie, de compétences dont un certain nombre relèvent du Pidesc (santé, travail, éducation, etc.).

La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 organise la répartition des compétences entre les différentes institutions locales : gouvernement, provinces, communes. En ce sens, certaines mesures législatives adoptées en France ne s’appliquent pas de facto en Nouvelle-Calédonie. En application du principe de spécialité législative, les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse, à l’exception des lois de souveraineté et des textes relevant de l’article 6-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.

Il est important de souligner les progrès dans la prise en compte de la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie : le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a rédigé un rapport sur la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedef) en Nouvelle-Calédonie, intégré dans le dernier rapport périodique de la France remis au Comité Cedef. Ceci tend à démontrer la nécessité pour la Nouvelle-Calédonie de rédiger des rapports spécifiques au pays sur les compétences qui lui sont transférées.

 

ONG et syndicats de la Plateforme Desc recommandent à la France de :

185. Rédiger un rapport sur la mise en œuvre du Pidesc, spécifique à la Nouvelle-Calédonie sur les compétences qui lui sont propres (travail, éducation, etc.).

 

Un droit à l’autodétermination méconnu

Le gel du corps électoral a été constitutionnalisé en Nouvelle-Calédonie, par l’Accord de Nouméa de 1998. Celui-ci accompagne le processus de décolonisation, en prévoyant notamment un ensemble de mesures transitoires de rééquilibrage.Ces mesures passent par des différences légales de traitement destinées à compenser des discriminations systémiques antérieures, et à donner au peuple Kanak et aux populations arrivées avant 1998 et justifiant de dix ans de présence davantage de poids dans les décisions politiques qui les impliquent. Malheureusement, l’absence du tableau annexe issu du scrutin du 8 novembre 1998, prévu par l’Accord constitutionnel, a généré des irrégularités dans les inscriptions sur les listes, qui contribuent aujourd’hui à entretenir malentendu et sentiment d’injustice sur cette question.

Un « tableau annexe » absent

L’absence du tableau annexe issu du scrutin du 8 novembre 1998, prévu par l’Accord constitutionnel est à l’origine de la situation très confuse et conflictuelle que la Nouvelle-Calédonie traverse actuellement. Si tout le monde est d’accord sur le constat, aucune explication n’est apportée sur cette inexistence, comme si elle était normale. Pourtant, l’Etat, gardien des listes électorales, est le grand responsable de cet imbroglio politique et de ce fiasco juridique.

Le Préambule de l’Accord de Nouméa, dans un esprit de destin commun, a voulu intégrer dans un même corps électoral toutes les populations du Territoire, kanak et autres. Pour cela les textes prévoyaient un « tableau annexe » comprenant la liste de l’ensemble des personnes arrivées sur le Territoire entre 1988 et 1998 et qui remplissaient certaines conditions cumulatives nécessaires. Au fur et à mesure que ces personnes atteignaient les dix ans de présence, elles pouvaient passer du tableau annexe de 1998 à la liste spéciale de l’année en cours. Pour assurer ce transfert, des commissions administratives spéciales se sont réunies chaque année depuis 1999.

Or, il est maintenant dit – mais non expliqué – que ce tableau annexe de 1998n’aurait tout simplement jamais existé.  Cette information est très inquiétante puisque ce tableau annexeest inscrit dans la loi et que s’il n’a jamais existé, alors la loi n’a pas été appliquée, voire bafouée ou transgressée par les représentants de l’Etat. Les politiques hexagonaux, de droite comme de gauche, ne s’en sont pas, jusqu’à maintenant, inquiétés, et ce, alors même que le Sénat et l’Assemblée Nationale se sont réunis à Versailles le 19 février 2007 pour régler le litige de l’époque sur le corps électoral (glissant ou figé) et se sont expressément référés à ce tableau pour dire qu’il servirait de repère. Les 869 parlementaires de la République auraient donc adopté à une large majorité un tableau qui n’existait pas. Pendant plus de dix ans, les commissions administratives spéciales, à défaut d’avoir entre les mains le tableau annexe de 1998, ont fait comme si toutes les personnes présentes sur le territoire avant 1998 y étaient fatalement inscrites : un raccourci plus politique que juridique, car c’est confondre « être présent » et « être inscrit ». En effet, bon nombre de personnes, bien qu’arrivées entre 1988 et 1998, ne s’étaient pas inscrites sur la liste générale des électeurs à la date du 8 novembre 1998.

