Lettre ouverte à Monsieur François Hollande

Lettre ouverte à Monsieur François Hollande

Paris, le 11 juillet 2014

Monsieur le Président,

Les événements de ces dernières semaines et la spirale de la violence conduisent la région vers un bain de sang. Les bombardements du gouvernement israélien sur la Bande de Gaza, les tirs de roquettes vers Israël font suite à une violente campagne de répression en Cisjordanie, suivie de manifestations violemment « anti-arabes » de la part de citoyens juifs israéliens. Cela ne peut produire que plus de violences, et détruire le fragile processus palestinien de réconciliation nationale que vous aviez appuyé. De très nombreux faits montrent combien des actes racistes sont à craindre à l’avenir.

Dans ce contexte, le message de soutien que vous avez adressé au Premier ministre, B. Netanyahou, peut être compris comme un feu vert donné au gouvernement israélien à la violence et aux représailles contre la bande de Gaza. Et nous regrettons que le message envoyé à M. Abbas le lendemain dans lequel « déploré que les opérations militaires en cours aient déjà fait de nombreuses victimes palestiniennes » n’ait pas été transmis de manière publique à M. Netanyahou et que la France qui a pointé la responsabilité du Hamas n’en ait pas fait de même avec l’Etat d’Israël.

Acteurs de longue date dans cette région, en lien régulier avec des associations de développement et de défense des droits de l’Homme en Israël et en Palestine, nous savons combien les traumatismes de ces derniers jours s’ajoutent aux attaques régulières de l’armée israélienne ponctuées par des attaques massives en 2008-2009 et 2012. La Bande de Gaza vit sous blocus depuis de longues années et les habitants sont déjà soumis à un régime qui conduit plus de 70 % de la population à vivre en-dessous du seuil de pauvreté.

Nos organisations condamnent les violations commises par toutes les parties : les tirs de roquettes menés par le Hamas contre les villes israéliennes depuis le 13 juin 2014 mais aussi les frappes aériennes menées par l’armée Israélienne sur la bande de Gaza. En effet, toute attaque visant des civils constitue une violation des normes fondamentales du droit international humanitaire.

Les Conventions de Genève disposent que dans un conflit armé seuls les combattants et les objectifs militaires immédiats peuvent être visés. Les civils et les infrastructures civiles doivent être protégés de ces attaques. Or l’armée Israélienne Israéliens a délibérément ciblé des maisons et des lieux publics (hôpitaux, écoles, mosquées, clubs sportifs, cafés). Selon le PCHR (Palestinian Center for Human Rights), association de défense des droits de l’Homme basée à Gaza, dans la majorité des cas, il ne semble pas y avoir de nécessité militaire justifiant la destruction des maisons. L’appartenance de ces domiciles à des combattants du Hamas ne suffit pas à les qualifier d’objectifs militaires. Dans aucun des cas documentés il n’a été prouvé que les maisons aient été utilisées pour le stockage des armes.

Le bilan est aujourd’hui, le 11 juillet, de plus de 103 morts, dont des enfants et des femmes. 712 autres personnes ont été blessées, pour la plupart des civils. Le déséquilibre des forces en faveur d’Israël ne peut donc pas être ignoré, pas plus que l’écrasant poids des hostilités sur la population palestinienne, en termes de dommages physiques, psychologiques et structurels.

L’utilisation de la force n’a pas apporté et n’apportera aux Palestiniens et aux Israéliens ni justice, ni paix, ni sécurité sur le long terme. Il faut que ces violences cessent et que le siège soit levé pour permettre aux Palestiniens d’y reprendre enfin une vie normale. La Bande de Gaza est toujours considérée comme territoire occupé. En violation du droit international humanitaire, Israël lui impose depuis cinq ans un blocus qui touche d’abord la population civile.

L’occupation du Territoire palestinien doit cesser. Il s’agit d’un préalable à la paix dans cette région. Le rôle de la communauté internationale est d’agir pour prévenir les crimes.

La France, en tant que Haute Partie contractante à la quatrième Convention de Genève a l’obligation de respecter et de faire respecter la Convention en toutes circonstances (article 1) et de prendre toutes les mesures nécessaires pour poursuivre les personnes ayant commis, ou donné l’ordre de commettre des infractions graves à la quatrième Convention de Genève (article 146).

Dans ces circonstances, nous attendons du chef de l’Etat et du gouvernement non pas de cautionner la violence et de conforter l’Etat israélien dans ses positions, mais de rappeler à toutes les parties leurs obligations au regard du droit international.

En conséquence, nous vous demandons de :

• agir de manière forte pour qu’un cessez-le feu entre les parties soit mis en place le plus rapidement possible ;

• condamner fermement le ciblage délibéré des civils et des infrastructures civiles et appeler les différentes parties à cesser les attaques indiscriminés contre les civils et l’usage excessif de la force ;

• assurer que la justice soit appliquée pour toutes les violations du droit international humanitaire et le droit international des droits de l’Homme, y compris en menant des enquêtes conformes aux normes internationales, de poursuivre les personnes responsables et d’assurer l’accès aux tribunaux, la réparation et l’indemnisation des victimes pour les dommages subis ;

• demander au gouvernement israélien de se soumettre à ses obligations en tant que puissance occupante notamment celles d’assurer la sécurité des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

 

Nous sollicitons auprès de vous un rendez-vous afin d’échanger autour de la position de la France.

Dans l’attente de votre réponse et dans l’espoir que vous ferez suite à notre demande, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération. Nous vous informons par ailleurs que nous rendrons cette lettre publique.

 

Karim Lahidji, président de la FIDH

Claude Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine

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