1793 : DECLARATION DES DROITS ET DES DEVOIRS […] PAR LA NATION GENEVOISE

DéCLARATION DES DROITS ET DES DEVOIRS DE L’HOMME SOCIAL CONSACRéE PAR LA NATION GENEVOISE
Genève
9 juin 1793

Extraits

Article 1 Tout homme est seul propriétaire de sa personne et de ses facultés.

Article 2 Tout homme a donc le droit de disposer de sa personne et de ses facultés pour sa conservation et pour son bonheur. C’est ce droit qui constitue la liberté naturelle.

Article 3 Nul homme n’ayant plus de droit à sa propriété personnelle qu’un autre n’en peut avoir à la sienne propre, il en résulte que tous les hommes sont égaux en droits, quoiqu’ils ne le soient ni en force, ni en moyens.

Article 4 Tous les hommes étant égaux en droits, celui qui entreprendrait sur le droit d’un autre attaquerait le fondement de son propre droit. Chacun doit donc respecter le droit d’autrui, s’il veut qu’on respecte le sien ; et de là naissent les devoirs réciproques.

Article 5 L’acte par lequel le fort opprime le faible ne peut jamais produire un droit ; l’acte, au contraire, par lequel le faible résiste ou se soustrait à l’oppression du fort, est toujours autorisé par son droit, et résulte de ce qu’il se doit à lui-même.

Article 6 Les droits de l’homme étant inhérens à sa qualité d’homme sont inaliénables. Il n’a donc pu y renoncer en se réunissant en société avec ses semblables ; mais il a mis sous la protection de tous ces droits que sa force privée ne pouvait efficacement défendre.

Article 7 Toute bonne Constitution doit donc avoir pour objet d’assurer aux hommes l’exercice de leurs droits naturels, et de protéger leur égalité en droits contre l’influence de l’inégalité des moyens.

Article 8 En se mettant sous la protection de tous, les hommes se mettent aussi sous la suprême direction de la volonté générale, ou de la Loi. La société peut donc limiter l’exercice des droits de chacun des associés, mais seulement dans les cas où l’exercice de ces droits nuirait à l’intérêt général.

Article 9 La loi ne peut être que l’expression libre de la volonté générale, obligatoire pour l’universalité des Citoyens, et déclarée selon les formes adoptées par la Nation.

Article 10 Les droits des hommes en société sont : l’Égalité, la Liberté, la Sûreté, la Propriété, la Garantie sociale et la Résistance à l’oppression ; et leurs devoirs sont de reconnaître et de respecter dans les autres ces mêmes droits.

Égalité

Article 11 Tous les individus ont le même droit à la protection de la Loi, et sont obligés de se soumettre à la Loi.

Article 12 Tous les Citoyens, c’est-à-dire, tous les Membres de la Société politique, doivent jouir des mêmes droits.

Article 13 L’Égalité exclut toute distinction d’ordres, et toute prééminence qui ne serait pas l’effet d’un pouvoir conféré par la Loi.

Article 14 La Loi doit être la même pour tous, soit qu’elle réprime ou qu’elle protège, soit qu’elle punisse ou qu’elle récompense.

Article 15 Tous les Citoyens sont admissibles à toutes les places, emplois et fonctions publiques, et la Loi doit régler les élections, de manière que nul ne soit en office s’il n’est agréable au peuple.

Liberté

Article 16 La Liberté consiste à n’être soumis qu’à la Loi, à n’être tenu d’obéir qu’à l’autorité établie par la Loi, et à pouvoir faire, sans empêchement et sans crainte de punition, tout usage de ses facultés qui n’est pas interdit par la Loi.

Article 17 La Loi ne doit mettre à l’exercice des talents et de l’industrie d’autres limites que celles qui sont évidemment nécessaires pour assurer à tous les Citoyens la liberté de cet exercice, ou pour procurer le plus grand bien de la société.

Article 18 Tout homme est libre dans la manifestation de sa pensée et de ses opinions ; mais il est responsable des atteintes qu’il pourrait donner par là aux droits d’autrui.

Article 19 Tout Citoyen est libre de transporter son domicile où il lui plaît, même de quitter sa Patrie ; mais il doit la servir lorsqu’elle est en danger : la fuite alors seroit, non une retraite, mais une désertion criminelle.