La réponse tardive de l’Etat aux nombreuses questions de la société civile (pourquoi les responsables des commissions, n’ont pas exigé ce tableau ? Pourquoi n’a-t-il pas été dressé par l’Etat le 8 novembre 1998 ?) a consisté à donner la liste générale de février 1998, qui exclut les électeurs inscrits entre février et novembre 1998, ce qui ne fait qu’entretenir la confusion et la difficulté de compréhension des électeurs. Cette confusion est d’autant plus inquiétante qu’aux termes de l’Accord de Nouméa de 1998, la France s’engage à transférer certains pouvoirs au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d’ici 2018, date à laquelle un référendum devra être organisé sur le transfert des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté par nationalité. Un référendum d’ores et déjà contesté du fait de la responsabilité de l’Etat dans l’absence inexpliquée du tableau annexe du 8 novembre 1998, document fondamental prévu par l’Accord de Nouméa de 1998.

Des comités des signataires se tiennent régulièrement pour faire le point avec l’Etat de la situation et maintenir le cap défini par l’Accord de Nouméa. Lors du dernier comité des signataires qui s’est tenu le 3 octobre 2014 à Paris sous la présidence du Premier Ministre Manuel Valls et en l’absence de l’Union Calédonienne, trois groupes de travail ont été créés autour des questions prévues pour le référendum de sortie : transfert des compétences régaliennes ; transformation de la citoyenneté en nationalité ; et, accès à un statut international

La Nouvelle-Calédonie, un pays à décoloniser

La Nouvelle-Calédonie, inscrite une première fois en 1946 sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies, fut retirée en 1947 puis réinscrite en 1986. Entre 1984 et 1988, la Nouvelle-Calédonie a été secouée par une guerre civile qui divisa profondément le Pays, période communément appelée « Les Évènements ». Cette période prit fin avec la signature des accords de Matignon en 1988.

Aujourd’hui, 26 ans plus tard, les tensions sociales sont encore persistantes entre les différents groupes culturels qui composent la Nouvelle-Calédonie. Des pratiques discriminatoires envers le peuple autochtone kanak sont toujours à l’œuvre dans l’accès à certains lieux publics, à la formation, à l’emploi et au logement. En pratique, les inégalités sociales recoupent encore trop visiblement le découpage ethnique. En 2014, la population carcérale de Nouvelle-Calédonie est majoritairement composée de jeunes Kanak. Aucune étude à ce jour n’a été menée localement pour tenter de comprendre les causes de cette sur-incarcération et proposer des solutions alternatives à cette situation.

Visite du Comité spécial de décolonisation des Nations unies en Nouvelle-Calédonie en 2014

Le 20 février 2014, le Comité spécial de décolonisation des Nations unies a décidé d’envoyer une mission de visite en Nouvelle-Calédonie. Ce Comité est spécialement chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux du 14 décembre 1960. L’objectif de cette mission était de réunir des informations de première main sur l’application de l’Accord de Nouméa, en particulier de son paragraphe 3.2.1 et de la résolution 68/92 de l’Assemblée générale, qui prévoient que les progrès réalisés sur la voie de l’émancipation seront portés à la connaissance de l’ONU.

Suite à cette mission, la France a été rappelée par les Nations unies à « poursuivre le dialogue avec la Nouvelle-Calédonie sur le processus d’autodétermination »[1]. La mission fut d’avis que la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie était « extrêmement fragile ».

Sur les dispositions relatives au corps électoral restreint, la mission a souligné qu’ « il importe que toutes les parties impliquées [dont l’Etat français] veillent à l’application intégrale de l’Accord de Nouméa en prenant de toute urgence des mesures sincères pour pallier les lacunes actuelles, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au corps électoral restreint ». Elle est par ailleurs d’avis que « le mode de fonctionnement des commissions administratives spéciales doit être revu compte tenu des problèmes soulevés par de nombreux interlocuteurs, dont les magistrats eux-mêmes ».

Sur les dispositions plus générales relatives au rééquilibrage et au transfert de compétences, la mission considère qu’ « il est essentiel pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie que les recommandations formulées dans le rapport de 2011 du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones James Anaya, en particulier celles qui concernent la participation des Kanaks à la vie politique et au gouvernement et les disparités sociales et économiques, soient mises en œuvre sans tarder ». Elle note également que « dans le contexte actuel du transfert des compétences, il est tout particulièrement important de favoriser l’éducation et la formation au plus haut niveau. Elle prie donc la Puissance administrante [l’Etat français] d’élaborer des programmes de renforcement des capacités clairs et solides afin de donner aux Néo-Calédoniens les moyens de décider de leur avenir ». Enfin, la mission « n’a pu rassembler d’éléments probants concernant les mesures prises pour renforcer l’inclusion et l’inscription sur les listes électorales des prisonniers qui, pour la plupart, sont de jeunes Kanak ».

