Commémoration des victimes de la Nuit de Cristal

 Rassemblement le 9 novembre à 18h devant le gymnase Japy (2 rue Japy 75011, métro Voltaire ou Charonne)

Le 9 novembre, Memorial 98, avec ses partenaires du Collectif VAN(Vigilance Arménienne contre le négationnisme) et de l’associationIbuka-France (Justice et soutien aux rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda)  vous invite à commémorer la « Nuit de Cristal », pogrom d’Etat commis par les nazis le 9 novembre 1938 contre les Juifs d’Allemagne et d’Autriche. Pour la 2e année consécutive, nous nous rassemblerons à Paris devant le gymnase Japy, lieu symbolique dans lequel furent parqués en 1942, les Juifs raflés par la police française au service des nazis.

Dans la montée du nazisme et du fascisme en Europe, la Nuit de Cristal représente un jalon important:  les nazis au pouvoir depuis 1933 franchissent une nouvelle étape dans la violence, celle de massacres antisémites commis au vu et au su de toute l’Europe. Les images des synagogues incendiées, des enfants, des femmes et des hommes assassinés, arrêtés en masse, frappés et humiliés en public ne pouvaient être ignorées, et pourtant en France elles ne changèrent pas la situation: ni à la politique de refoulement des Juifs qui tentaient de fuir l’Allemagne, ni à la politique de laissez faire face à Hitler.

Quelques mois plus tôt, en juillet 1938, s’était tenue la conférence internationale sur les réfugiés d’Évian de juillet 1938, dont le but affiché était de de trouver des lieux d’asile notamment pour les réfugiés juifs et qui se termina par un échec. Le gouvernement français y avait exposé sa position: la France n’accueillerait plus de réfugiés. Deux mois plus tard, lors des accords de Munich le 30 septembre de la même année, le gouvernement français cède aux exigences nazies. Une partie de la Tchécoslovaquie (la région des Sudètes) est annexée au Reich nazi, la paix est « sauvée ».

La France tourne ainsi ouvertement le dos à ses principes  de pays de droits de l’homme, car le gouvernement recherche à tout prix l’apaisement avec son voisin allemand, notamment à travers  des négociations secrètes menées par Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères, depuis le 10 avril 1938. Bonnet ne veut pas que les évènements de la Nuit de Cristal compromettent sa politique. Il choisit d’ignorer le rapport de George Von, ambassadeur de France à Berlin, qui lui écrit ainsi au lendemain des évènements : “Le traitement infligé aux Juifs en Allemagne que les nazis tentent d’extirper complètement comme des bêtes malveillantes, éclaire la grande distance qui sépare la conception hitlérienne du monde du patrimoine spirituel des nations démocratiques”. Bonnet sera ensuite pétainiste, membre du Conseil national de Vichy.

La France est ainsi la seule grande démocratie à ne pas avoir dénoncé officiellement les massacres perpétrés dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938.
De plus, le 12 novembre 1938, deux jours seulement après la Nuit de Cristal, une loi autorisait en France l’internement des “indésirables” dans des camps de concentration dont ceux des Milles et de Rivesaltes. Les réfugiés juifs allemands et autrichiens entrés non légalement en France étaient désormais directement menacés et seront internés puis plus tard livrés aux nazis.

Soixante-dix ans après la défaite du nazisme, rappeler que l’Europe est de nouveau en proie à « ses vieux démons » peut apparaître comme un cliché mais rend compte d’une réalité.

Ainsi, l’antisémitisme, que d’aucuns disaient « disparu » est bien là: les victimes de l’attentat de l’Hyper cacher de Vincennes ont été tuées par un assassin qui avait choisi un lieu d’attentat uniquement parce qu’il était fréquenté par des personnes juives. D’aucuns ont choisi de lier sa haine à la religion qu’il revendiquait, mais c’est bien dans le pays de Jean-Marie le PenDieudonnéSoral, et que le jeune tueur avait grandi, bercé par une haine diffusée par des médias fascistes extrêmement puissants. En témoigne l’adhésion très large aux théories du « complot juif » qui ont essaimé dès le lendemain des attentats de janvier et qui influencent toutes les couches de la population française.

Dans la bonne ville de Versailles, fortement marquée par l’extrême-droite et l’intégrisme catholique, l’œuvre d’art d’Anish Kapoor est dégradée à plusieurs reprises avec des inscriptions contre les « Juifs déviants »

La violence pogromiste touche toutes les minorités : l’année 2015 aura aussi été marquée en France par les incendies contre les mosquées, les attaques menées contre les personnes musulmanes dans la rue où à leur domicile, le tout dans une atmosphère de surenchère islamophobe, à laquelle participent des voix venues de tout le champ politique. À Calais, des commandos agressent les migrants et les tabassent. Les Roms qui ont été victimes des génocidaires nazis sont particulièrement visés : dans toute la France, les bidonvilles où survivent les Roms, victimes du racisme d’Etat, sont ciblées aussi bien par des attaques individuelles que par des rassemblements de foules haineuses, très souvent entraînées par des élus d’extrême-droite et aussi de droite.