Article 20 Comme la Loi est faite pour assurer la liberté de tous, la conservation de cette liberté dépend de la soumission de tous à la Loi.

Sûreté

Article 21 La Société doit pourvoir à la sûreté de tous, en sorte que nul ne puisse, sans s’exposer au châtiment, attenter à la personne, à la liberté, aux biens ou à l’honneur de qui que ce soit.

Article 22 Nul ne doit être appelé en Justice, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Tout autre acte exercé contre un individu est un délit ; la Loi doit fournir à cet individu des moyens prompts et efficaces d’obtenir le redressement et la compensation du tort qu’on lui a fait.

Article 23 Tout homme appelé ou saisi en vertu de la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites, doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance.

Article 24 Tout homme devant être présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la Loi.

Article 25 Nul ne doit être puni qu’en vertu d’une Loi promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. Article 26 Les peines doivent être proportionnées à la gravité et aux circonstances des délits.

Article 27 Tout Citoyen doit s’appliquer à connaître les Lois, et nul ne peut excuser son délit sur son ignorance.

Propriété

Article 28 Tout homme est libre de disposer à son gré de ses biens et des produits de son industrie, sauf les cas où, pour le bien général, la Loi mettrait des limites à l’exercice de ce droit.

Article 29 Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement. Le sacrifice n’en est dû qu’à la société entière, et la société n’a droit d’exiger ce sacrifice que dans le cas d’une nécessité publique et manifeste, et sous la condition d’une juste indemnité.

Article 30 Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale, et pour subvenir aux besoins publics. Tous les Citoyens ont donc le droit de concourir par leurs suffrages à l’établissement des contributions publiques, à la fixation de leur quotité, ainsi qu’à la détermination de leur durée et de leur emploi.

Article 31 Comme tous les Citoyens ont droit à la protection de l’État, ils doivent tous fournir leur part des contributions publiques, et la Loi doit régler cette part d’après leurs facultés.

Article 32 L’instruction étant un besoin de tous, la Société la doit également à tous ses Membres.

Article 33 La Société doit des secours à tout Citoyen qui est dans l’impuissance de pourvoir à ses besoins.

Garantie sociale

Article 34 La Garantie sociale consiste dans l’efficacité des moyens établis par la Constitution pour défendre les droits du Citoyen contre toute agression ou usurpation.

Article 35 Les droits de chaque Citoyen étant mis par le pacte social sous la protection de tous, la Garantie sociale de ces droits repose essentiellement sur la souveraineté de la Nation.

Article 36 La Souveraineté est une, indivisible, imprescriptible et inaliénable ; elle réside essentiellement dans le peuple entier, et chaque Citoyen a un droit égal de concourir à son exercice.

Article 37 Comme la Souveraineté de la Nation est la source et le garant unique des avantages sociaux, chaque Citoyen doit la défendre et la maintenir dans toute son intégrité.

Article 38 La Garantie sociale des droits des Citoyens ne peut exister si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la Loi, si les Fonctionnaires publics ne sont pas revêtus d’une autorité suffisante, et si leur responsabilité n’est pas assurée.

Article 39 Toute fonction publique est une commission et une propriété.

Article 40 Les Citoyens ont toujours le droit de s’assembler pour consulter sur la chose publique, ou pour demander le redressement de leurs griefs ; et la Constitution doit régler le mode de ces assemblées.

Article 41 Nul individu et nulle réunion partielle de Citoyens ne peuvent exercer aucune autorité, ni remplir aucune fonction publique, sans une délégation formelle de la Loi.

Article 42 Une Nation peut en tout temps revoir, réformer et changer sa Constitution et ses Lois : le mode de révision, de réforme ou de changement doit être déterminé par l’Acte constitutif.

Article 43 Tous les Citoyens doivent concourir à la Garantie sociale, et donner force à la Loi lorsqu’ils sont appelés en son nom.

Résistance à l’oppression

Article 44 Tout Citoyen a droit de résister à l’oppression. Le mode de résistance doit être déterminé par la Constitution, et chaque Citoyen doit renfermer ses moyens de résistance dans les limites prescrites par la Loi.

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