Pour une reconnaissance de la Charte du peuple kanak

Tous les peuples ont le droit à disposer d’eux-mêmes aussi appelé droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. En Nouvelle-Calédonie, ce droit se met en place depuis la signature des accords de Matignon en 1988 et celui de Nouméa en 1998. Cet Accord de Nouméa définit pour vingt ans, c’est-à-dire jusqu’en 2018, l’organisation politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation.

Pendant toute l’année 2013, le Sénat Coutumier a engagé un énorme travail de consultation des autochtones sur leurs coutumes, leurs manières de faire et surtout leurs valeurs. Il a organisé ainsi trois états généraux, trois séminaires et il a rencontré plus de mille cinq cents personnes, avec en permanence trois cents personnes sur le chantier. Ce travail de grande consultation, de recensement et de réflexion a abouti à l’adoption, le 26 avril 2014, de la Charte du peuple kanak par l’Assemblée du peuple kanak. Cette charte comporte un préambule et trois chapitres sur les valeurs fondamentales de la civilisation kanak, sur les principes généraux de cette civilisation et sur l’exercice du droit à l’autodétermination.

Si la France constitutionnalise le statut civil coutumier, il n’en demeure pas moins qu’il est essentiel que ce travail des coutumiers soit reconnu légalement, ce qui n’est pas le cas à ce jour.

Pour le bon déroulement du transfert des compétences

Lors du dernier comité des signataires qui s’est tenu le 3 octobre 2014 à Paris sous la présidence du Premier ministre Manuel Valls et en l’absence de l’Union calédonienne,un point a été fait sur les modalités de transfert des compétences de l’article 27 de l’Accord de Nouméa. Les compétences concernées sont l’enseignement supérieur, la communication audiovisuelle, les règles relatives à l’administration, au contrôle de légalité et au régime comptable des collectivités locales et établissements publics.

Ces transferts doivent se faire depuis 2009 : l’Etat a rappelé qu’en vertu de ce même article, s’il est associé à la démarche, il ne peut pas procéder de sa propre initiative au transfert de ces compétences, cette prérogative appartenant au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. En effet, le transfert d’une compétence réclame que les 3/5e du Congrès y soient disposés. Or le rapport des forces politiques en présence – indépendantistes et loyalistes – a jusqu’ici souvent favorisé l’inertie plutôt qu’une prise en mains du processus de décolonisation.

 

ONG et syndicats de la Plateforme DESCrecommandent à la France de :

186. Prendre ses dispositions pour que la liste électorale pour le référendum sur la Nouvelle-Calédonie soit constituée dans la pleine transparence.
187. Poursuivre le dialogue avec la Nouvelle-Calédonie sur le processus d’autodétermination et respecter les recommandations du Comité spécial de décolonisation des Nations unies en Nouvelle-Calédonie.
188. Garantir l’effectivité et la reconnaissance de la Charte du Peuple Kanak.
189. Respecter de l’accord de Nouméa.
190. Assurer le transfert effectif des compétences de l’article 27 de l’Accord de Nouméa.
191. Améliorer l’information du public sur le transfert des compétences et sur ses droits.

 

La promotion des droits des femmes en Outre-Mer

En 2008, le Comité Desc recommandait à la France dans ses observations finales « de prendre toutes les mesures nécessaires− y compris si besoin des mesures spéciales temporaires − pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, améliorer le taux d’emploi des femmes, réduire les écarts de salaire entre les hommes et les femmes et augmenter le pourcentage de femmes occupant des postes de responsabilité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé »[2]. Malgré cette recommandation l’Etat français continue à ne pas prendre les mesures nécessaires.

En Nouvelle-Calédonie, le droit des femmes est une compétence transversale qui relève du gouvernement, des provinces et des communes. Si les pays francophones du Pacifique font l’objet d’une attention croissante, il est à constater que les collectivités locales du Pacifique sont assimilées à la France et ne peuvent bénéficier en ce sens de certaines aides.