La cacophonie raciste et antisémite ne semble avoir aucune limite : les déclarations racistes des responsables politiques se multiplient si vite que leur dénonciation finit par paraître vaine. Apologie de la « race blanche »,dénonciation de l’« invasion » des gens du voyage, éloge du fichage des enfants musulmans, chaque semaine apporte son lot d’excréments verbaux sortis des poubelles de l’Histoire.

Face à cette marée, un grand espoir s’est levé, dans cette Europe où presque partout l’extrême-droite parlementaire explose les compteurs électoraux, où les mouvements néo-nazis sont devenus une réalité quotidienne et de plus en plus représentée dans les exécutifs nationaux ou locaux.

Car l’année 2015 aura aussi été celle du mouvement de solidarité avec les migrants : partout en Europe, de Vienne à Londres, de Copenhague à Budapest, mais aussi dans de petites villes comme  Sérent (Morbihan) des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues pour exiger accueil et solidarité. Partout, des gens ordinaires ont décidé de s’engager au quotidien, multipliant les initiatives, du simple don à l’accompagnement administratif en passant par les défenses collectives contre la répression malheureusement quotidienne des migrants à toutes les frontières européennes.

Une autre Europe a brusquement émergé, une Europe qui rêve d’égalité, d’ouverture, de coexistence. Une autre opinion publique a donné de la voix par les actes, ensemble des gens de cultures, de religions, de sensibilités différentes, ont répondu ensemble au fascisme montant, et commencé à construire enfin, l’idée d’un autre monde possible.

Nous ne sommes pas dans les années 30, mais il n’est jamais trop tôt pour dire « Plus jamais ça » aux héritiers nombreux des pogromistes de ces années-là.

Dans nos combats d’aujourd’hui, il n’est jamais trop tard pour faire de nos mémoires une arme .

Il y a cent ans, les logiques racistes de l’Etat turc conduisaient au génocide des Arméniens: le négationnisme maintenu de l’Etat turc se trouve renforcé par une décision récente de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) autorisant ce négationnisme à s’exprimer en toute liberté. En France, la loi pénalisant le déni du génocide des Arméniens est renvoyée aux calendes grecques. Nous serons là pour dire la vérité historique, parce que sans reconnaissance de cette vérité, les dérives autoritaires et oppressives en Turquie continueront contre la minorité kurde et contre tous les progressistes.

Il y a vingt et un ans, des rhétoriques similaires à celles développées par les nazis étaient utilisées pour préparer et exécuter le génocide contre les Tutsi au Rwanda. La justice n’est toujours pas réalisée: un génocidaire présumé vient d’être relaxé sans procès par la justice française, l’inauguration d’un lieu de mémoire à Dijon a été annulé par le maire et ancien ministre, alors que des députés ont fait pression pour qu’un colloque sur ce génocide n’ait pas lieu à l’Assemblée Nationale. Nous serons aux côtés des Rwandais qui se battent pour que les génocidaires ne restent pas impunis et pour que la responsabilité de l’Etat français soit enfin reconnue. Parce que cette reconnaissance est nécessaire pour que soit combattues toutes les complicités et les complaisances de notre Etat avec des dictateurs ou des tortionnaires, à l’heure où des avions de guerre sont vendus à la junte militaire égyptienne et des bateaux militaires à l’Arabie Saoudite qui décapite ses opposants.

Il y a 77 ans, les gouvernements européens refusaient de regarder la réalité nazie en face et fermaient leur frontière à ceux qui fuyaient Hitler, et laissaient commencer le massacre des Juifs, qui allait finir en génocide. Aujourd’hui, les discours prétendûment “réalistes” qui ont  laissé Bachar Al Assad massacrer sa propre population vont désormais jusqu’à prôner une alliance avec le dictateur sanguinaire ou au mieux, à le considérer comme un “moindre mal” et un “facteur de stabilité”. Au nom du même prétendu “réalisme”, l’Union européenne regarde avec indifférence l’un de ses membres, la Hongrie, basculer dans la persécution ouverte contre les migrants; elle refuse toute sanction contre un gouvernement de droite extrême qui favorise des milices racistes antisémites.

Mais le réalisme, c’est de regarder l’Histoire en face: celle du 20ème siècle nous a montré que les pogroms, les massacres, voire les génocides dirigés contre une partie de la population dans une aire locale et considérés ailleurs avec indifférence aboutissent toujours à l’extension de la guerre et de la haine au niveau mondial.

Nous serons ces Européens qui n’oublient aucune victime de la violence fasciste du passé, parce que l’oubli est la meilleure arme des héritiers des bourreaux.

Retrouvons nous le 9 novembre à 18h devant le gymnase Japy (2 rue Japy 75011, métro Voltaire ou Charonne)

Memorial 98

http://www.memorial98.org/2015/10/le-9-novembre-commemorons-les-victimes-de-la-nuit-de-cristal.html.

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