Forte reprise des expulsions sans décision de justice ni solution de relogement, particulièrement en Ile-de-France

Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou des personnes désignées comme telles) en France  1e et 2e trimestres 2017

Depuis le début de 2017, au total 4382 Roms ont été expulsées de 50 lieux de vie en France.

2689 personnes ont été expulsées de force par les autorités publiques, 897 ont fait l’objet d’une évacuation suite aux incendies qui se sont déclarés dans sept lieux de vie. En outre 796 personnes ont quitté leurs lieux de vie sous la pression d’une expulsion imminente.

Durant le premier trimestre 2017, 1182 Roms ont été expulsés de force par les autorités publiques de 12 bidonvilles et squats. S’y ajoutent 847 personnes expulsées de six lieux de vie à la suite d’un incendie. En outre 342 personnes ont quitté trois lieux avant l’arrivée de la police sous la pression d’une expulsion imminente.

Si les chiffres apparaissent en baisse par rapport à ceux du dernier trimestre 2016 (2 958), ils demeurent inquiétants au regard des conditions de leur mise en œuvre. Ils apparaissent particulièrement élevés alors que la loi « Egalité et citoyenneté » entrée en vigueur le 27 janvier 2017[1] reconnaît désormais la possibilité d’appliquer la trêve hivernale pour ces habitants précaires et d’apprécier les délais pour procéder à ces expulsions, notamment en cas d’engorgement des dispositifs d’hébergements d’urgence. Ces bonnes intentions de principe n’ont pas été appliquées pour ces familles roms, comme l’ont démontré les résultats du recensement du premier trimestre.

Durant le deuxième trimestre, au total 2011 Roms ont fait face à des expulsions de 29 squats et bidonvilles. 1507 d’entre eux ont été expulsés par les forces de l’ordre de 27 lieux de vie. Une seule évacuation suite à un incendie a été notée pendant le trimestre en l’occurrence, concernant 50 personnes. Cependant, on observe une augmentation du nombre de personnes ayant quitté leurs lieux de vie avant l’arrivée des autorités sous la pression d’une expulsion imminente. Ainsi 454 personnes sont parties avant le début de l’évacuation du terrain, ce qui fait une augmentation de 112 personnes par rapport au premier trimestre de 2017.

Depuis le début de 2017, le nombre de lieux de vie évacués faisant l’objet d’un arrêté de péril ou d’insalubrité pris par une autorité communale ou préfectorale reste élevé, relevant donc de la seule décision de l’administration. Moins de la moitié des expulsions recensées (23) faisaient suite à une assignation devant les tribunaux par les propriétaires des terrains ou des squats, alors que les autres 18 reposaient sur une simple décision administrative, sans intervention du Juge pour en apprécier l’opportunité, les modalités et le calendrier.

Sur les 39 expulsions de force effectuées par les autorités, 17 opérations ont été conduites sans qu’aucune solution d’hébergement, même partielle, ne soit proposée aux personnes concernées. Les familles ont donc été remises à la rue par les pouvoirs publics, déplaçant le problème et accentuant la précarité des familles. Une telle action est en flagrante contradiction avec les dispositions prévues par la circulaire de 26 août 2012[2], qui prévoit une obligation pour les autorités d’un diagnostic préalable, ainsi que des réponses de relogement adaptées. Des solutions d’hébergement ont été proposées suivant 4 évacuations à la suite d’un incendie, dans la plupart des cas il s’agit de solutions temporaires : une mise à l’abri ou de l’hébergement d’urgence.

Depuis le début de l’année, la région Ile-de-France concentre l’essentiel des opérations menées et représente 59 % du nombre total des personnes expulsées, suivie de loin par les régions Auvergne-Rhône-Alpes (11 %) et Occitanie (11 %). Cette situation témoigne de la crise aiguë connue dans la capitale en matière de logements accessibles, de structures d’hébergement adaptées et l’insuffisance chronique des moyens mobilisés pour faire face aux besoins.

Des réponses pérennes sont possibles, comme le montre le rapport annuel du Collectif national des droits de l’Homme Romeurope, avec vingt propositions pour une politique d’inclusion des personnes vivant en bidonvilles et en squats[3].

De même, dans son rapport annuel, la Fondation Abbé-Pierre met en avant la nécessité d’une redéfinition du « cadre de la mission nationale de résorption des bidonvilles, arrivée à son terme en décembre 2016 ». « Quelles que soient leur origine, leur situation administrative et leur localisation, les personnes contraintes de vivre dans des bidonvilles ne doivent pas continuer à subir une politique sécuritaire d’évacuations et expulsions à répétition sans solution, mais plutôt faire l’objet d’une politique sociale adressée à des personnes en situation de précarité, dans l’esprit de la circulaire de 2012[4]. »

 

Remarque :

Ce recensement est le fruit d’un travail commun entre la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le European Roma Rights Centre (ERRC), avec le soutien du Collectif national droits de l’Homme Romeurope. Sans avoir la prétention à l’exhaustivité de la situation étant donné le manque de données officielles disponibles, ce recensement voudrait cependant en être l’expression la plus objective possible.

 

Téléchargez le document complet

Version anglaise du recensement disponible sur ici et site du ERRC : www.errc.org

 

[1] Article 143 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

[2] http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/campements-illicites-cadre-action-pour-services-etat.html

[3] http://www.romeurope.org/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_2017_20-propositions-1.pdf

[4] Fondation Abbé Pierre, L’état de mal-logement en France, 22 rapport annuel, 2017, p.104

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