Par ailleurs, l’Observatoire de la condition féminine (OCF) créé en 2006 a été en sommeil jusqu’en 2013. Malgré cette période de sommeil, un rapport d’activité sur la période 2009-2012 a été rédigé et a souligné la nécessité de faire de cette structure, une structure autonome. De plus, la ministre en charge de la culture, de la citoyenneté et de la condition féminine a confié à la chargée de mission de l’OCF la mission d’étudier la restructuration de l’OCF. Le rapport rendu à cette fin a souligné la nécessité pour cette structure de devenir autonome afin de pouvoir pleinement exercer ses missions, ce qui, aujourd’hui, reste difficile du fait du manque d’indépendance, de moyens et de lisibilité de l’OCF.

Enfin, sil’initiative du gouvernement de rendre accessibles les droits fondamentaux des femmes, au travers de la rédaction d’un guide éducatif est à saluer, il est à noter une méconnaissance des droits des femmes ainsi qu’une difficulté à les faire valoir. Cette problématique est accentuée avec la coexistence de différents statuts juridiques, comme le souligne le rapport sur la mise en œuvre de la Cedef en Nouvelle-Calédonie remis en septembre 2013 : « On relève le taux élevé de violences à l’égard des femmes, la faible représentation des femmes aux postes de décision tant dans le secteur public que privé, des discriminations salariales, le difficile accès à la formation, à l’emploi et aux services de santé pour les femmes des zones rurales, la lente évolution du droit des femmes autochtones au niveau coutumier, l’absence totale de prise en compte de la problématique hommes-femmes dans certaines politiques institutionnelles, et un fort ancrage des rôles stéréotypés des hommes et des femmes. »[3]

 

 

Un arsenal législatif contre les violences familiales moins protecteur qu’en France

En 2008, le Comité Desc recommandait la France « d’adopter un texte de loi érigeant en infraction les actes de violence familiale. Il lui recommande également d’intensifier ses efforts pour mieux sensibiliser la population à la gravité de cette infraction et faire connaître les mécanismes à la disposition des victimes de violence familiale, en particulier en adaptant ses campagnes d’information à l’intention des groupes de femmes les plus vulnérables, notamment celles originaires de certains pays non européens et celles ayant un faible niveau d’instruction »[4].

Cependant, certaines mesures législatives adoptées en la matière ne s’appliquent pas de facto en Nouvelle-Calédonie du fait du principe de spécialité législative. De plus, les lois métropolitaines ne prennent pas en compte ces spécificités locales, ce qui aboutit à l’inapplication de certains dispositifs protecteurs tels que de l’ordonnance de protection des victimes de violences de statut civil coutumier.

Une politique d’éducation en Nouvelle-Calédonie, creuset des discriminations

Lors de son dernier examen, le Comité Desc recommandait à la France « d’adopter toutes les mesures voulues pour réduire les importantes disparités en matière de réussite scolaire entre les élèves français et ceux qui appartiennent à des minorités raciales, ethniques ou nationales, notamment en étoffant l’offre de cours de langue française pour les élèves qui n’ont pas les compétences linguistiques suffisantes en français et en évitant la surreprésentation des élèves issus des minorités dans les classes pour les élèves en difficulté »[5]. Il lui recommandait en outre « de réaliser de nouvelles études sur la corrélation entre échec scolaire et environnement social, en vue d’élaborer des stratégies efficaces visant à réduire les taux disproportionnés d’abandon scolaire chez les élèves issus des minorités ».

Les priorités françaises en termes d’éducation s’articulent autour de deux axes : assurer l’accès à l’éducation obligatoire et gratuite, et insérer efficacement les populations vulnérables et défavorisées dans les structures d’enseignement. Pour autant, ses priorités ne prennent pas en compte la spécificité calédonienne inscrite dans l’accord de Nouméa qui prévoit :

  • Le transfert de compétences à la Nouvelle-Calédonie dans les domaines de : l’enseignement primaire public ; l’enseignement secondaire, sous réserve de la possibilité pour les assemblées de province de les adapter aux spécificités locales ; et, l’enseignement supérieur.
  • Un programme spécifique aux enseignements secondaire, supérieur, et professionnel qui tendra à rééquilibrage et à l’accession des Kanak aux responsabilités dans tous les secteurs d’activités.

La politique d’éducation en Nouvelle-Calédonie, creuset des discriminations

L’école est une des premières loges de destin commun où tous les enfants de diverses cultures se côtoient au quotidien. Mais l’histoire coloniale et la mondialisation ont laissé leurs empreintes. Elles ont fait de l’école le creuset de discriminations sociales mais aussi culturelles Ces discriminations contribuent encore fortement à entretenir l’échec scolaire des enfants kanaks, majoritaires mais vulnérables et défavorisés dans les structures de l’enseignement.

