La LDH soutient le film “Sud-eau-nord-déplacer” d’Antoine Boutet

Sortie le 28 janvier

 

Le film d’Antoine Boutet est doublement important : d’abord par l’ampleur pharaonique du chantier, ensuite par l’intelligence du scénario qui met en lumière toutes les tensions de la société chinoise. Il a en outre le mérite de l’actualité puisque le 27 décembre, les robinets de la capitale Beijing ont fait couler les premières eaux venues du Sud. La connexion du réseau sud au réseau nord venait de s’opérer le 12 décembre.

La logique initiale est simple : le nord a les deux tiers des terres arables mais seulement un cinquième de l’eau du pays.

L’approvisionnement en eau de Beijing ressemble à celui de l’Algérie ; son déficit dépasse un milliard et demi de mètres cubes. Il serait urgent que la capitale ait en permanence de l’eau à boire, ce qui n’est pas le cas. L’ensemble du chantier pour y remédier est gigantesque. Le débit annuel annoncé est d’un milliard de mètres cubes. En outre, huit milliards et demi iront aux provinces traversées. Un tunnel de 7,2 km passe sous le Fleuve jaune, un aqueduc de 12 km amène de l’eau à un cours d’eau du Henan.

Mais tout n’est pas si simple. On note d’abord plusieurs inconséquences. L’eau arrivée à Beijing vient non du Yangtsé mais de la Han, affluent du nord ; ce n’est donc pas vraiment de l’eau du sud. Le bassin de la Han, dont on a pris de un à deux tiers du débit, manque d’eau et les agriculteurs locaux ont dû déjà réduire leur consommation.

Les ressources en eau des habitants de Beijing sont descendues de trois cents mètres à cent mètres cubes. La nappe phréatique s’y abaisse chaque année de 90 cm. Mais cette situation résulte d’un énorme gaspillage : alors que la consommation quotidienne est en Allemagne de 130 litres, celle de Beijing atteint 300 litres, à cause des fuites dans les canalisations, des terrains de golfs, des piscines et jardins d’ornementation privés. Le déficit disparaîtrait si la consommation s’abaissait au niveau allemand.

Le chantier a créé d’énormes problèmes d’environnement. Depuis son ouverture en 2006, il a fallu fermer mille usines polluantes installées à proximité des canalisations. Bien que des sommes équivalant à deux milliards d’euros environ aient été affectées à l’écologie du projet, des difficultés apparaissent pour l’environnement : développement anormal des algues à Wuhan, pollution de l’eau et pêches moins abondantes dans les cours d’eau sujets à prélèvement. Les eaux arrivées au nord par le Grand Canal (chantier oriental) suscitent la méfiance, suspectées d’être cancérigènes, si bien qu’à Tianjin, on préférerait s’approvisionner en dessalant l’eau de mer.

Le film met l’accent sur les implications humaines du chantier : déplacements de population, attribution de terres de qualité contestables, indemnisations non versées, lutte dérisoire contre l’avancée du désert. D’un côté, le parti se félicite de la magnificence du projet ; de l’autre, les paysans crient leur mécontentement. Deux niveaux de langage, comme en presque toutes choses en Chine. Une autre raison d’aller voir le film, pour y écouter le peuple.

 

Sud Eau Nord Déplacer
France, 2014
Durée : 110 mn
Réalisation : Antoine Boutet
Production : Patrice Nezan, Julie Paratian
Distribution : Zeugma Films
Voir la bande-annonce du film
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Pour plus d’information sur la programmation du film ou accompagner sa projection dans votre ville, contactez Philippe Hagué : hague.philippe@gmail.com

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