Malgré les nouvelles réformes mises en place par l’Accord de Nouméa et le progrès d’adaptation des programmes scolaires, l’école d’aujourd’hui reste encore très fortement calquée sur le modèle occidental. L’école véhicule prioritairement une seule culture et ne prend pas assez en compte les diversités culturelles des enfants Kanak. Il en résulte que la population autochtone du territoire doit dans tous les domaines constamment s’adapter à des modèles occidentaux qui se veulent universels. L’élève, l’enfant, est alors obligé de remettre en question ses fondamentaux culturels. Selon une étude de l’Insee (2009)[6], deux tiers des non-Kanaks ont un emploi, contre 45 % des Kanaks dont 39 % occupent un emploi de catégorie « ouvrier ». Cette situation sociale est liée à la marginalisation des Kanaks dans le système éducatif. En effet, 3 % des Kanaks sont des diplômés de l’enseignement supérieur contre 23 % des non-Kanaks. 40 % des Kanaks sont sans diplôme, soit 2 % fois plus que les non-Kanaks.

 

Les questions de la reconnaissance officielle des langues régionales et de leur valorisation

Bien que dans son examen de 2008 le Comité Desc renouvelait « sa recommandation qu’il avait faite dans ses précédentes observations finales tendant à ce que l’État partie intensifie ses efforts pour préserver et promouvoir les langues et patrimoines culturels régionaux et minoritaires, notamment en veillant à ce que des ressources financières et humaines suffisantes soient allouées à l’enseignement des langues et cultures régionales et minoritaires dans les écoles publiques et à la diffusion de programmes de télévision et de radio dans ces langues » , aucune amélioration dans ce sens n’a été faite en Nouvelle-Calédonie.

Comme pour le droit des femmes, la valorisation des langues régionales est une compétence transversale qui relève de l’Etat, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces. Ainsi, contrairement à la métropole, en Nouvelle-Calédonie du fait de cette spécialité législative, le bilinguisme n’est pas autorisé dans les actes officiels qui restent de compétence Etat. Quant aux actes coutumiers de la compétence de la Nouvelle-Calédonie il est à regretter que le bilinguisme ne soit pas non plus utilisé.

Par ailleurs, bien que l’accord de Nouméa indique que les langues kanaks sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie, aucun enseignement en ces langues n’est effectué.L’Etat se targue que treize langues kanaks sont enseignées sur les vingt-neuf langues existantes, toutefois, par exemple, en province Sud, moins de 20 % des élèves de maternelle ont la possibilité de recevoir un enseignement en langue vernaculaire en maternelle.

De plus, aucun enseignement des langues régionales et des langues d’origine des régions et territoires d’outre-mer n’est délivré dans le primaire (cela relève de la compétence de la Nouvelle-Calédonie). Et, aucune langue supplémentaire n’est venue, depuis 1992, s’ajouter aux 4 langues qui peuvent être présentées au baccalauréat concernant le secondaire. Par ailleurs, le statut des enseignants reste précaire dans le public avec un renouvellement annuel des contrats. Alors que les langues sont enseignées au lycée depuis plus de 25 ans, aucun Certificat d’aptitude au professorat du second degré (Capes) n’existe.

Enfin, si une part du temps d’antenne est consacrée aux cultures régionales sur Réseau France outre-mer (RFO) télévision, strictement aucune émission en langue kanak n’est diffusée.

 

 

[1] Rapport de la mission de visite des Nations unies en Nouvelle-Calédonie du 10 au 15 mars 2014 (A/AC.109/2014/20/Rev.1).

[2] Codesc, Examen des rapports présentés par les Etats parties, E/C.12/FRA/CO/3, France, 2008

[3] Rapport d’évaluation sur l’application des lois sur la parité en Nouvelle-Calédonie, 2007. Rolande Tourte-Trolue.

[4]  Codesc, Examen des rapports présentés par les Etats parties, E/C.12/FRA/CO/3, France, 2008

[5] Ibid.

[6] Catherine RIS, 2009, « Les inégalités ethniques dans l’accès à l’emploi en Nouvelle Calédonie», Larje, Université de la Nouvelle-Calédonie.

Share This
Soutenez les combats de la LDH

Les droits et les libertés ça n’a pas de prix, mais les défendre a un coût.